dimanche 5 janvier 2014

Téléthon des mourabitounes ou le snobisme érigé en élan patriotique

05-01-2014 09:39 -

Téléthon des mourabitounes ou le snobisme érigé en élan patriotique Etymologiquement et dans son contenu usuel, le vocable téléthon est le résultat de la contraction de deux mots très courants : télévision et marathon. C’est ce qu’on appelle, dans le registre des nouveautés de la langue de Molière, ’’ un mot valise’’.

Le téléthon, qui est un programme télévisuel de collecte de fonds, a cependant de particulier qu’il est limité dans le temps. Le plus long téléthon de l’histoire, excepté celui consacré à la mémoire de la gloire des mourabitounes, qui s’est étiré sur trois longues journées, a duré 30 heures pour recueillir des fonds en faveur d’œuvres caritatives.

La charité étant donc indissociable du téléthon, nos âmes "charitables" auraient du savoir que, contrairement à la manière dont on l’a organisé à Nouakchott dont l’élite a versé dans le snobisme en reproduisant un mimétisme social d’un autre âge, le téléthon est un concept apparu pour la première fois aux Etats Unis dans les années 50 pour venir en aide aux malades atteints de poliomyélite.

A ce titre et par respect de la seule symbolique humaine qui échappe à la loi du marché et aux surenchères politiques, notre téléthon n’aurait pas du déroger à la règle même si, nous le savons tous, les hécatombes du mouroir de Nouakchott n’ont jamais ému un donateur, fut-il un donateur de leçons comme il en existe des centaines de milliers chez nous.

Le désintérêt et l’abnégation qui caractérisent le téléthon en font, de manière spécifique ou même exclusive, une œuvre dont l’organisation est traditionnellement laissée aux artistes "comédiens, musiciens, chanteurs", aux personnalités indépendantes ou aux Fondations, mais jamais aux chefs d’Etats ou aux hommes politiques.

Mieux encore, pour éviter la politisation des téléthons ou leur récupération à des fins politiciennes ou électoralistes, les dons qui s’y font sont toujours anonymes puisque recueillis via un standard téléphonique géré par des mécènes bénévoles et un compteur sur le plateau qui affiche en temps réel le montant recueilli. En Europe les bénévole du téléthon appartiennent souvent au Lions Club.

Jamais l’identité d’un donateur, sa profession, sa situation sociale ou géographique n’ont été rendues publiques. On y met un tel point d’honneur chez les contributeurs et chez les organisateurs, que s’y soustraire relève du sacrilège dans son contenu moral et de gouvernance.

De ce point de vue le téléthon show de Nouakchott au profit de l’équipe nationale de football, est non seulement archaïque de par la durée "on ne demande pas à un marathonien de courir pendant trois jours ni de faire plus des 42 Km du mythe" mais aussi et surtout, en contradiction avec l’éthique en la matière qui veut que les dons soient anonymes et profitent à des œuvres caritatives.

S’ajoute à cette dimension qu’un téléthon, au profit d’une équipe sportive, c’est du jamais vu, mais l’inverse est courant. C'est-à-dire que les différentes disciplines sportives organisent des activités et compétitions pour venir en aide aux téléthons qui sont devenus des institutions dans beaucoup de pays.

Avouons cependant que demander aux mourabitounes de générer, par leurs talents, des fonds au profit des victimes du SIDA ou à celui des déplacés de Rosso, serait comme si on leur demandait d’être en tête des équipes sélectionnées pour la prochaine coupe du monde au Brésil ou, pour être plus modeste en terme d’ambitions, à la coupe d’Amilcar Cabral.

La Mauritanie, où le téléthon semble susciter des penchants humanistes et de solidarité inhabituels chez des hommes d’affaires et des fonctionnaires, qui n’ont rien des disciples d’Érasme de Rotterdam, doit profiter de l’occasion et s’inspirer de l’histoire de ce concept pour résoudre certains de ses problèmes qui ont résisté aux idées de nos plus éminents génies ; le Premier ministre, Yahya Ould Hademine, Mohamed Ould Bilal, Thiam Diombar, Sid’Ahmed Ould Raiss, Hamdi Ould Mahjoub et Mohamed Abdallahi Ould Khattra, pour ne citer que les plus illustres d’entre eux.

A titre d’exemples, elle gagnera à savoir qu’en France le téléthon a été organisé pour la première fois en 1987 par l’AFM "Association Française contre la Myopathie", pour financer des recherches sur les maladies génétiques neuromusculaires. Tandis qu’en Italie, le téléthon qui existe depuis 1990, récolte annuellement des fonds qui servent à combattre la dystrophie musculaire.

Dans ces deux pays, le téléthon est à vocation pédagogique en ce sens qu’il permet à ceux qui veulent utiliser cette méthode de solidarité pour financer des objectifs nobles, de s’enraciner dans la philosophie humaniste qui combine la sauvegarde de la dignité de ceux qui en bénéficient et l’obtention de résultats rapides et concrets dans les combats permanents livrés à la maladie, la faim et à l’indigence.

Rappelons, à cet effet, que le téléthon le plus ancien a été organisé aux Etats Unis contre l’infirmité motrice cérébrale. Diffusé par WBAY-TV, il a débuté le premier week-end du mois de mars 1954, par 22 heures d’émissions consécutives. Puis il y’a eu le WHAS Crusade for Children "Croisade pour les enfants" diffusé l’année suivante pendant 20 heures par la chaine de télévision WHAS-TV.

On est certes loin des trois jours du téléthon des mourabitounes, qui ouvre grandes les pages du livre Guinness des records à notre pays, mais c’est déjà ca de gagné. Encore que les objectifs visés et les mobiles de l’engouement ne sont pas les mêmes, alors pour les écarts, soyons tolérants comme d’ailleurs pour tout le reste.

En 1966 l’humoriste américain Jerry Lewis crée un téléthon sous le nom de "Jerry Lewis MDA téléthon" en vue de rassembler des fonds en faveur de la dystrophie musculaire. En Saskatchewan au Canada la Fondation Kin Canada réalise chaque année un téléthon de 20 heures connu sous le nom hautement évocateur de "télé miracle". Au Chili le téléthon réuni des fonds afin d’aider les enfants handicapés souffrants d’infirmité motrice cérébrale.

Dans le reste du monde, m’enfin… du monde, sauf la Mauritanie bien sûr, le téléthon est organisé pour des opérations qui vont de l’achat de médicaments pour des hôpitaux publics, jusqu’à la construction de cliniques de consultations externes en passant par des programmes d’aide alimentaire.

Dans cet ordre d’idées, le Commissariat aux Droits de l’homme, la CNDH, l’Agence Tadamoun, le Croissant rouge, la Fondation Bouamatou et les artistes, toutes disciplines confondues, savent désormais ce qui leur reste à faire. Organiser des téléthons pour des objectifs compatibles avec l’action caritative, loin du m’as-tu-vu des fonctionnaires et des actions qui se justifient par des sentiments souverains comme celui de voir le drapeau mauritanien flotter dans un stade Sud africain.

Ces institutions peuvent déjà commencer par organiser des téléthons sectoriels au profit des malades atteints de certaines pathologies, des handicapés, des enfants en conflit avec la loi, des familles des prisonniers etc.

Par ailleurs, financer une équipe de football, est une fonction régalienne de l’Etat, mais au-delà et comme pour le gouvernement de Ould Mohamed Laghdaf, on ne change pas une équipe qui perd, on la soutien à bout de bras pour faire de ses défaites répétées, autant de raisons d’être nationalement fier de ses prestations.

Eh…! Oui…! Des téléthons on en a besoin, puisqu’il y’a quelques semaines le Centre National d’Oncologie était en rupture de stock de médicaments et les sinistrés des inondations de Nouakchott sont toujours entassés dans des abris de fortune à la merci du froid, de la faim et de l’obscurité avec son lot de crimes et de désolations.

En attendant et pour finir mon marathon, il est peut-être utile de souligner les trois dons qui ont le plus marqué ce téléthon show de la FFRIM.

- Le premier est celui de l’ADG de la SNIM, Mohamed Abdallahi Ould Ouda’a qui a mis sur la table un chèque de 50 Millions d’ouguiya dont il aurait été plus convenable d’en préciser la provenance.

- Le deuxième est celui de Hamoud Ould M’Hamed qui est resté dans les limites de ce qui lui appartient personnellement. Le président de la HAPA, fidèle à sa réputation d’austérité, a en effet promis de contribuer par l’intégralité de son salaire du mois de décembre 2013.

- Le troisième est celui du Webmaster de Cridem, Claude K, dont on m’a dit qu’il a fait dans la discrétion en déclinant, poliment mais fermement, l’invitation de passer devant la caméra pour donner une contribution qui, soit dit en passant, est en son nom personnel et non en celui de son célèbre site électronique.

M.S.Beheite





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Source : Mohamed Saleck

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