mercredi 13 juillet 2011

RFD : intervention de monsieur Ahmed Ould Daddah, président du RFD (Mauritanie)


devant la réunion du conseil de l’internationale socialiste, tenue les 1er et 2 juillet 2011 à Athènes - Grèce.

Cher Président George Papandreou
Cher Secrétaire Général Luis Ayala
Chers Camarades

Le Monde Arabe qui s’étend sur une superficie de 15 millions 450 mille Km² du Sultanat d’Oman, sur le Golf arabo-persique à la Mauritanie sur les rivages de l’Atlantique compte 337 millions d’habitants. Le Monde Arabe apparaissait, Il y a à peine six mois, aux yeux d’un grand nombre d’observateurs-hommes politiques, diplomates, journalistes, chercheurs- comme un vaste espace continu, homogène, imperturbable, languissant sous une tyrannie léthargique .

Si partout ailleurs, en Amérique Latine, en Europe de l’Est, en Afrique, la dictature reculait, en revanche, elle tenait d’une main de fer ce 
« sanctuaire inviolable » que constitue, pour elle, le Monde Arabe, la Nation ou les pays arabes. La terminologie n’est pas neutre. Peu importe. 
La dictature arabe donnait l’apparence d’être un fait constant de société, une donnée culturelle immuable qui aurait ses racines profondes dans les sociétés arabes elles -mêmes. La soumission des peuples à cette dictature était une autre donnée que devaient intégrer tous les analystes de nos sociétés.

Au-delà des frontières entre les Etats arabes, tracées au gré des conventions conclues entre les puissances coloniales et des vicissitudes de l’Histoire, la dictature se constitue et se consolide selon un schéma quasi uniforme : au départ, putsch militaire, suivi, dans une première étape, d’une épuration des compagnons d’armes et dans une seconde d’une mainmise rampante , au début partielle et à la fin totale, du clan familial du Chef de l’Etat sur l’Armée, sur les services de sécurité, sur l’appareil d’Etat, sur tous les leviers de l’économie.

Souvent avec la bénédiction ou l’onction des puissances étrangères, un simulacre d’élections vient au secours de ce pouvoir de fait et lui confère un masque de légalité constitutionnelle, purement formelle. Exercer le pouvoir sans discontinuité trente années de suite et même au delà a été le fait politique arabe le plus marquant des cinquante dernières années.

En Libye, au Yémen, en Egypte et en Syrie, etc…, les régimes arabes ont conceptualisé un modèle institutionnel insolite, celui des « Républiques ou Jamahirya dynastiques », la dévolution du pouvoir se faisant de père en fils.

La dictature assure son renouvellement. Pour contenir toute velléité démocratique dans l’espace arabe, pour saper l’évolution démocratique qui s’y amorçait ne serait-ce que timidement, certains de ces dictateurs ont utilisé à volonté leur audience sur la scène internationale et ont déployé les immenses moyens financiers dont ils disposent

– les ressources de leurs pays étant considérées comme étant les leurs propres

- pour annihiler l’aspiration démocratique (même en dehors de leurs pays ) en transformant les consultations électorales tenues dans les pays frères en simples parodies . Consolider le pouvoir des jeunes émules était une préoccupation pour ces Guides et Rais.

Tel a été le cas en Mauritanie où le colonel Kadhafi a, de son propre aveu, réussi à faire habiller le nouveau chef de la junte militaire- qui a accédé au pouvoir par la force- en Président de la République auréolé d’un semblant de légitimité constitutionnelle. C’est aussi en partie grâce à Mouammar Kaddafi que le même chef de l’Etat mauritanien a été adoubé sur la scène internationale.

Ce faisant, le colonel Kadhafi discréditait l’idéal démocratique aux yeux de l’opinion arabe, le réduisant à un simple stratagème. Kaddafi a ainsi fortement contribué à empêcher l’expérience mauritanienne de faire tâche d’huile dans l’espace arabe « prouvant » encore une fois, selon son propre aveu, que la mentalité arabe fait mauvais ménage avec la démocratie. Amusé et cynique, il disait « voyez la Mauritanie, elle est l’exemple de la démocratie que certains réclament à cor et à cri ».

Pour justifier ou expliquer l’institutionnalisation de la dictature dans le Monde Arabe, chacun y allait de son approche. Les régimes arabes et leurs protecteurs occidentaux mettaient en avant l’impératif de sécurité et de stabilité et invoquaient la priorité de faire face à la « menace terroriste islamiste ». Ce discours sécuritaire servait d’alibi pour défendre des intérêts économiques ou même parfois de simples accointances personnelles et, au mieux, de prétendues visées géostratégiques mal définies.

Ce message avait son relai parmi les intellectuels, sociologues, anthropologues, chercheurs, diplomates et journalistes. Certains sont allés jusqu’à soutenir qu’il existe une forte demande sociale despotique dans le Monde Arabe ! L’idée même de démocratie et de Droits de l’Homme serait incompatible avec la mentalité arabe et islamique déclaraient sans vergogne d’autres. Les propos étaient pleins de mépris pour le peuple arabe, pour sa culture, sa civilisation et son histoire plus que millénaire.

Comme partout ailleurs, les chantres du totalitarisme, développaient l’argument simpliste et désuet : le peuple a besoin de pain et non de liberté. La libération de la Palestine et des territoires arabes occupées constituaient aussi, pour d’autres dont la bonne foi est sujette à caution, un alibi pour justifier l’immobilisme et maintenir plusieurs décennies durant les dictatures et régimes d’exception.

Personne donc ne voyait venir l’orage, tant la dictature semblait solidement enracinée et justifiée aussi bien à l’intérieur de nos frontières que dans les pays démocratiques. Pourtant le feu couvait sous les cendres et comme le disait l’illustre poète et député de notre parti,Ahmedou Ould Abdel Kader, dans l’un de ses poèmes, devenu célèbre, dédié à la lutte du peuple palestinien : « Dans les masses résident les miracles et de l’oppression nait la liberté ».

Face à l’arbitraire, la révolution couvait, en sourdine. Et tout à coup, dans ce printemps de 2011, un mouvement insurrectionnel, d’une ampleur sans précédent, se déclencha dans la quasi-totalité des pays arabes ; il partit de la Tunisie et gagna rapidement l’Egypte et les autres pays, avec les slogans repris en chœur par les manifestants dégage , « le peuple veut la chute du régime ».


Fini le temps où les jeunes arabes se soumettaient servilement à la dictature ou se livraient au terrorisme aveugle. Une nouvelle forme de lutte, citoyenne, pacifique voit le jour. Les femmes voilées côtoient les militantes de la liberté des femmes. Main dans la main , les imams de mosquée, les professeurs d’université, les magistrats, les médecins, les avocats, les humbles artisans et commerçants , les citoyens anonymes et les innombrables chômeurs réclament avec force la liberté et la dignité.

La Karama (dignité) surgit dans le lexique politique. Les Arabes s’approprient désormais les valeurs démocratiques et les désignent par des mots qui leurs sont propres. Il est évident que les défis restent immenses. Il s’agit d’abord de faire dégager les dictateurs nombreux encore en place, en Libye, au Yémen, en Syrie, en Mauritanie et partout ailleurs, à l’instar de la Tunisie et de l’Egypte. Le RFD se félicite et le dit sans détours du soutien apporté par les peuples du monde et par la Communauté internationale tout entière (une fois n’est pas coutume) à la lutte du peuple libyen frère sous la direction du Conseil National de Transition (CNT).

Soutenir aussi fermement l’aspiration démocratique dans les autres pays arabes n’est pas seulement une exigence morale, elle est aussi une nécessité politique. Cette position permet de couper court à l’argument développé non sans raison : ‘’ les gouvernements occidentaux ne soutiennent la démocratie dans le monde que là où leurs intérêts le commandent, ils font usage de deux poids, deux mesures’’.

Notre Parti, le RFD pense que l’Internationale Socialiste doit accompagner ce changement historique et exhorter la communauté internationale en vue d’accentuer les pressions sur les régimes syrien et yéménite pour les contraindre à se retirer et à permettre à leurs peuples de choisir librement leurs gouvernants.

Une fois les dictateurs arabes partis en exil ou demis par leurs peuples, et le plus tôt sera le mieux, les Arabes auront à faire face à des défis majeurs. Comment pourront-ils éviter le risque de récupération de la révolution et empêcher les dérives totalitaires ? Que faire pour que le corps du système dictatorial ne survive à sa tête ? Quels remparts dresser devant la montée de toute nouvelle génération de dirigeants ou de classe politique tentés par la reproduction du modèle révolu ? En somme, comment éloigner définitivement le spectre de la dictature ?

La détermination de la jeunesse arabe héroïque qui a affronté mains et torses nus les chars et les mitrailleuses lourdes, l’éveil des peuples arabes , la vigilance de la communauté internationale qui a fini par se ranger du côté des peuples opprimés, tous ces facteurs conjugués aideront certainement à relever les défis.

En tout état de cause, il ne fait pas de doute que l’ancrage des libertés et des valeurs démocratiques au sein de nos peuples et des élites en particulier, la culture de la tolérance, la promotion de la justice sociale aideront à l’enracinement d'une démocratie véritable et durable dans nos sociétés. Il est superflu de rappeler devant cet auditoire le contenu institutionnel de telles idées et valeurs, tant sont bien connus de vous les fondamentaux de la démocratie.

Je dirai simplement mon espérance personnelle, que vous partagez certainement, de voir les transitions démocratiques en cours, en Tunisie et en Egypte, se faire avec des échéances électorales pluralistes, paisibles, sans accrocs excessifs. L’appui international, politique et économique, à ces deux pays permettra de parvenir à cette fin. La réussite de ces deux expériences déterminera en grande partie le devenir démocratique arabe.

Accompagner la transition en Tunisie et en Egypte, parachever le travail en Libye, en Syrieet au Yémen, susciter et soutenir le changement démocratique dans le reste du monde arabe y compris dans mon propre pays, la Mauritanie, voilà, en résumé, notre feuille de route dans cette région, ô combien stratégique et sensible pour le monde dans son ensemble tant par ces immenses ressources que par sa position centrale et son histoire.

En cette période d’espérance, je ne peux m’empêcher de rappeler que les guerres et conflits qui déchirent la région arabe constituent, à l’évidence, une menace à la paix et la sécurité internationales, en général mais compromettent aussi les chances de réussite du changement démocratique que l’on appelle désormais «le printemps arabe ».

Il ne fait pas de doute que s’il n’était pas mis fin à l’occupation étrangère en Irak, dans leGolan syrien, au Sud Liban et surtout à l’insoutenable drame du peuple palestinien, le déficit démocratique risque d’être relégué au second plan ou constituera tout au plus une entrave dans la quête de la paix, de la stabilité et d’un développement durable dans l’espace arabe. Comment construire une démocratie digne de ce nom dans un pays sous occupation ? Il n’y a pas non plus le moindre doute que la persistance de ces foyers de tension continuera à justifier et alimenter toutes les formes de violence.

Compte tenu de ce contexte particulièrement grave, il est important de souligner que la création, cette année même, d’un Etat palestinien – comme l'ont indiqué plusieurs acteurs majeurs de la scène internationale et notamment le président Obama - sur les territoires occupés en 1967, avec Al Qods comme capitale, contribuera à la réussite du printemps arabe, à son extension et à la consolidation de la démocratie dans l’ensemble arabe. La préservation de la paix et la sécurité dans le monde passe immanquablement par ce préalable.


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