jeudi 11 août 2011

Lettre ouverte au Premier Magistrat de la République



Au nom des 47%, Monsieur le Président de la République, 

Excellence,
Je vous écris pour la deuxième fois consécutive. Ma première correspondance vous fut adressée au lendemain de votre élection afin que certaines des idées émises puissent, au besoin, être intégrées à votre «feuille de route ».

Aujourd’hui encore, je récidive. Je porte un jugement sur la situation politique actuelle du pays. Mon souci premier n’étant, comme à l’accoutumée, ni de plaire ou de déplaire à qui que ce soit, mais de « parler vrai », puisque l’enjeu est si important et peut nous affecter durablement. Et les courtisans, loin de servir la nation, ne semblent voir midi qu’à leurs portes.

Ce pays, et l’on a souvent tendance à l’oublier, n’appartient exclusivement à personne et ne saurait donc demeurer en otage pour quelque motif que ce soit, surtout pas pour des fins strictement politiciennes. Ce pays est la prunelle de nos yeux. Les gouvernants et oppositions vont et viennent et les peuples demeurent.

Excellence,
Je ne doute point de votre sincérité, encore moins de votre ferme intention de réussir au mieux votre présente mandature, mais la vérité qu’on ne saurait occulter c’est qu’au-delà des infrastructures, de la lutte contre la gabegie, du lancement de « la muraille verte » à votre dernière adresse à la nation, nous demeurons confrontés à de multiples et multiformes défis qui ne sauraient être levés, seulement, par les armes.

Cette « guerre des tranchées » que nous impose le terrorisme ne se gagnera que par la détermination et l’implication de l’ensemble de nos concitoyens à quelque communauté qu’ils appartiennent, d’où la nécessité d’œuvrer pour une réelle « cohésion nationale ».

Bien de stratèges conviendront qu’une armée n’est jamais si forte et si équipée pour vaincre, à elle seule, son ennemi sans l’adhésion et le soutien de son peuple, un point de vue que vous avez, du reste, partagé lors de votre dernière intervention.

Excellence,
Cela fait près de deux ans qu’entre vous et votre opposition, c’est le statu quo. Chaque fois que nous nous imaginons, à notre grand bonheur, que le contact est renoué afin de décrisper le climat politique, une déclaration fracassante - de l’une ou l’autre des parties - vient ruiner toutes nos attentes, tous nos espoirs.

Lors des dernières « élections présidentielles », vous avez sollicité le soutien des électeurs, promettant, une fois élu, d’œuvrer dans l’intérêt de l’ensemble de vos concitoyens qu’ils aient ou non voté pour vous. Vos souhaits d’être notre premier magistrat ont été finalement exaucés. Vous avez obtenu près de 53% du vote exprimé et vos adversaires ont eu un score honorable de 47%, près de la moitié des électeurs, si l’on s’en tient à une certaine arithmétique.

Excellence,
L’absence actuelle d’un vrai dialogue inquiète bon nombre de vos concitoyens, qu’ils le taisent ou qu’ils l’expriment tout haut. Et le hic dans tout ceci est que nous ne cherchons pas encore à surmonter nos divisions. Chacun semble y aller de son « propre orgueil » alors qu’il n’y a de réel motif de fierté que dans « l’orgueil qui nous unit », l’intérêt national.

Excellence,
Notre climat politique actuel est peu enviable et nous sommes au point de vous en faire porter la responsabilité car vous êtes celui qui a été élu pour trouver les solutions idoines aux multiples problèmes auxquels nous pourrions être confrontés.

Cessons de souffler le chaud et le froid, la Mauritanie ne saurait se passer, au stade actuel, des idées, de l’expérience et du savoir-faire de l’ensemble de ses fils car l’apport de tout un chacun est indispensable à la consolidation de l’édifice commun, raison de plus pour ne plus cautionner la marginalisation des 47% dont le seul tort est d’exprimer une vision différente pour leur pays. La Mauritanie ne pourra pas et ne devra pas se faire sans eux, car cultiver le sentiment d’exclusion d’une partie aussi importante de la nation porte immanquablement un lourd préjudice à l’idéal de gestion qu’on se fait de celle de la res-publica.

Excellence,
Je m’excuse de vous avoir importuné, pour la seconde fois consécutive, en usant de mon modeste statut de citoyen pour exprimer un avis dont l’objectif premier vise à rappeler à l’ensemble de notre classe politique nationale que ses concitoyens, à quelque obédience qu’ils appartiennent, se lassent de leurs atermoiements et de l’actuel statu quo.

Que Dieu bénisse la Mauritanie! Amen.

Professeur Cheikh Abdel Kader Diawara

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