mercredi 21 février 2018

21-02-2018 09:12 - Rapport sur la Situation Économique en Mauritanie – Février 2018 (Par la Banque Mondiale)


Rapport sur la Situation Économique en Mauritanie – Février 2018 (Par la Banque Mondiale)
Banque Mondiale - « Vers une consolidation budgétaire qui améliore la gestion des investissements publics et fortifie les filets sociaux »

Messages Principaux

1. Le Rapport sur la Situation Économique en Mauritanie (RSEM) est une nouvelle publication périodique de la Banque mondiale (BM) qui souligne les tendances économiques récentes et discute des problèmes de développement pertinents pour le pays. Le RSEM se sert des rapports analytiques existants de la BM pour présenter des problèmes économiques et sociaux actuels. 

Le RSEM est destiné au grand public et sert de véhicule pour lancer un débat factuel sur les choix économiques parmi les principaux acteurs nationaux surtout entre les décideurs politiques et les citoyens. Les opinions et les projections exprimées dans le rapport sont celles des auteurs et ne représentent pas celles du Conseil d’administration de la BM ni du Gouvernement mauritanien.

2. Cette première édition du RSEM présente un compte rendu de la situation économique en 2017 et aborde la question de la consolidation budgétaire à travers l’angle des investissements publics et des dépenses sur les filets sociaux. Comme discuté dans ce rapport, la consolidation budgétaire est la clé de la stabilité macroéconomique et de la croissance à long terme. Pour réussir cette consolidation, le gouvernement doit mettre en place : i) un système efficace de gestion des investissements publics qui assure la sélection des projets ayant les meilleurs rendements économiques et sociaux ; ii) un programme de filets sociaux qui protège les pauvres contre les risques de déséquilibre budgétaire, renforce leur capital humain et leurs capacités économiques et est plus rentable que le système existant. Ainsi, le RSEM est composé de 3 parties. Partie 1 - développements économiques récents. Partie 2 – Un aperçu sur la gestion des investissements publics ; Partie 3 - mettre en place des filets sociaux pérennes et efficients.

Partie 1 : Développements économiques récents

3. L’activité économique semble reprendre avec l’amélioration de la consommation privée et la reprise graduelle des prix internationaux du fer et du cuivre, ainsi que la bonne tenue de l’activité économique non extractif. En 2017, la croissance du PIB est estimée à 3,5%, en hausse par rapport à 2,0% en 2016, tirée par la pêche, le commerce et les industries manufacturières. L’inflation pour sa part a atteint 2,4% en 2017, en hausse par rapport à 1,5% en 2016. Cette hausse reflète surtout les prix des denrées alimentaires importées et l’effet de la dépréciation continue de l’Ouguiya.

4. Cette reprise est plutôt lente et compromet les gains en termes de réduction de la pauvreté accrue entre 2008 et 2014, durant la période du boom minier. En effet, les estimations de la BM montrent que la réduction de la pauvreté s’est presque figée en 2017 mais que le nombre absolu des pauvres continue d’augmenter. Avec une économie qui semble avoir aussi du mal à créer de l’emploi, ces résultats aggravent les tensions sociales et mettent en évidence la nécessité d’accélérer la croissance, d’investir dans le capital humain et de réformer les filets sociaux pour améliorer les conditions de vie des populations les plus pauvres et les plus vulnérables, et les doter de nouvelles opportunités économiques. 5. Les pressions extérieures sur la balance des paiements ont nettement diminué en 2017 grâce à un rebondissement des prix du fer et à la politique de consolidation budgétaire qui a permis une réduction des importations notamment ceux des équipements de construction. 

Ainsi, le déficit du compte courant (DCC) s’est réduit de 15,8% du PIB en 2016 à 11,0% en 2017. Néanmoins, l’ampleur du DCC pose un défi car elle nécessite une mobilisation importante de financement dont les sources les plus prépondérantes restent les investissements directs étrangers (IDE) et les emprunts extérieurs. Ainsi en 2017, le ralentissement des décaissements d’emprunts étrangers liés aux projets d’investissements publics a contribué à une baisse modérée des réserves en devises, passant de 5,2 mois d’importation en 2016 à 5,1 mois en 2017. Ce niveau de réserves reste toutefois confortable et au-dessus de la cible de la BCM.

6. L’ampleur du DCC, la faiblesse des exportations non extractives, et une certaine rigidité dans le fonctionnement du marché des devises étrangères ont affaibli la capacité de la Mauritanie à réagir face au choc des termes de l’échange. Cette dynamique a impacté la capacité du pays à financer ses besoins extérieurs et l’a conduit auparavant à recourir à des prêts non concessionnels pour accroître les réserves en devises de la BCM au prix d’une augmentation de la dette publique. De plus, le manque d’outils de gestion monétaire a rendu la politique monétaire moins efficace pour amortir les chocs et intervenir pour atténuer les contraintes de liquidité domestique. Face à ces problèmes, la BCM a élaboré un plan de réformes triennal, visant à remédier à ces lacunes. Ces réformes ont bien commencé, mais le rythme pourrait être considérablement accéléré.

7. Dans le but de s’attaquer à une dette publique croissante et pour assurer la stabilité macroéconomique, le Gouvernement a maintenu une politique budgétaire prudente axée sur l’élargissement de l’assiette fiscale et le contrôle des dépenses. Ce plan a réussi, et pour une deuxième année consécutive le solde budgétaire primaire en 2017 est resté excédentaire à 1,2% du PIB. Aidé par la reprise des recettes minières et les recettes de pèches ainsi que par des économies sur les dépenses opérationnels, l’ajustement principal est venu des investissements publics qui ont chuté de 3,3% du PIB en 2 ans. Ce résultat a abouti à une réduction du ratio de la dette, pour la première fois depuis une décennie, de 99.1% du PIB en 2016 à 93.6% en 2017. Mais, le risque de surendettement reste élevé, ce qui justifie une continuation de la politique budgétaire actuelle.

8. Les perspectives de croissance pour 2018-2020 s’appuient sur des réformes structurelles auxquelles le gouvernement s’est engagé. Des réformes qui se focalisent sur le climat des affaires, l’amélioration de la compétitivité, et la stabilité macroéconomique. Si elles sont exécutées, la croissance atteindra graduellement 5,2% en 2020. Cette reprise bénéficiera du rebond anticipé des prix des matières premières et de l’augmentation des IDE notamment ceux liés aux découvertes gazières et à l’expansion de la production minière. 

Cette reprise devrait être accompagnée par des réformes sur la gestion des investissements publics pour augmenter leur efficacité et par certains partenariats public-privé. Elle suppose aussi que le soutien financier des bailleurs augmentera selon le nouveau plan de développement national, la Stratégie de croissance accélérée et de prospérité partagée (SCAPP). Malgré ce progrès, le taux de croissance anticipé doit être plus ambitieux pour soutenir une réduction continue de la pauvreté et la création d’emploi. Ainsi un focus doit être fait sur les politiques favorisant la croissance afin que la Mauritanie rattrape ses homologues et atteigne son objectif de pays émergent.

9. Ces perspectives font faces à des risques remarquables. Le premier est celui de la volatilité des prix des matières premières ; une incertitude qui peut avoir un effet négatif sur les IDE attendus dans le secteur extractif. Le second risque est celui de la capacité administrative d’exécuter les réformes attendues surtout celles liées à la stabilité macroéconomique et à la participation du secteur privé. Un échec sur ce plan aura des conséquences importantes sur l’économie et sa capacité à générer de l’emploi ; ce qui augmentera les tensions politiques et sociales. Le programme de réformes ambitieux mis en avant reste un défi pour la Mauritanie et repose sur une forte volonté politique d’accommoder un environnement mondial qui change, et sur la capacité de l’Administration mauritanienne à consulter, communiquer et réaliser ces réformes.

Partie 2 : Gestion des investissements publics

10. L’investissement public (IP) est considéré comme l’un des piliers majeurs du développement économique de la Mauritanie. Durant les cinq dernières années, les crédits d’investissements cumulés octroyés à l’IP ont totalisé plus de 90 milliards de MRU. Aujourd’hui, l’IP compte pour plus de 40 % du budget de l’État et représente plus de 25 % de l’investissement global dans le pays. En accélérant l’accumulation de la dette publique, cet IP a un coût budgétaire élevé et n’a abouti qu’à une croissance moyenne plutôt faible de 4,3 %. Ce résultat non souhaité émane des problèmes structurels tout au long du cycle de gestion de l’IP. Ces contraintes affectent l’efficacité et le rendement économique du portefeuille des projets publics en Mauritanie.

11. La répartition sectorielle des dépenses d’investissement a été plus favorable aux projets d’infrastructure surtout dans les secteurs de l’agriculture, l’énergie et le transport, notamment les projets de routes. Plusieurs projets structurants ont été réalisés et ont conduit à une transformation du pays entre autres au niveau de la connectivité des régions et le désenclavement des zones rurales, l’augmentation de la capacité de production d’électricité, et l’augmentation importante des zones d’agriculture irrigués. Mais, le focus sur les infrastructures a laissé peu de marges au profit des secteurs clef comme l’éducation, la santé et les filets sociaux. Le développement de ces secteurs est impératif à la soutenabilité de la croissance et la prospérité future du pays. Ainsi, une attention particulière sera portée au rééquilibrage des investissements entre les secteurs prioritaires afin d’augmenter le rendement économique et social du PIP.

12. Le diagnostic du cadre de la gestion de l’investissement public (GIP) révèle de nombreux goulots d’étranglement qui se manifeste sur plusieurs plans : i. Sur le plan institutionnel : le manque des ressources humaines ainsi que les changements fréquents dans les domaines de compétence des ministères et notamment entre les ministères des Affaires économiques, du Budget et des Finances ont affaibli la coordination entre les différents services, et ont abouti vers un processus faible de priorisation de projets.

Sur le plan de la programmation et de la sélection des projets : des contraintes surtout au niveau de l’arbitrage entre les projets et leur mode de financement qui n’est pas nécessairement guidé par les stratégies sectorielles, le manque de budgétisation pluriannuelle, et la faible capacité administrative pour entamer des études de faisabilité détaillée des projets.

iii. Sur le plan des marchés publics : le processus des marchés publics souffre des plusieurs incohérences relatives à la délimitation des attributions des organes de passation des marchés publics ainsi que leurs compositions, leurs modalités de fonctionnement, et l’absence de décrets d’application de la loi sur la délégation des ouvrages. Les réformes mises en place en Octobre 2017 commencent à remédier à cela.

iv. Sur le plan de l’exécution et du suivi de projets : l’absence de règles harmonisées d’exécution réduit l’efficacité de la mise en oeuvre des projets, augmente leur coût, et réduit la transparence. De plus malgré les textes qui régissent cette fonction, l’évaluation systématique et méthodique des projets manque toujours. Les indicateurs de performance, utilisés actuellement par les autorités, ne ciblent que les aspects administratifs des projets, comme le décaissement et le démarrage des activités, et n’évaluent ni le montage technique, ni les rendements économiques et sociaux.

13. Conscient de cette contrainte, le Gouvernement a récemment montré une bonne volonté politique de réformer le cadre de GIP en prenant certaines mesures pour le redresser. Mais, les défis restent nombreux et requièrent des réformes structurelles profondes. À cet effet, trois axes de réforme sont recommandés :

• Axe 1 : Approfondir le processus d’évaluation des projets. Entreprendre une évaluation ex ante détaillée basée sur des critères quantitatifs standardisés intégrant les aspects économiques, sociaux et environnementaux surtout pour les grands projets. De plus, une évaluation ex post est également nécessaire pour mieux appréhender les coûts-avantages portant surtout sur les aspects économiques, financiers et les délais de réalisation. Pour cela, il faut doter les ministères de moyens pour assurer convenablement le suivi physique des projets ; faire des audits techniques et financiers.

• Axe 2 : Être plus sélectif dans le choix des projets. Aligner le PIP avec les priorités nationales de la SCAPP et établir un système budgétaire et comptable pluriannuel pour améliorer la programmation financière et le déploiement ponctuel du budget et assurer un suivi effectif des dépenses en capital.

• Axe 3 : Améliorer l’efficacité de l’exécution des projets. Augmenter l’absorption des crédits extérieurs d’investissements ; démarquer les procédures pour mieux gérer le flux de travail et réduire les délais ; et harmoniser les textes de la mise en oeuvre de la procédure de passation de marche avec la loi, en intégrant la programmation des marchés publics dans le processus budgétaire, et en renforçant l’égalité d’accès à la commande publique.

Partie 3 : Filets sociaux

14. La Mauritanie a progressé dans la voie de l’éradication de l’extrême pauvreté. Cependant, en accord avec la Stratégie Nationale de Protection Sociale et la SCAPP, le renforcement du dispositif de la protection sociale reste plus que jamais nécessaire pour atteindre l’objectif d’éradication de la pauvreté et d’appui aux personnes en grande vulnérabilité.

15. Les filets sociaux ont un impact sur les ménages à travers trois types de canaux : équité, résilience, et opportunités. En termes d’équité, les filets sociaux permettent d’améliorer la consommation des ménages, mais aussi d’impulser une amélioration des économies locales. En termes de résilience, les programmes aident à renforcer les capacités des ménages à faire face aux chocs. En termes d’opportunités, ils augmentent l’utilisation des services de santé et l’inscription et la présence à l’école. D’autre part, les programmes ont aussi un impact démontré sur les capacités productives des ménages. Les bénéficiaires tendent à développer ou étendre leurs activités indépendantes et à travailler plus dans leurs exploitations familiales.

16. La Mauritanie part sur de bonnes bases : capacité à mobiliser des ressources, expérience opérationnelle, stratégie, et engagement politique fort. Consolider cet existant et développer un dispositif efficient de lutte contre pauvreté et vulnérabilité requiert 5 actions :

• Action 1 : Adopter une stratégie de financement qui utilise une panoplie d’instruments pour répondre aux besoins fixes (pauvreté chronique) et variables (réponse aux chocs). Pour déployer une politique de protection sociale efficace, le gouvernement doit s’engager dès à présent à financer le système de filets sociaux – Registre Social, programme Tekavoul, dispositif de réponse aux chocs – en mobilisant les fonds nécessaires et en mettant en place les outils de financements adaptés. Le déploiement du Registre Social et du programme Tekavoul sur l’ensemble du territoire nécessite la mobilisation progressive d’un budget annuel de 11 à 13 milliards d’Ouguiyas d’ici 2021.

• Action 2 : Rationaliser certains programmes qui ne répondent pas aux exigences d’efficience. Rationaliser les programmes qui ne ciblent pas bien les pauvres, ont des coûts opérationnels élevés permettra d’améliorer l’efficacité des dépenses et de maximiser l’impact sur la pauvreté et vulnérabilité. Par exemple, les subventions butane et électricité sont régressives et accentuent les inégalités car plus de 25% des subventions vont aux 10% plus riches tandis que 1 à 2 % vont aux 10% les plus pauvres. Les boutiques EMEL sont mieux distribuées mais continuent à profiter aux riches plus qu’aux pauvres en valeur absolue. De plus, l’efficience du programme EMEL est limitée, car les subventions ne représentent plus que 40% du budget, alors que les coûts opérationnels en représentent la majorité. La réforme des subventions de butane, de l’électricité, et du programme EMEL (qui représentaient respectivement 0,8, 0,6 et 1,4 milliards MRU en 2014) permettrait de dégager des ressources considérables et contribuer à financer les filets sociaux, tout en améliorant l’efficience de la dépense publique.

• Action 3 : Étendre le Registre Social sur l’ensemble du territoire puis le mettre à jour régulièrement, pour doter la Mauritanie d’un outil de ciblage efficace tout en rationalisant les coûts et délais des programmes ciblés du gouvernement et de ses partenaires.

• Action 4 : Étendre progressivement le Programme National de Transferts Sociaux (Tekavoul) sur l’ensemble du territoire, en enrôlant progressivement 100.000 ménages extrêmement pauvres dans des cycles d’appui de 5 ans. • Action 5 : Mettre en place un dispositif de réponse aux chocs afin d’appuyer les ménages affectés par les chocs cycliques, en particulier ceux liés au changement climatique. Ce dispositif doit inclure un mécanisme d’alerte précoce, un dispositif institutionnel d’élaboration et de coordination des plans de réponse, un mécanisme de ciblage, un/des programmes, et des outils de financement.

17. Le système de filets sociaux est un outil essentiel pour éliminer l’extrême pauvreté en investissant dans le capital humain des populations mauritaniennes et en diminuant l’impact humain et économique des crises et catastrophes. C’est un investissement productif rentable pour les générations futures.




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Source : Banque Mondiale

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