mercredi 14 août 2013

Opinion libre: Le Racisme d'Etat en mauritanie

Les réponses affirmatives apportées par mon collègue et jeune frère Ba Mamadou (La tribune N-649 du 15 juillet 2013) ont suscité la rédaction de cet article.
Il n’est pas question ici de contester la finesse de ses analyses qui reposent sur des observations irrécusables mais d’éclairer le fond de roulement ou ces actes dénoncés puisent leurs substrats.
Nous admettons avec lui que la télévision nationale est transgression de l’identité multiculturelle nationale. Il est également vrai que l’école militaire ne respecte pas la diversité du pays pour ne citer que ces cas.
Mais, au-delà de ces constats ne, faut-il pas mobiliser la « surface sociale »de ses signes cliniques pour souscrire à une exigence de clarté utile aux conclusions auxquelles on est amené à aboutir ? N’y a-t-il pas un foyer de tension constant qui alimente ces comportements auxquels on accole les notions de racisme ou de racisme d’état ?
Établir l’identité de ce phénomène qui prive la Mauritanie d’une coexistence paisible c’est l’enraciner dans la volonté de deux communautés de s’ériger en position dominante.
Les signes avant-coureurs de cette situation sont à trouver dans le contexte de la veille des indépendances caractérisées par le regroupement sur base exclusiviste, chromatique : au bloc nègre (bloque démocratique de Grogol….) fait écho le bloc maure (EM, NAHDA). Cet esprit qui enferme a continué de s’exprimer sournoisement à travers les rapports communautaires.
Ses passions agitent le cheminement du pays, gouvernent le cours général des événements et installent le territoire dans un « état de nature »où chaque communauté est un loup pour l’autre. Cette situation de lycanthropie dont l’enjeu est l’accaparement des leviers de commandes conduit à l’affrontement, aux turbulences identitaires.
La Mauritanie n’est une maison douillette qu’en apparence. C’est un pays de rapport de force où chaque communauté cherche sa juste place. L’absorption des volontés particulières, rivalité, adversité, « division cellulaire », barrières osmotiques imperméables aux interactions sont à mettre dans le compte de cette convoitise du pouvoir dont la politique et l’économie constituent l’infrastructure de base.
Ces deux derniers éléments fournissent le substrat d’une dualité quasi schizophrénique kwar/Beïdane qui mobilise les troubles, les malaises : la politique est venue s’immiscer dans le social pour le polluer.
Dés lors, il n’y a plus à s’étonner de voir les acteurs politiques solliciter la parenté, les liens communautaires, l’identité tribale afin de chasser en meute ; produisant par ce biais une force centrifuge à même d’influencer toutes les instances de décision.
C’est ainsi que la conscience de groupe exerça sa fonction régulatrice, prééminente, unit mécaniquement les beïdanes. Cette interconnexion largement utilisée a permis de taire les divergences de prendre en main les leviers de commande du pays.
Devenus progressivement majoritaire dans l’administration, grâce à ce ciment, les beïdanes concentrent en eux la puissance économique et le contrôle politique si bien qu’ils ne font plus attention. Faire attention, c’est admettre qu’on n’est pas seul, que l’autre limite ma liberté.
Seul dans l’arène, ils monopolisent tous les commandements. L’absence de l’équilibre de force leur confère la liberté de guillotiner, lapider impunément lorsque leur hégémonie se sent menacée. D’où l’enrayement des Hal pular : ceux-ci avaient investi l’armée, l’administration, la police les hôpitaux etc.
Ayant, éliminé les résistances, les contrepoids, les contre-pouvoirs, ils se donnent la liberté de mauritaniser (entendons Maure) la fonction publique, les Ecoles d’excellence, de frapper les vieilles femmes etc. Dés lors l’encrage de l’arabe coule de source. L’administration devient privée, particulariste, clientéliste.
L’état se confond avec une race. Le nationalisme se mue en racisme. L’histoire de la Mauritanie est celle d’un rapport de force entre deux races : si, les kwars sont marginalisés c’est pars qu’ils ont été incapables de s’unir pour imposer leurs vues à la marche du pays.
Toutes leurs tentatives de regroupement ont été torpillé par des querelles intestines ou interethniques.Leur manque de poids national joint à la faiblesse de leurs équipes politiques, les rend invisibles, peu reconnus. Leur « volonté de puissance » a été incapable de défier victorieusement, de charrier la force communautaire pour faire front devant une urgence, de se liguer organiquement contre la « volonté de puissance »adverse.
Dans un espace où les attitudes tribalistes constituent le fond national, rester centré autour de son ego pour garder le sens de l’Etat désintéressé, neutre, rétrograde. On peut donc induire en toute bonne logique que leur statut de parias résulte plus de l’absence d’une force solidaire dressant un « équilibre de terreur »que du racisme.
C’est ,cela qui justifie,la posture de la Mauritanie par rapport à sa géographie : sa politique intérieure et extérieure étant celles du groupe au pouvoir elles ne prennent en compte que les intérêts des beïdanes (les accords avec l’Afrique noire sont banalisés).D’où tout est façonné dans ce pays pour se conformer à l’idéal - type arabe (programme scolaire etc).
Le kowri est pris dans cette masse qui le contraint tantôt à s’exiler, tantôt à expier, tantôt à collaborer, tantôt à réagir. On est au regrées de constater que les figures historico-culturelles sont encore barbares : on ne reconnait pas la personne, l’homme mais, un kowri, un beïdane.
Je concède à mon jeune frère Ba Mamadou Kalioudou qu’il ya quelque chose qui apparente le pays à un racisme d’Etat : le fait que la minorité blanche soit la seule détentrice du pouvoir économique et politique, qu’elle enserre l’état dans ses tentacules, que les kwars se relèguent dans des « bantoustans »ressemble la Mauritanie à l’apartheid.
L’ordre coloniale où les blancs sont servis par les noirs à Tevrah zein (bonnes ,boys)dans l’armée (les gradés sont blancs où presque),dans les gouvernements où les beidanes sont ultra majoritaires évoque à bien des égards le style sud –africain de Botha.
Toutefois à la différence de celui-ci l’image de la Mauritanie résulte d’une solidarité organique plutôt que d’un arsenal de lois répressives ségrégationnistes.
Pour le beïdane, en effet, l’homme ne vaut que par sa tribu. Celle-ci constitue sa force de frappe qui lui donne tout. En retour, il lui accorde toutes les faveurs. La tribu est la plus grande unité de service réciproque.
Le maure est plus citoyen de sa tribu que celui de son Etat. Il entre en lice équipé de ce fichier culturel. C’est dire que les séquences de « 89 »sont l’effet d’une idéologie importée (barthisme) qui envenime les différences pour en faire des prétextes aux purges insensibles. L’utopie d’une Mauritanie blanche anime les péroraisons politiques qui assument ce radicalisme iconoclaste.
Rien n’est plus pernicieux que de substituer aux réalités objectives l’abstrait lointain du nationalisme arabe : la Mauritanie s’est désintéressée de sa proximité au profit d’un virus lointain qui liquide l’élite nègre.
Le polpotisme qu’a connu la Mauritanie en « 89 » et l’euthanasie culturelle qui en résulta est le fait de soldats fanatisés par l’idéologie baths « passeur » de racisme pour assoir sa pénétration conquérante.
Mais si la Mauritanie est devenue soudainement unanimiste dans un paroxysme de haine, c’est que l’islam incarné n’est qu’une parade condamnée à n’être qu’un discours. Il ne consiste pas à agir islamiquement mais à énoncer des préceptes. La valeur de l’acte islamique vise à améliorer un peuple dans ses relations de bon voisinage, de fraternité entre coreligionnaire qui suppose une vraie justice, un vrai partage.
Mais, au delà du « robespierrisme » et du polpotisme idéologique, il n’y a que le beïdane foncièrement tribaliste mais non raciste. En vérité aucun beïdane n’éprouve un complexe de supériorité par rapport à un Kowri. Aucun maure ne dévisage un black dans la rue, ne lui envoie un regard plein de mépris. Aucun taxi maure ne refuserait de s’arrêter sous prétexte que vous êtes kowri.
Promu économiquement et politiquement le beïdane ne cherche qu’à protéger, par tous les moyens, ses privileges conquis. C’est donc sous le registre des rapports de force que s’est exprimé le conflit intercommunautaire qui dicte sa ligne de force au pays en le scindant en kowri/beidane, bipolarisation, qui a son tour fragmente le pays en kowri-pauvre et en beïdane-riche. A la différence de peau est venue se greffer une différence de classe. La République Islamique promet d’être instable : le chemin de la violence peut être emprunté : le commun attend toujours !
SY ALASSANE ADAMA
PHILOSOPHE

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