mercredi 25 avril 2012

Rentrée solennelle du barreau mauritanien :


« Le pouvoir visiblement n'apprécie guère notre combat en faveur de la justice » L’ordre national des avocats, 32 ans de combat », c’est le thème de la rentrée solennelle du barreau mauritanien. Cette rentrée a eu lieu  mercredi 25 avril àNouakchott. 

« L’ordre des avocats de Mauritanie, qui fait notre fierté aujourd’hui, a été aux cotés de tous les détenus d’opinions dans notre pays et tous les combats pour la liberté la justice  et les droits de l’homme » a dit le bâtonnier Me Ahmed Salem Ould Bouhoubeyni.  Lire l’intégralité de son discours. 

Je commence par adresser mes vifs remerciements aux personnalités ici présentes qui ont bien voulu honorer de leur présence la rentrée solennelle de notre Barreau sous le thème l'ordre national des avocats 32 ans de combat. 

Je voudrai rendre hommage au travail remarquable réalisé par nos doyens au cour des années difficiles des périodes d'exception et de régimes militaires au cour desquels notre Barreau a toujours été un rempart contre l'arbitraire et l'injustice. L’ordre des avocats de Mauritanie, qui fait notre fierté aujourd’hui, a été aux cotés de tous les détenus d’opinions dans notre pays et tous les combats pour la liberté la justice et les droits de l’homme.

Ceci dans un contexte rendu difficile à la fois par la perception que se fait la société de l’avocat et le contexte des régimes militaires d’exceptions. Les collectifs d’avocats étaient bénévolement à la disposition des persécutés et de toutes les victimes de l’injustice Elhor, les militaires, les Bathistes, les islamistes, les Nassiristes, les partis dissous, les présidents de partis Ahmed Ould Daddah Chbih MelainineMohamed Khouna Haidalla, le procès des militaires à Ouad Naga, et j’en passe.

Le Barreau a apporté sa contribution à l’amélioration des conditions des magistrats suite à plusieurs mémorandums. Je voudrai rassurer nos doyens et nos confrères, nous admirons vos efforts et continuerons toujours dans la même lancée avec davantage d'énergie et de détermination.

La tache n'est hélas pas moins difficile que par le passé. En effet vraisemblablement les autorités prennent mal aujourd’hui plus que par le passé, notre engagement en faveur des droits de l'homme et des libertés publiques, le pouvoir visiblement n'apprécie guère notre combat en faveur de la justice, de son indépendance, particulièrement par rapport au pouvoir exécutif dont l'emprise est préoccupante à tous niveaux, ce qui nous a valu un certain rejet dont nous nous efforçons de limiter les conséquences.

le Barreau réagit en ce moment fermement face aux violations de la loi répétées que nous observons et au recul de la justice dans notre pays, recul qui se manifeste à plusieurs niveaux de façon alarmante dont on évoquera pour la circonstance certains aspects:

1- En dépit d'une loi et de son décret d'application le ministère de la justice s'est abstenu de mettre en place un système d'assistance judiciaire permettant aux citoyens les plus démunis d'accéder à la justice, il a au contraire, dans une démarche incompréhensible, fait obstruction aux efforts réalisés par l'Ordre National des Avocats en partenariat avec lacoopération Française et la coopération Espagnole dont je salue vivement ici la contribution.

Ainsi notre Barreau a été empêché il y'a quelques mois d'assurer une assistance judiciaire aux détenus de la prison de Dar Naim, et aujourd'hui, dans une démarche similaire et autant incompréhensible, nous sommes empêchés d'offrir la même assistance aux prisons d'Alegde Rosso et la prison des femmes et de façon générale d'accéder aux prisons

-2 Le système judiciaire connaît un dysfonctionnement total, on ne sait plus qui fait quoi, une confusion des rôles. pour rester fidèle à notre démarche qui consiste à ne citer dans ce discours que des choses concrètes, l'une des manifestations de ce dysfonctionnement est le fait pour la cour criminelle de juger aujourd'hui les comptes des comptables publics et la mauvaise gestion alors qu'il s'agit là en substances de compétences dévolues par la loi à la cour des comptes confinée à un rôle cérémonial, comme le médiateur de la République.

-3 Le parquet général fait obstruction au fonctionnement normal de la justice à travers la méthode de mettre la main sur un dossier et l'enfermer dans les tiroirs lorsqu'il le reçoit pour avis. En effet le parquet général a régulièrement recours à cette méthode pour empêcher les juges de statuer et maintenir un statuquo lorsque le ministère de la justice ne veut pas courir le risque de voir annulée une décision à laquelle il tient. L'affaire numéro 6/12 administrative confisquée ce jour dans les tiroirs du procureur de la justice en est une illustration concrète.

-4 L'accès des avocats aux personnes en garde à vue, bien que prévu par l'article 58 du code de procédure pénale, est systématiquement refusé par le parquet ceci est d'autant plus inquiétant que la torture et les traitements cruels sont érigés en méthode lors des interrogatoires de la police, exemple les étudiants torturés au commissariat de police duksar en février 2012.

-5 Les prisons connaissent un sort incompatible ave l’Etat de droit. La prison des salafistes dans un lieu secret quelque part dans la nature sans contact avec leurs familles et avec leurs avocats est une violation flagrante des normes internationales et des lois nationales qui régissent les établissements pénitenciers.

La détention des mineurs avec les adultes dans deux cellules de 24 m² à Nouakchott, la situation de 52 mineurs qui ont dépassé les délais légaux de détention préventives et la situation de 17 mineurs détenus avec les adultes à Nouadhibou suivant nos informations datées d’il y’a deux semaines constituent un recul notoire des droits de l'enfant enMauritanie . Les vagues d'arrestations et d'expulsions des étrangers constatées récemment en violation de la loi est une manifestation supplémentaire de l'arbitraire.

-6 les détentions arbitraires connaissent une fréquence inquiétante ainsi que les procès politiques sous le couvert de la lutte contre la gabegie qui échappe à la justice et sont directement gérés par le pouvoir exécutif.

-7 le pouvoir exécutif exerce aujourd’hui un contrôle et une autorité sur l’appareil judiciaire sans précédent, l’indépendance de la justice n’est plus qu’une illusion. La main mise de l’exécutif sur le judiciaire trouve son expression la plus éloquente dans les deux points suivants :

A/ - Le souci légitime manifesté par les magistrats pour créer un cadre syndical qui défend leurs intérêts et garantit leur indépendance a reçu une fin de non recevoir de la part des pouvoirs publics.

Alors que les élections se déroulaient normalement le ministère de la justice a fait irruption au moment du dépouillement pour confisquer l'urne, puis la semaine dernière le ministre de l'intérieur délivre, sur intervention du ministre de la justice, le récépissé de reconnaissance no 092 du 12 avril 2012 à une association taillée sur mesure composée de magistrats "fidèles" pour ne pas dire sous la tutelle du ministre de la justice auquel il doivent leur promotion récente.

L'association a vu le jour dans une opacité totale mais le plus scandaleux c'est que le récépissé du ministre de la justice fait référence à une prétendue assemblée générale des magistrats en date du 11/4/2012, fictive de toute évidence car il n'y'a jamais eu d'assemblée générale des magistrats le 11/4/2012.

Nous le répétons depuis quelques temps, les juges ont le droit de créer librement un cadre syndical, pourquoi le leur refuse t on et pourquoi leur impose t on un syndicat forcé..





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