Les réponses affirmatives apportées par mon collègue et jeune frère
Ba Mamadou (La tribune N-649 du 15 juillet 2013) ont suscité la
rédaction de cet article.
Il n’est pas question ici de contester la finesse de ses analyses qui
reposent sur des observations irrécusables mais d’éclairer le fond de
roulement ou ces actes dénoncés puisent leurs substrats.
Nous admettons avec lui que la télévision nationale est transgression
de l’identité multiculturelle nationale. Il est également vrai que
l’école militaire ne respecte pas la diversité du pays pour ne citer que
ces cas.
Mais, au-delà de ces constats ne, faut-il pas mobiliser la « surface
sociale »de ses signes cliniques pour souscrire à une exigence de clarté
utile aux conclusions auxquelles on est amené à aboutir ? N’y a-t-il
pas un foyer de tension constant qui alimente ces comportements auxquels
on accole les notions de racisme ou de racisme d’état ?
Établir l’identité de ce phénomène qui prive la Mauritanie d’une
coexistence paisible c’est l’enraciner dans la volonté de deux
communautés de s’ériger en position dominante.
Les signes avant-coureurs de cette situation sont à trouver dans le
contexte de la veille des indépendances caractérisées par le
regroupement sur base exclusiviste, chromatique : au bloc nègre (bloque
démocratique de Grogol….) fait écho le bloc maure (EM, NAHDA). Cet
esprit qui enferme a continué de s’exprimer sournoisement à travers les
rapports communautaires.
Ses passions agitent le cheminement du pays, gouvernent le cours
général des événements et installent le territoire dans un « état de
nature »où chaque communauté est un loup pour l’autre. Cette situation
de lycanthropie dont l’enjeu est l’accaparement des leviers de commandes
conduit à l’affrontement, aux turbulences identitaires.
La Mauritanie n’est une maison douillette qu’en apparence. C’est
un pays de rapport de force où chaque communauté cherche sa juste place.
L’absorption des volontés particulières, rivalité, adversité, «
division cellulaire », barrières osmotiques imperméables aux
interactions sont à mettre dans le compte de cette convoitise du pouvoir
dont la politique et l’économie constituent l’infrastructure de base.
Ces deux derniers éléments fournissent le substrat d’une dualité
quasi schizophrénique kwar/Beïdane qui mobilise les troubles, les
malaises : la politique est venue s’immiscer dans le social pour le
polluer.
Dés lors, il n’y a plus à s’étonner de voir les acteurs politiques
solliciter la parenté, les liens communautaires, l’identité tribale afin
de chasser en meute ; produisant par ce biais une force centrifuge à
même d’influencer toutes les instances de décision.
C’est ainsi que la conscience de groupe exerça sa fonction
régulatrice, prééminente, unit mécaniquement les beïdanes. Cette
interconnexion largement utilisée a permis de taire les divergences de
prendre en main les leviers de commande du pays.
Devenus progressivement majoritaire dans l’administration, grâce à ce
ciment, les beïdanes concentrent en eux la puissance économique et le
contrôle politique si bien qu’ils ne font plus attention. Faire
attention, c’est admettre qu’on n’est pas seul, que l’autre limite ma
liberté.
Seul dans l’arène, ils monopolisent tous les commandements.
L’absence de l’équilibre de force leur confère la liberté de
guillotiner, lapider impunément lorsque leur hégémonie se sent menacée.
D’où l’enrayement des Hal pular : ceux-ci avaient investi l’armée,
l’administration, la police les hôpitaux etc.
Ayant, éliminé les résistances, les contrepoids, les contre-pouvoirs,
ils se donnent la liberté de mauritaniser (entendons Maure) la fonction
publique, les Ecoles d’excellence, de frapper les vieilles femmes etc.
Dés lors l’encrage de l’arabe coule de source. L’administration devient
privée, particulariste, clientéliste.
L’état se confond avec une race. Le nationalisme se mue en racisme.
L’histoire de la Mauritanie est celle d’un rapport de force entre deux
races : si, les kwars sont marginalisés c’est pars qu’ils ont été
incapables de s’unir pour imposer leurs vues à la marche du pays.
Toutes leurs tentatives de regroupement ont été torpillé par des
querelles intestines ou interethniques.Leur manque de poids national
joint à la faiblesse de leurs équipes politiques, les rend invisibles,
peu reconnus. Leur « volonté de puissance » a été incapable de défier
victorieusement, de charrier la force communautaire pour faire front
devant une urgence, de se liguer organiquement contre la « volonté de
puissance »adverse.
Dans un espace où les attitudes tribalistes constituent le fond
national, rester centré autour de son ego pour garder le sens de l’Etat
désintéressé, neutre, rétrograde. On peut donc induire en toute bonne
logique que leur statut de parias résulte plus de l’absence d’une force
solidaire dressant un « équilibre de terreur »que du racisme.
C’est ,cela qui justifie,la posture de la Mauritanie par rapport à sa
géographie : sa politique intérieure et extérieure étant celles du
groupe au pouvoir elles ne prennent en compte que les intérêts des
beïdanes (les accords avec l’Afrique noire sont banalisés).D’où tout est
façonné dans ce pays pour se conformer à l’idéal - type arabe
(programme scolaire etc).
Le kowri est pris dans cette masse qui le contraint tantôt à
s’exiler, tantôt à expier, tantôt à collaborer, tantôt à réagir. On est
au regrées de constater que les figures historico-culturelles sont
encore barbares : on ne reconnait pas la personne, l’homme mais, un
kowri, un beïdane.
Je concède à mon jeune frère Ba Mamadou Kalioudou qu’il ya quelque
chose qui apparente le pays à un racisme d’Etat : le fait que la
minorité blanche soit la seule détentrice du pouvoir économique et
politique, qu’elle enserre l’état dans ses tentacules, que les kwars se
relèguent dans des « bantoustans »ressemble la Mauritanie à l’apartheid.
L’ordre coloniale où les blancs sont servis par les noirs à Tevrah
zein (bonnes ,boys)dans l’armée (les gradés sont blancs où presque),dans
les gouvernements où les beidanes sont ultra majoritaires évoque à bien
des égards le style sud –africain de Botha.
Toutefois à la différence de celui-ci l’image de la Mauritanie
résulte d’une solidarité organique plutôt que d’un arsenal de lois
répressives ségrégationnistes.
Pour le beïdane, en effet, l’homme ne vaut que par sa tribu. Celle-ci
constitue sa force de frappe qui lui donne tout. En retour, il lui
accorde toutes les faveurs. La tribu est la plus grande unité de
service réciproque.
Le maure est plus citoyen de sa tribu que celui de son Etat. Il entre
en lice équipé de ce fichier culturel. C’est dire que les séquences de «
89 »sont l’effet d’une idéologie importée (barthisme) qui envenime les
différences pour en faire des prétextes aux purges insensibles. L’utopie
d’une Mauritanie blanche anime les péroraisons politiques qui assument
ce radicalisme iconoclaste.
Rien n’est plus pernicieux que de substituer aux réalités objectives
l’abstrait lointain du nationalisme arabe : la Mauritanie s’est
désintéressée de sa proximité au profit d’un virus lointain qui liquide
l’élite nègre.
Le polpotisme qu’a connu la Mauritanie en « 89 » et l’euthanasie
culturelle qui en résulta est le fait de soldats fanatisés par
l’idéologie baths « passeur » de racisme pour assoir sa pénétration
conquérante.
Mais si la Mauritanie est devenue soudainement unanimiste dans un
paroxysme de haine, c’est que l’islam incarné n’est qu’une parade
condamnée à n’être qu’un discours. Il ne consiste pas à agir
islamiquement mais à énoncer des préceptes. La valeur de l’acte
islamique vise à améliorer un peuple dans ses relations de bon
voisinage, de fraternité entre coreligionnaire qui suppose une vraie
justice, un vrai partage.
Mais, au delà du « robespierrisme » et du polpotisme idéologique, il
n’y a que le beïdane foncièrement tribaliste mais non raciste. En
vérité aucun beïdane n’éprouve un complexe de supériorité par rapport à
un Kowri. Aucun maure ne dévisage un black dans la rue, ne lui envoie un
regard plein de mépris. Aucun taxi maure ne refuserait de s’arrêter
sous prétexte que vous êtes kowri.
Promu économiquement et politiquement le beïdane ne cherche qu’à
protéger, par tous les moyens, ses privileges conquis. C’est donc sous
le registre des rapports de force que s’est exprimé le conflit
intercommunautaire qui dicte sa ligne de force au pays en le scindant en
kowri/beidane, bipolarisation, qui a son tour fragmente le pays en
kowri-pauvre et en beïdane-riche. A la différence de peau est venue se
greffer une différence de classe. La République Islamique promet d’être
instable : le chemin de la violence peut être emprunté : le commun
attend toujours !
SY ALASSANE ADAMA
PHILOSOPHE
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