Qu’est-ce qui va changer ?
L’Assemblée Nationale mauritanienne a adopté, lundi dernier, le projet de loi portant«ratification du protocole facultatif se rapportant à la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.»
Sur la portée de cette adoption et ses incidences en matière de lutte contre les traitements inhumains et dégradants, nous avons rencontré Koita Bamariam, président de la commission nationale des droits de l’Homme (CNDH) et Boubacar Ould Messoud, président de SOS Esclaves. Entretiens.
Boubacar Ould Messoud, président de SOS Esclaves : « Seules les pratiques des autorités par rapport aux violations et aux auteurs de ces violations détermineront l’efficacité de cette ratification »
QDN : Quelles seront les conséquences de l’adoption, par l’assemblée nationale, du projet de loi portant «ratification du protocole facultatif se rapportant à la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants» ?
Je rappelle d’abord que SOS-Esclaves est membre du réseau mondial contre la torture dénommé "SOS-Torture" Cette adoption répond à un besoin essentiel en ce qu’elle consolide l’arsenal juridique existant et remplit un vide relatif à l’absence des dispositions qui punissent les auteurs des telles violations et participent d’avantage à protéger les victimes des abus.
QDN : Aura-t-elle des incidences sur la législation interne, notamment en matière pénale ?
L’actuelle législation pénale nationale contient, quelques dispositions très générales en l’espèce, donc nous pensons que cette adoption crée un cadre juridique spécifique dans ce domaine, et facilite d’avantage des poursuites à l’encontre des auteurs de ces crimes.
QDN : SOS Esclaves, le FONADH et d’autres défenseurs des droits de l’Homme ont toujours dénoncé l’impunité des actes de tortures en Mauritanie. La ratification du protocole facultatif se rapportant à la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants mettra-t-elle fin à cette impunité des auteurs d’actes de tortures ?
Cette ratification est importante pour les raisons que nous venons de citer plus haut, mais seules les pratiques des autorités par apport aux violations et aux auteurs de ces violations détermineront l’efficacité de cette ratification. Comme vous le savez, à cet égard, notre association et les autres associations de défense des droits de l'homme ne cessent de demander que la lumière soit faite sur crimes commis dans notre pays et que justice soit faite.
QDN : Vous êtes aussi membre d’une coalition mauritanienne contre la peine de mort. Cette ratification peut-elle être considérée comme un pas vers l’abolition de cette peine en Mauritanie ?
Sans doute !Et nous nous en félicitons tout en souhaitant que d'autres pas soient franchis surtout dans la pratique. Koita Bamariam, président de la CNDH : « La ratification du Protocole facultatif entraînerait trois obligations principales »
QDN: Quelles seront les conséquences de l’adoption, par l’assemblée nationale, du projet de loi portant «ratification du protocole facultatif se rapportant à la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants» en matière de prévention des actes de tortures ? Aura-t-elle des incidences sur la législation interne, notamment en matière pénale ? Mettra-t-elle fin à l’impunité des auteurs d’actes de tortures ?
KB : le contexte des reformes institutionnelles et législatives visant la consolidation de l’Etat de Droit, les Etats doivent faire face à la fois aux défis majeurs de traiter les graves violations des Droits de l’Homme du passé en matière de torture et se prémunir contre de tels actes à travers l’adoption de garanties de non récurrence.
Il s’agira pour la Mauritanie, après la consécration constitutionnelle de l’interdiction de la torture, de renforcer l’interdit normatif de la torture et des mauvais traitements et de mettre en œuvre les mesures préventives telles que prévues par le Protocole facultatif à la Convention contre la torture couramment appelé OPCAT que l’Assemblée Nationale vient d’adopter.
Le Protocole facultatif établit un système de visites préventives régulières à l’ensemble des lieux de privation de liberté par des experts nationaux et internationaux indépendants qui ,à l’issue de ces visites ,présentent des recommandations aux États parties afin d'améliorer le système de privation de liberté et mieux prévenir la torture et autres mauvais traitements. La ratification du Protocole facultatif entraînerait trois obligations principales pour la Mauritanie:
-Établir un Mécanisme national de prévention (MNP) indépendant et efficace avec le mandat d'effectuer des visites régulières à tous les lieux de privation de liberté, et publier les rapports annuels du MNP. La Mauritanie peut choisir de désigner des organismes existants, par exemple la Commission Nationale des Droits de l’Homme, ou en créer un ou plusieurs nouveaux pour exercer le mandat de MNP. Le séminaire portant plaidoyer de ratification de l’OPCAT conjointement organisé par la CNDH, APT et l’Ambassade de France à Nouakchott en Mars 2012 avait abouti à la conclusion de loger un tel mécanisme à la CNDH à l’instar de la majorité des Etats parties à l’OPCAT.
-Accepter les visites du Sous-comité des Nations Unies sur la prévention de la torture (SPT) à tous les lieux de privation de liberté (les rapports du SPT resteraient confidentiels sauf si la Mauritanie choisit de les publier). -Entrer dans un dialogue constructif avec le MNP et le SPT afin d'examiner leurs recommandations, avec l'objectif de prévenir la torture et les mauvais traitements.
La ratification de l’OPCAT devrait entraîner une harmonisation de la législation nationale avec les dispositions de ce protocole qui vient ainsi renforcer et justifier la pleine application de la convention internationale de 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ratifiée par la Mauritanie en 2004.Cette convention ne prévoit aucune justification aux actes de torture.
Propos recueillis par Khalilou Diagana
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