
Le petit groupe de femmes qui se démenait formait un mur avec leur dot, et cachait aux regards indiscrets, l’objet de leur activité. Brusquement le silence fut déchiré par un strident cri d’enfant, qui eut pour effet de les détacher l’une de l’autre, comme les briques d’un vieux mur qui s’écroulait sous l’assaut répété du temps.
Elles livraient à la vue, l’image d’une jeune adolescente aux traits juvéniles, qui n’était pourtant pas à son premier accouchement, les yeux écarquillés de stupéfaction déversaient des torrents de larmes sur un visage encore enfantin convulsé par la douleur, dégoulinant de sueur, et ou une agitation fébrile le disputait à une grande fatigue qui l’enveloppait peu à peu avant de tomber dans les pommes.
La plus âgée des femmes qui était penchée sur quelque chose se relevait tout à coup, un petit être dans la paume de sa main droite, et s’exclamait, tfel ! (garçon !)
Une autre probablement la mère de la fille tendait ses bras proéminents et enveloppait le petit garçon dans le pan de son voile avant de se dégager du groupe, et appelait «Mabrouka.» La vieille servante accourait, sa maitresse lui enjoignait : «Fait entendre tes you-yous, qu’on sache que ta petite maitresse a accouché d’un garçon !»
La vieille servante ne se le fut pas dire deux fois. Elle lançait ses you-yous dans toutes les directions. Dans la tradition maure les you-yous étaient réservés entre autres à la victoire, à la venue au monde des garçons, aux mariages, et dans une moindre mesure aux divorces. Mais dans le coin ou naquit cet enfant, ils étaient réservés aux seuls garçons d’une famille que tout le monde vénérait par ici.
Pour couper l’herbe sous les pieds à ceux qui seront tentés de rééditer cet exploit on fit courir la rumeur que cet enfant là ne vivra pas longtemps. Et l’on en reste là, et l’incident fut clos.
La jeune fille était déjà mère à onze ans d’un premier enfant, divorcée, puis remariée quelques temps plus tard en deuxième noce elle accouchait d’une fille que la mort emporta quelques mois après sa naissance divorcée de nouveau et enceinte, elle mettait au monde à seize ans le deuxième enfant de son second mari, qui n’avait pas entendu son accouchement pour la répudier.
Et comme il n’avait pas plus urgent à faire que de se remarier, il le fit à quelques pas de la tente ou lui provenait il y a quelques instants les cris de délivrance de son ex- épouse. Il attendait plein de suffisance, que la servante qui venait de lancer ses you-yous dans toutes les directions vienne lui annoncer de vive voix le sexe de son nouveau-né.
A côté de lui il fit poser à l’intention de la vieille servante un voile de guinée, un demi-pain de sucre du thé vert et quelques feuilles de tabac. Une vraie aubaine pour la vieille servante qui attendait avec impatience le feu vert de sa maitresse pour courir apporter la nouvelle chez le père de l’enfant.
Désœuvrés comme à leur habitude, les hommes du campement attendaient avec impatience cette occasion, qu’ils ne voudraient pas rater pour tout l’or du monde, ils se bousculaient à l’entrée de la tente pour saluer le père du nouveau-né, qui sera bien obligé de leur déverser sur la natte des quantités considérables de « Guerte» arachide, et de biscuits Medina, plus connus aujourd’hui sous le nom de «Serkhelle», avec en abondance le thé et le Zrig, tous deux sucrés à volonté.
Et qui sait si au détour d’une conversation quelqu’un ne leur refilerait pas un tuyau sur une bonne affaire comme celle de cette petite servante dont le maitre est prêt à s’en séparer contre une petite quantité de mil, ou de sel.
Les jeunes filles non plus n’étaient pas en reste, et sous prétexte de s’enquérir de la bonne santé de l’enfant et de sa mère, elles qui ne sortaient pratiquement pas multipliaient les sorties, dans l’espoir de se faire remarquer des hommes, et ne désespéraient pas de ramener chez elles, ne serait ce qu’une promesse de mariage qu’elles savaient fausse, mais qui aurait au moins le mérite de changer leur train-train habituel, d’attiser l’envie de leurs camarades, et de permettre à leurs mères de déclarer sans rougir, à leurs visiteuses que telle de leurs filles est demandée en mariage, et qu’elle – la mère - s’est solennellement engagée devant son futur gendre de garder incognito son nom jusqu’à ce que tout sera prêt.
Ni elle ni ses commères n’en croyaient un mot, mais se gardaient bien de le dire. Chacune d’elles savait qu’un jour ou l’autre elle sera obligée de tenir le même discours, et aurait besoin d’un auditoire qui saurait l’écouter sans avoir besoin de la croire.
Ely-Salem Ould Abd-Daim
Tel portable 22 33 00 74
Elles livraient à la vue, l’image d’une jeune adolescente aux traits juvéniles, qui n’était pourtant pas à son premier accouchement, les yeux écarquillés de stupéfaction déversaient des torrents de larmes sur un visage encore enfantin convulsé par la douleur, dégoulinant de sueur, et ou une agitation fébrile le disputait à une grande fatigue qui l’enveloppait peu à peu avant de tomber dans les pommes.
La plus âgée des femmes qui était penchée sur quelque chose se relevait tout à coup, un petit être dans la paume de sa main droite, et s’exclamait, tfel ! (garçon !)
Une autre probablement la mère de la fille tendait ses bras proéminents et enveloppait le petit garçon dans le pan de son voile avant de se dégager du groupe, et appelait «Mabrouka.» La vieille servante accourait, sa maitresse lui enjoignait : «Fait entendre tes you-yous, qu’on sache que ta petite maitresse a accouché d’un garçon !»
La vieille servante ne se le fut pas dire deux fois. Elle lançait ses you-yous dans toutes les directions. Dans la tradition maure les you-yous étaient réservés entre autres à la victoire, à la venue au monde des garçons, aux mariages, et dans une moindre mesure aux divorces. Mais dans le coin ou naquit cet enfant, ils étaient réservés aux seuls garçons d’une famille que tout le monde vénérait par ici.
Pour couper l’herbe sous les pieds à ceux qui seront tentés de rééditer cet exploit on fit courir la rumeur que cet enfant là ne vivra pas longtemps. Et l’on en reste là, et l’incident fut clos.
La jeune fille était déjà mère à onze ans d’un premier enfant, divorcée, puis remariée quelques temps plus tard en deuxième noce elle accouchait d’une fille que la mort emporta quelques mois après sa naissance divorcée de nouveau et enceinte, elle mettait au monde à seize ans le deuxième enfant de son second mari, qui n’avait pas entendu son accouchement pour la répudier.
Et comme il n’avait pas plus urgent à faire que de se remarier, il le fit à quelques pas de la tente ou lui provenait il y a quelques instants les cris de délivrance de son ex- épouse. Il attendait plein de suffisance, que la servante qui venait de lancer ses you-yous dans toutes les directions vienne lui annoncer de vive voix le sexe de son nouveau-né.
A côté de lui il fit poser à l’intention de la vieille servante un voile de guinée, un demi-pain de sucre du thé vert et quelques feuilles de tabac. Une vraie aubaine pour la vieille servante qui attendait avec impatience le feu vert de sa maitresse pour courir apporter la nouvelle chez le père de l’enfant.
Désœuvrés comme à leur habitude, les hommes du campement attendaient avec impatience cette occasion, qu’ils ne voudraient pas rater pour tout l’or du monde, ils se bousculaient à l’entrée de la tente pour saluer le père du nouveau-né, qui sera bien obligé de leur déverser sur la natte des quantités considérables de « Guerte» arachide, et de biscuits Medina, plus connus aujourd’hui sous le nom de «Serkhelle», avec en abondance le thé et le Zrig, tous deux sucrés à volonté.
Et qui sait si au détour d’une conversation quelqu’un ne leur refilerait pas un tuyau sur une bonne affaire comme celle de cette petite servante dont le maitre est prêt à s’en séparer contre une petite quantité de mil, ou de sel.
Les jeunes filles non plus n’étaient pas en reste, et sous prétexte de s’enquérir de la bonne santé de l’enfant et de sa mère, elles qui ne sortaient pratiquement pas multipliaient les sorties, dans l’espoir de se faire remarquer des hommes, et ne désespéraient pas de ramener chez elles, ne serait ce qu’une promesse de mariage qu’elles savaient fausse, mais qui aurait au moins le mérite de changer leur train-train habituel, d’attiser l’envie de leurs camarades, et de permettre à leurs mères de déclarer sans rougir, à leurs visiteuses que telle de leurs filles est demandée en mariage, et qu’elle – la mère - s’est solennellement engagée devant son futur gendre de garder incognito son nom jusqu’à ce que tout sera prêt.
Ni elle ni ses commères n’en croyaient un mot, mais se gardaient bien de le dire. Chacune d’elles savait qu’un jour ou l’autre elle sera obligée de tenir le même discours, et aurait besoin d’un auditoire qui saurait l’écouter sans avoir besoin de la croire.
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Source : Ely Salem Dayeme
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