samedi 16 juillet 2011

Abdallahi Ould Mohamed : 'La vocation d’un syndicat est d’être un facteur de régulation'.



Biladi : Vous venez de lancer un préavis de grève, pourriez vous nous rappeler les raisons?

Abdallahi Ould Mohamed (A.O.M) : Comme vous le savez, aujourd’hui le pouvoir d’achat des travailleurs est très inquiétant et laisse à désirer. Le chômage frappe officiellement le tiers de la population active, le régime de sécurité sociale est archaïque … Tout cela laisse les travailleurs confrontés à toutes les difficultés du système néo-libéral imposé par la banque mondiale et le FMI à notre pays.

D’autre part nous assistons à un pillage systématique de nos richesses, le cuivre, l’or donnés gracieusement à des multi-nationales étrangères, en l’absence totale de politique nationale d’emploi et une politique de lutte contre la pauvreté qui a fait totalement fiasco au.
Face à cette situation, la vocation des organisations syndicales étant de réguler la vie économique et sociale dans tout pays et donc de réguler l’organisation du travail et la redistribution de la richesse, nous avons interpellé le gouvernement et le patronat à ouvrir des négociations pour trouver des solutions aux grands problèmes sociaux et économiques.

Malheureusement, le gouvernement nous a totalement négligés et a refusé d’accéder à nos doléances. Il a fallu une certaine agitation qui a commencé un peu partout dans les différents secteurs du pays, et au sein des organisations syndicales, lesquelles se sont associés à nous pour formuler les mêmes doléances, pour que le gouvernement se décide finalement à ouvrir des négociations. Mais par la suite, on s’est rendu compte que ce n’était pas des négociations, c’était de la manœuvre.

Pourquoi ? Parce que le gouvernement nous dit que les dix-neuf récépissés qui sont attribués à des organisations syndicales seront traités sur le même pied d’égalité. Cela en matière de négociations constitue une violation totale des conventions internationales ratifiées par la Mauritanie mais aussi de la législation du pays, notamment son code de travail instituée par la loi 017/2004 dans son article 265 qui détermine les critères de représentativité, c‘est-à-dire ceux qui ont la possibilité ou la faculté de négocier au nom des travailleurs.

Et par rapport à ces critères, il est dit par l’article 90 que le ministre en charge du travail doit prendre un arrêté sur la base de ces critères et en fonction des éléments d’informations qui lui sont fournis par les inspections de travail, pour pouvoir déterminer les organisations syndicales qui sont représentatives du monde du travail.

Le gouvernement face à cette situation et à l’insistance de la part des travailleurs d’ouvrir des négociations refuse de respecter cette disposition. Voilà le point de divergence essentielle entre nous et le gouvernement. Quand on a constaté la volonté du gouvernement d’aller jusqu’au bout dans le piétinement de la loi, nous avons saisi le président de la République, le 4 avril, pour l’interpeller par rapport à la gravité de la situation en matière de violation de la loi, nous n’avons pas eu de réponse.

Nous avons saisi le Premier ministre le 11 avril sur la même question, nous n’avons pas eu de réponse, nous avons saisi la ministre en charge du travail le 24 avril, elle nous a répondu mais elle a totalement occulté cet argumentaire juridique pour nous réitérer encore leur volonté d’organiser des élections de représentativité qui n’auront pas lieu demain.

Donc face à cette volonté du gouvernement de continuer à violer la loi, nous sommes passés à une consultation avec nos bases dans tous les secteurs professionnels et dans toutes les régions, laquelle a été couronnée par la décision aujourd’hui d’adresser un préavis de grève au gouvernement et au patronat. D’ici au 25 juillet, si le gouvernement ne ressaisit pas et respecte les dispositions légales dans ce pays que la journée du 26 sera la journée générale et nationale.

Nous n’avons pas voulu aller au-delà de 24 heures, c’est tout simplement pour déterminer que notre objectif n’est pas de mettre le pays à genoux sur le plan économique mais d’envoyer un message clair au gouvernement que les travailleurs sont déterminés à faire respecter leurs droits et la loi dans ce pays.

Biladi : Avez-vous les moyens d’amener les pouvoirs publics et le patronat à ouvrir un dialogue sérieux d’avec les travailleurs?

A.O.M : En tous cas, c’est notre objectif et c’est notre volonté. Le gouvernement n’aura pas le choix. Il peut casser des travailleurs et les manipuler par divers discours soit en ayant recours à la diversion, ou en utilisant certains syndicats comme il a commencé à le faire en faisant monter l’UTM, en déconfiture, avant-hier (10 juillet) au créneau pour nous attaquer gratuitement par le biais d’une conférence de presse tenue dans l’unique but d’attaquer la CGTM, par des arguments très fallacieux.

Mais toutefois ce que nous constatons c’est la détermination des travailleurs de rester mobilisés pour pouvoir faire respecter leur volonté. Ensuite nous pensons aujourd’hui que le niveau de présence et d’organisation de la CGTM est très largement suffisant pour recréer ce rapport de force quant à la capacité de nuisance de l’organisation syndicale et donc du blocage de l’activité économique et sociale de ce pays.

Maintenant que le gouvernement tienne compte ou pas de cette volonté c’est une autre paire de manches. Je ne pense pas qu’il pourra accepter d’aller dans une escalade avec les travailleurs qui ne sont pas au bout de leurs peines, qui connaissent des difficultés énormes et qui sont les producteurs de la richesse du pays.

Biladi : A ce stade quelles sont les conséquences du préavis de grève que vous avez émis ? Est-ce que les pouvoirs publics ont essayé de prendre langue avec la CGTM ne serait-ce que de façon indirecte ?

A.O.M : Pas du tout. Ce que nous avons constaté, c’est plutôt un peu de revenir à des vielles méthodes. L’utilisation des moyens cachés, certains syndicats fantoches comme celui de l’UTM, pour créer la confusion dans les rangs de la CGTM, des prétextes fallacieux visant à discréditer la CGTM, taxant l’organisation d’opposition. Mais un syndicat qui n’a pas la possibilité de poser les revendications, ce n’est pas un syndicat.

La vocation d’un syndicat est d’être un facteur de régulation mais s’il n’est là que pour rester dans la limite de ce que veut le gouvernement, ce n’est pas la peine de faire le syndicat. Aujourd’hui ils disent que notre action s’inscrit dans le cadre d’une volonté de déstabiliser le pays et de faire une révolution.

Nous n’avons pas dit ‘’dégage Aziz’’, nous avons dit respecter la loi actuelle qui est en vigueur dans ce pays. Et le minimum qu’on peut attendre d’un gouvernement, de n’importe quel gouvernement. Un gouvernement qui ne respecte pas une loi, on ne peut s’attendre à une crédibilité de sa part. Il n’a pas respecté une loi, donc il ne va pas respecter un P.V.

Propos recueillis par Camara 




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