mercredi 14 février 2018

14-02-2018 13:12 - La hausse générale et continue des prix en Mauritanie ou l’Inflation, l’hyperinflation et la stagflation par Lehbib Ould Berdid


La hausse générale et continue des prix en Mauritanie ou l’Inflation, l’hyperinflation et la stagflation par Lehbib Ould Berdid
Lehbib Ould Berdid - Le miracle de certains pays d’Asie de l’est qui ont rompu avec un long passé d’inflation, montre que la croissance passe nécessairement après la stabilité économique, par une politique solide, hostile à l’inflation c’est-à-dire à la hausse générale et continue des prix qui a pour corollaire la dépréciation de la monnaie nationale suite à une augmentation excessive des moyens de paiement sans contrepartie de biens, de services ou de réserves de change. 

Cette dépréciation de la monnaie nationale continue d’amputer les revenues réelles de citoyens, augmentant terriblement le cout de la vie qui se traduit par une perte du pouvoir d’achat de la monnaie nationale et une incidence défavorable sur la qualité de vie des citoyens. C’est ça l’inflation.

Elle pénalise l’épargne donc l’investissement, fait perdre confiance aux opérateurs économiques et compromet la compétitivité d’un pays en déséquilibrant sa balance commerciale. C’est suite au renchérissement des importations par rapport aux exportations que le déficit du commerce extérieur s’aggrave et se creuse encore d’avantage. L’Etat se finance ainsi par une monnaie dévalorisée.

La grogne gronde au marché contre « ce poison » ou plutôt cette terrible maladie qui fait grimper inexorablement les prix. Pour beaucoup, c’est le mal du siècle. Quand l’Etat n’arrive pas à financer ses dépenses par des ressources classiques ou des prélèvements explicites, elle recourt abusivement à la création monétaire inflationniste, préjudiciable au développement et au bien-être des populations.

Cette création monétaire excessive n’est rien d’autre qu’un prélèvement illicite d’impôts et de taxes occultes qui seront intégrés aux prix, aggravant encore d’avantage la spirale inflationniste.

Or, le front de l’inflation est conditionné par un préalable absolu que je tiens d’emblée à souligner dès le début, dans l’introduction, car appliquer de bonnes politiques n’est pas chose facile.

Ce préalable c’est l’attachement à la rigueur monétaire : le stock de monnaie doit être entièrement gagé par les réserves en devises. C’est la solution contre l’inflation. Mais il y a une condition à cette solution, c’est le choix d’un Gouverneur indépendant, partisan d’une politique prudente plus hostile à l’inflation. 

Encore faut-il préciser que la rigueur monétaire et l'Indépendance de la Banque Centrale ne se décide pas seulement par décret. Il faut aussi instaurer des mécanismes qui feront contrepoids aux décisions arbitraires des services de l’Etat. 

Vous me direz que l’inflation existe partout. Oui, mais, dans les pays industrialisés, non seulement, ils arrivent à la contenir mais aussi, leurs politiques des hauts salaires et d’importants revenus compensent largement l’inflation.

Même dans la zone CFA, la plupart des pays francophones arrivent à la maitriser grâce à la rigueur monétaire que leur imposent leurs 2 banques centrales supranationales donc indépendantes. Les avances à un pays membre sont limitées à 20% des recettes fiscales qu’il a perçues l’année précédente.

Cela empêche le pays de recourir à des prélèvements inflationnistes. Ces pays ont ainsi un taux d’inflation inférieur à celui des pays environnants.

Ces critères de rigueur monétaire doivent être considérés comme une condition sine-qua-non de lutte contre l’inflation, pour autant que l’on souhaite renouer avec la croissance et le développement. 

De fait l’inflation, suite à l’augmentation des instruments de paiement autrement dit les billets de banque et les dépôts qui peuvent être transformés en liquidité, n’a cessé de s’accentuer chez-nous depuis la fin des années 80. D’abord modérée, dite rampante, l’inflation s’est accélérée par la suite pour prendre une forme plus poussée dite galopante à plus d’un chiffre (+ de 10). 

Sous réserve de toutes les précautions qu’il convient de prendre lorsqu’on essaye, de quantifier des grandeurs réelles à partir d’un échantillon, pour comparer globalement les prix de 1988 et de 2018 par exemple, il faut les multiplier par 4 en moyenne. Durant cette période, par exemple, le prix de la monnaie nationale par rapport au dollar est passé de 77,5 MRO en 1988 à 356,3 MRO en 2018.

Soit une augmentation plus de 4 fois, alors que les revenus (sur la base de l’évolution des salaires) n’ont augmenté en moyenne que du double. La hausse des prix, des biens et services a été 2 fois plus importantes en moyenne que celle des salaires et des revenus durant les 30 dernières années.

Le pays n’arrive pas à rompre avec cette longue tradition inflationniste, par ses excès, encore une fois, de monnaie en circulation du fait de l’augmentation de la masse monétaire qui est beaucoup plus importante que la production.

Le pouvoir d’achat sur les autres monnaies continue donc de diminuer du fait de la dépréciation externe de la monnaie nationale. En une année seulement, de janvier 2017 à janvier 2018 l’ € est passé de 381,74 A.UM à 426,30 A.UM, soit une hausse de 44,56 A.UM. Une seule importation de 1 million d’€ de sucre par exemple, coûterait encore plus chère de 44,56 millions d’ancien UM.

Une véritable ponction sur les revenus réels qui sera répercutée sur les prix avec ses effets fâcheux pour le pauvre consommateur. Et c’est n’est pas fini. Il faut aussi ajouter pour avoir le prix de revient les impôts et taxes classiques ainsi que les impôts et taxes illicites. Ce sont, ces derniers éléments qui constituent le prélèvement inflationniste.
Un couple diabolique

Ces dernières années dans nombre de pays en développement un couple maléfique avec d’importantes retombées négatives sur l’ensemble de la société, s’est formé entre l’inflation accélérée devenue hyperinflation par sa forme poussée et le chômage endémique qui porte en lui-même, le germe de la récession.

Les membres de ce couple diabolique se rendent mutuellement service c’est-à-dire que l’un aggrave l’autre et réciproquement. Pour décrire cette nouvelle et étrange situation de crise entre la stagnation économique, l’inflation et le chômage, il a fallut inventer un nouveau terme : la stagflation.

L’inflation cachée

C’est un sort curieux que celui de l’inflation. Le nom qu’on lui donne et le traitement qu’on lui réserve changent suivant la situation que l’on considère. Quant l’Etat n’a pas envie de réduire ses dépenses et que les recettes sont insuffisantes elle se dénomme: «planche à billets ».

C’est la première création monétaire sans contrepartie. Sur simple instruction, la BCM qui est supposée être indépendante procède à une nouvelle injection de monnaie, augmentant ainsi l’offre en circulation, génératrice de l’inflation. Elle porte aussi le nom de la hausse par les coûts.

Lorsque par exemple, la hausse du prix du pétrole fait augmenter celui du transport ou si encore les entrepreneurs en augmentant les salaires les intègrent ensuite dans les prix.

Quant il s’agit du renchérissement des produits importés consécutif à la baisse de la valeur de la monnaie nationale, on parle de distorsions de taux de change ou même de transmission de l’inflation importée. S’agissant encore d’une dépréciation externe de la monnaie par rapport aux devises, ils appellent çà glissement monétaire. Alors qu’il s’agit ni plus ni moins d’une dévaluation.

Si le pays ne peut compter sur ses ressources traditionnelles, il se tourne vers la taxation implicite qui ne peut qu’entrainer la hausse des prix. Dans ce cas l’inflation porte le nom d’augmentation de la TVA par exemple. 

C’est n’est que lorsqu’elle s’est propagée et qu’elle est devenue flagrante que les autorités lui font porter son vrai nom d’inflation. Elle ne change pourtant pas de nature en changeant de nom.

Un simulacre de SENAT

Alors que les prix grimpent chaque mois, le 1er « de » nos ministres avait annoncé dans sa déclaration de politique générale devant la Parlement, que l’inflation s’est établie à 1,5% au cours de la période 2014-2017.

Et quant après, les applaudissements fusèrent de tous côtés de l’hémicycle, une ancienne histoire plaisante, de Cléopâtre, la Reine de l’Egypte pharaonique, m’est venue à l’esprit. Mais je préviens tout de suite. Je ne fais pas de comparaison. 

C’est juste avec l’intention de plaisanter. Cette mise au point faite, revenons à notre histoire. Cléopâtre avait aménagé un simulacre de Sénat. Ensuite, elle habilla avec des robes de Sénateurs romains des singes, qu’elle avait auparavant dressés pour se distraire et passer le temps.

Quand elle reçu Jules César l’empereur romain, en visite dans l’ancienne Egypte, elle lui fut visiter, un jour la ‘’chambre haute’’ de ‘’ses élus’’ bien particuliers. A l’arrivée du couple impérial : César et Cléopâtre, les singes dans leur bel accoutrement prirent les places qui leurs étaient réservées.

Juste après, l’un d’eux, apparemment le plus vieux avec de gros sourcilles monta sur la tribune. Il fronça alors les sourcilles, tenant entre les mains un semblant de parchemin et le bras tendu, il semblait vouloir s’élever vers son auditoire, comme pour lire son discours.

A ce moment, tous les singes se levèrent et leurs applaudissements fusèrent de toutes parts. Ensuite, ils défilèrent chacun à son tour, comme pour prendre la parole en poussant des cris et faisant des gestes, semblant vouloir faire des propositions. César, s’était mis à rire, et encore rire, à gorge déployée. 

Une proposition de calcul de l’inflation

L’actuel calcul tel qu’il est officiellement pratiqué, ne reflète pas l’inflation. La pondération des prix et la composition du panier de consommation de la ménagère sont plus que sujette à caution. L’indice national des prix à la consommation, tel qu’il est utilisé maintenant chez-nous est loin de refléter la réalité.

Les responsables au plus haut niveau se contredisent d’ailleurs, de la bouche la plus autorisée du Ministère des Finances l’inflation est de 3%. Le double de ce qu’avait annoncé son patron devant le Parlement.

Ce qui représente une différence énorme en valeur absolue. Mais comme, cela a été dit, au préalable. Le stock de monnaie doit être absolument et entièrement gagé par des réserves en devises. Sinon, c’est l’inflation.

Vous me direz que notre calcul de l’inflation est pratiqué partout. Non, certains pays émergeant en Amérique Latine comme l’Argentine calculent autrement le taux d’inflation. Ensuite, les pays industrialisés ont des moyens de contrôle des prix et des données plus fiables que les nôtres.

En Mauritanie par exemple, la masse monétaire en 2016, s’était établie à 448,8 milliards de MRO, sans compter les dépôts à terme, (source BCM). Je n’ai considéré que M1 pour ceux qui connaissent les agrégats monétaires.

Quant aux réserves en devises, durant la même période, elles s’étaient chiffrées à 366,7 milliards de MRO (y compris les souscriptions du FMI et du FMA). La différence 82,1 milliards de MRO représente la partie non couverte par l’or ou les réserves en devises.

C’est çà le financement inflationniste. Le taux d’inflation est de 18,3% soit 82,1 milliards MRO sur 448,8 milliards MRO de la masse monétaire. On est en plein dans la spirale hyper-inflationniste. Du point de vue de la rigueur monétaire, cela peut devenir dangereusement déstabilisateur. 18,3% représente le vrai taux d’inflation, suite à l’excèdent de monnaie en circulation, non gagée par les réserves de change. 

Mais dire que le taux d’inflation en 2016 s’était établie à 1,5 ou 3% , même à parier sur qui raconterait la chose la plus invraisemblable, on ne trouverait pas mieux. Avant de terminer, je voudrai dire un mot sur la démonétisation puisqu’elle est d’actualité. D’abord c’est un peu tôt pour tirer des conclusions, c’est depuis seulement 2 mois. Ensuite, l’opération elle-même ne comporte pas d’enjeu, en tout cas majeur.

Mais le véritable problème consiste à restaurer la confiance dans notre nouvelle monnaie nationale et ne pas décevoir une fois de plus. En tout cas, sur le plan externe par rapport au $ et à l’€ la situation de notre N.UM reste mitigée. C’est surtout du côté des marchés que retentissent les cris d’alarme. Les prix grimpent chaque mois, voir chaque semaine. Que Dieu nous préserve de toute instabilité y compris économique.

Lehbib Ould Berdid
Professeur chercheur et analyste stratégiste 



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