samedi 1 octobre 2011

Crise : En attendant les résultats du dialogue.



La Mauritanie replonge, une énième fois dans la crise. Le mouvement de contestation contre les opérations d’enrôlement, enclenché à Nouakchott, a débordé pour gagner la cité contestataire deKaédi et Maghama, fief du président du Sénat Bâ Mbaré. Une crise autrement plus pernicieuse que ce que la « NouvelleMauritanie » d’Aziz a connue jusqu’à présent.

Les jeunes Négro-mauritaniens ne manifestent pas pour réclamer une meilleure gestion du pays, ou une politique efficiente contre la flambée des prix, mais pour que la menace qui pèse, selon eux, sur leur « Mauritanité » soit écartée.

Cette crise survient au moment où l’on ne l’attendait vraiment pas. L’ouverture du dialogue entre la Majorité soutenant le président Mohamed Ould Abdel Aziz et quatre partis d’opposition (APPAl Wiam, HamamSawab) avait été perçue, par nombre d’observateurs, comme une opportunité devant permettre aux mauritaniens de débattre de tous les problèmes. Y compris de cette problématique du recensement des populations lancé dans une atmosphère de « flou artistique total » qui ne permet pas d’appréhender la véritable raison d’être d’une telle opération.
C’est aussi au même moment que le Parlement mauritanien vient d’ouvrir une session extraordinaire pour l’année 2011, qui est probablement aussi la dernière de la législature 2006 – 2011, sur des notes discordantes à propos d’un dialogue aux contours encore flous. Propositions et contre-propositions de l’opposition et de la majorité confirment un seul fait : chaque camp rejette la responsabilité de l’échec programmé d’un tel dialogue sur l’autre.

Et même quand le président Ould Abdel Aziz franchit un pas dans le bon sens, en recevant, de manière régulière, Messaoud Ould Boulkheir, président de l’Assemblée nationale qui passe aujourd’hui pour l’un des plus fervents partisans du dialogue, l’on ne cesse d’observer une certaine réserve par rapport aux reculades des uns et des autres. Les deux coprésidents du dialogue, Boidiel Ould Houmeid, et le ministre d’Etat, Ahmed Ould Bahiya, ont également été reçus, hier mercredi, dans cette ambiance chargée d’affrontements sanglants entre les services de sécurité et les militants de « Touche pas à ma nationalité ». 

L’euphorie des premiers instants du dialogue, quand la remise de la plateforme de l’opposition au président Aziz par Messaoud Ould Boulkheir a été saisie au vol par la Majorité pour réitérer sa disposition à s’asseoir autour de la même table que la COD, a été refroidie par le refus de dix partis de l’opposition à s’engager dans ce qu’ils ont vu comme un « dialogue à minima ». Avant même que l’on sache, clairement, quel était le contenu de ces propositions, mais surtout, si elles peuvent se recouper avec les préoccupations des soutiens du pouvoir.

Une sorte d’équivoque qui n’a nécessité que deux semaines pour être levée, quand la Majorité a riposté, faisant comprendre que le dialogue n’est pas avec Aziz (qu’elle accuse l’opposition de vouloir présenté comme un « dictateur », ne prenant pas l’avis de ses soutiens), mais entre deux camps politiques qui ont toujours constitué les deux termes d’une Bipolarité qui, sans refléter une compétition à l’américaine, est une constante de la démocratie mauritanienne.

Second coup de théâtre : Aziz épouse pratiquement le point de vue de l’opposition participationniste, quand il accepte de nommer son « représentant », le ministre d’Etat Ahmed Ould Bahiya, comme alter ego de Boidiel Ould Houmeid dans la supervision des assises du dialogue. Les négociations pouvaient alors commencer mais la Majorité ne s’avouait pas vaincue. Elle avait plus d’un tour dans son sac pour faire de la résistance et tenter d’orienter le dialogue dans le sens voulu par ses politiques.

De sorte que la « bataille » aujourd’hui autour du dialogue se trouve être celle de deux camps qui veulent imposer une vision du dialogue à un président de la République pris entre les exigences de la solidarité politique avec un camp qui, quoi qu’on dise, l’a aidé à accéder au pouvoir, et une « amitié » naissante avec le duo Messaoud Ould Boulkheir – Boidiel Ould Houmeid.

Mais Majorité et Opposition doivent comprendre que la Mauritanie traverse une crise profonde qui ne doit pas seulement être vue comme cette traditionnelle structuration de la scène politique qu’on appelle Bipolarité. Il n’y a plus lieu ici de parler seulement du dialogue politique comme préoccupation essentielle des Mauritaniens.

La question – le malaise – dépasse maintenant ce cadre pour atteindre celui de la problématique de survie inhérente à des considérations générales de gouvernance, de la manière de faire face aux trois priorités du moment (prix, chômage, insécurité) et du rapport de celles-ci avec la politique qui doit permettre au pouvoir de mener à bien sa stratégie de développement sur le moyen terme (fin du quinquennat de Ould Abdel Aziz en 2014).

Outre ces considérations d’ordre politique, il y a aussi à prendre en compte ce qui vient de bouleverser la donne au niveau de la composante négro-africaine du pays. Les évènements de Kaédi et de Maghama appellent le pouvoir à ne plus tricher avec cette question d’enrôlement des populations. Il faut vraiment que le président Aziz tranche cette question dans le vif, en apportant les réaménagements que réclament les militants de « Touche pas à ma nationalité », mais aussi une bonne partie de l’opposition.

La décision prise par l’AJD/MR de geler son appartenance à la Majorité présidentielle n’est pas sans conséquence sur le pouvoir du président Aziz. Si la rupture devient définitive, on reviendrait alors à une configuration qui donnerait à l’opposition le même ancrage dans le milieu négro-mauritanien qu’une majorité dont les partis membres ont souvent souffert du joug d’uneUnion pour la République (UPR) qui ne veut pas se départir de ses privilèges de parti-Etat.

Sneiba Mohamed 




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