21-10-2014 15:10 -
Mozaïkrim -
Du 23 au 27 octobre, cinéastes et cinéphiles ont rendez-vous à la
neuvième édition de la semaine du cinéma organisée par la Maison des
Cinéastes fondée par un iconoclaste du champ culturel mauritanien. Un
capitaine Haddock du cinéma, pipe ou cigarette en
bouche, chapeau, casquette ou béret vissé sur la tête. Entretien éclair
après une rencontre non moins prévue, et improvisée, avec l'image
d’Épinal de l'embryon de cinéma mauritanien qui émerge de plus en plus.
C'est la neuvième édition de la semaine du cinéma, rebaptisée il y a 3 ans Nouakshort Films. Quels enseignements tirez-vous de l'évolution du cinéma mauritanien ?
Il y a d'abord l'éducation d'un public cinéphile. On commence à avoir un public de plus en plus fidèle, et de plus en plus large, année après année. Ensuite, au niveau de la qualité, on a plus de court-métrages de qualité. Enfin, la présence régulière de cinéastes des cinq continents, permet de dire que le cinéma mauritanien rencontre d'autres cinémas, et donc s'offre une perspective d'exportation.
Il y a une autre dimension dans l'évolution du cinéma mauritanien qui montre sa maturité : nous assistons à l'émergence d'une nouvelle génération de jeunes cinéastes mauritaniens, qui commence à sortir de la géographie du pays, à faire leurs films à l'extérieur, à faire partie de festivals, sans l'appui de la maison des cinéastes. Je pense à Ousmane Diagana qui prépare son 4ème film, à Djibril Diaw, qui revient dans son dernier film sur la mémoire de 1989, Saddam Ould Bane, Mohamed Betine, Zeïne El Abidine. Ce sont tous des jeunes très prometteurs, de plus en plus indépendants de la maison des cinéastes, qui a pu les appuyer à un moment de leurs parcours.
Quelle serait selon vous la spécificité du cinéma mauritanien à vos yeux ?
Nous sommes un pays arc-en-ciel, il ne devrait même pas encore y avoir de débat là-dessus ! En ce sens, notre spécificité est un universalisme, une tolérance que l'on doit montrer dans notre cinéma, mais également tous nos autres arts, de la poésie à la photo en passant par la peinture, la musique ou la sculpture. Notre histoire, nos différentes cultures, notre géographie nous imposent d'être un miroir de l'Humain, et non pas d'identités partisanes exclusives.
Pour moi donc, je ne conçois pas un cinéma, un art mauritanien, qui ne prendrait pas en compte cette diversité, qui ne la valoriserait pas. Cette diversité était notre point fort, malheureusement elle devient un handicap aujourd'hui.
Le succès d'estime récent d'Abderrahmane Sissako dans les festivals internationaux, c'est le cinéma mauritanien qui est récompensé ?
Bien sûr, mais pas seulement, c'est aussi et avant tout un cinéaste africain ! C'est ce cinéma aussi qui est récompensé. Il représente un continent africain qui montre là une vision universaliste de l'être humain. C'est la récompense de ses efforts individuels, mais aussi de ceux d'une nouvelle génération africaine douée.
Le fait de voir le drapeau mauritanien à Cannes, et bientôt à Los Angeles, aux Oscars, est bénéfique à tous les mauritaniens, des footballeurs aux politiciens (sourire).
Qu'est-ce qui manque au cinéma mauritanien pour le voir chaque année, produire des projets de qualité, de l'écriture au montage, en passant par la réalisation ?
Je suis optimiste de nature, je poserai donc la question dans l'autre sens : que ne manque-t-il pas ?! (rires). La liste est longue, mais l'essentiel résidera toujours dans la volonté politique de lancer et pérenniser un cinéma national. S'il y a cette volonté de monter une industrie culturelle et viable économiquement, tout le reste viendra naturellement. Le point de départ sera toujours politique, et qui consiste à dépasser le cadre des discours. C'est ce qui se passe en Europe, en Afrique au Nigeria, au Burkina, au Mali, au Sénégal, en Afrique du Sud, où leurs états ont permis de viabiliser leurs talents locaux de cinéma; par des textes, des mécanismes de financement, des institutions...
Une telle industrie culturelle peut se développer chez nous par la formation, l'accueil de grosses productions, la diffusion, des textes organisationnels etc.
Qu'est-ce qui pourrait pousser à l'émergence d'une telle volonté ?
La Mauritanie a besoin du cinéma pour plusieurs raisons : c'est d'abord un art qui dépasse l'obstacle des langues. Et dans un pays où se parlent cinq langues, on a besoin d'un langage qui nous réunit. Ensuite ce pays est schizophrène de sa mémoire. Elle l'oublie, souvent volontairement, dans un mécanisme d'ailleurs qui lui fait répéter les erreurs du passé. Le cinéma peut et doit participer activement à la reconstruction objective de la mémoire historique et culturelle de ce pays.
Le projet Kennache justement nous a permis de récupérer des bobines à gauche à droite, auprès de l’état et des privés, à l’INA en France, en Espagne à la médiathèque de la Catalogne... Plus de 300 films ont ainsi été collectés, et pour certains convertis au format numérique et archivés dans une base de données, formant un embryon de lieu de conservation de la mémoire audiovisuelle de la Mauritanie.
C'est la neuvième édition de la semaine du cinéma, rebaptisée il y a 3 ans Nouakshort Films. Quels enseignements tirez-vous de l'évolution du cinéma mauritanien ?
Il y a d'abord l'éducation d'un public cinéphile. On commence à avoir un public de plus en plus fidèle, et de plus en plus large, année après année. Ensuite, au niveau de la qualité, on a plus de court-métrages de qualité. Enfin, la présence régulière de cinéastes des cinq continents, permet de dire que le cinéma mauritanien rencontre d'autres cinémas, et donc s'offre une perspective d'exportation.
Il y a une autre dimension dans l'évolution du cinéma mauritanien qui montre sa maturité : nous assistons à l'émergence d'une nouvelle génération de jeunes cinéastes mauritaniens, qui commence à sortir de la géographie du pays, à faire leurs films à l'extérieur, à faire partie de festivals, sans l'appui de la maison des cinéastes. Je pense à Ousmane Diagana qui prépare son 4ème film, à Djibril Diaw, qui revient dans son dernier film sur la mémoire de 1989, Saddam Ould Bane, Mohamed Betine, Zeïne El Abidine. Ce sont tous des jeunes très prometteurs, de plus en plus indépendants de la maison des cinéastes, qui a pu les appuyer à un moment de leurs parcours.
Quelle serait selon vous la spécificité du cinéma mauritanien à vos yeux ?
Nous sommes un pays arc-en-ciel, il ne devrait même pas encore y avoir de débat là-dessus ! En ce sens, notre spécificité est un universalisme, une tolérance que l'on doit montrer dans notre cinéma, mais également tous nos autres arts, de la poésie à la photo en passant par la peinture, la musique ou la sculpture. Notre histoire, nos différentes cultures, notre géographie nous imposent d'être un miroir de l'Humain, et non pas d'identités partisanes exclusives.
Pour moi donc, je ne conçois pas un cinéma, un art mauritanien, qui ne prendrait pas en compte cette diversité, qui ne la valoriserait pas. Cette diversité était notre point fort, malheureusement elle devient un handicap aujourd'hui.
Le succès d'estime récent d'Abderrahmane Sissako dans les festivals internationaux, c'est le cinéma mauritanien qui est récompensé ?
Bien sûr, mais pas seulement, c'est aussi et avant tout un cinéaste africain ! C'est ce cinéma aussi qui est récompensé. Il représente un continent africain qui montre là une vision universaliste de l'être humain. C'est la récompense de ses efforts individuels, mais aussi de ceux d'une nouvelle génération africaine douée.
Le fait de voir le drapeau mauritanien à Cannes, et bientôt à Los Angeles, aux Oscars, est bénéfique à tous les mauritaniens, des footballeurs aux politiciens (sourire).
Qu'est-ce qui manque au cinéma mauritanien pour le voir chaque année, produire des projets de qualité, de l'écriture au montage, en passant par la réalisation ?
Je suis optimiste de nature, je poserai donc la question dans l'autre sens : que ne manque-t-il pas ?! (rires). La liste est longue, mais l'essentiel résidera toujours dans la volonté politique de lancer et pérenniser un cinéma national. S'il y a cette volonté de monter une industrie culturelle et viable économiquement, tout le reste viendra naturellement. Le point de départ sera toujours politique, et qui consiste à dépasser le cadre des discours. C'est ce qui se passe en Europe, en Afrique au Nigeria, au Burkina, au Mali, au Sénégal, en Afrique du Sud, où leurs états ont permis de viabiliser leurs talents locaux de cinéma; par des textes, des mécanismes de financement, des institutions...
Une telle industrie culturelle peut se développer chez nous par la formation, l'accueil de grosses productions, la diffusion, des textes organisationnels etc.
Qu'est-ce qui pourrait pousser à l'émergence d'une telle volonté ?
La Mauritanie a besoin du cinéma pour plusieurs raisons : c'est d'abord un art qui dépasse l'obstacle des langues. Et dans un pays où se parlent cinq langues, on a besoin d'un langage qui nous réunit. Ensuite ce pays est schizophrène de sa mémoire. Elle l'oublie, souvent volontairement, dans un mécanisme d'ailleurs qui lui fait répéter les erreurs du passé. Le cinéma peut et doit participer activement à la reconstruction objective de la mémoire historique et culturelle de ce pays.
Le projet Kennache justement nous a permis de récupérer des bobines à gauche à droite, auprès de l’état et des privés, à l’INA en France, en Espagne à la médiathèque de la Catalogne... Plus de 300 films ont ainsi été collectés, et pour certains convertis au format numérique et archivés dans une base de données, formant un embryon de lieu de conservation de la mémoire audiovisuelle de la Mauritanie.
Les
articles, commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s)
et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité
Source :
Mozaïkrim.over-blog (Mauritanie)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire