Dans un précédent article, nous écrivions contre vents et marées que Biram avait commis un acte auquel il devait répondre dans le cadre strict du droit. Cette position nous a valus quelques tirs nourris de la part d’une poignée de tireurs embusqués, pour des raisons qu’eux-mêmes ignorent.
Les mêmes qui sont prêts à troquer leurs fusils d’épaule contre le Tidinit, hodu ougambere (luth traditionnel) quand ces propos sont ténus par ceux pour qui ils roulent. Nous avons d’ailleurs appris avec stupéfaction que dans certains milieux on nous accuse d’avoir appelé à la mort de Biram. Quels esprits maléfiques !
Aujourd’hui, nous réitérons avec la même force de conviction, et cela compte tenu de l’évolution du dossier, que Biram doit répondre de son acte au regard des textes en vigueur, sans extrapolation, sans politisation, sans ethnicisation et rien que ça.
En effet, contrairement à l’analyse que nous avions faite de la situation pour retenir dans la foulée des mots et des qualification l’infraction « fourre-tout » d’attentat aux mœurs comme la seule possible, le parquet semble emprunter une autre voie dans le but de taper d’un grand coup. Pour ce faire, Biram et certains de ses compagnons furent inculpés pour «atteinte à la sécurité de l’Etat et de création d'une organisation non autorisée ».
Cette attitude laisse un arrière-gout de déjà vu des pratiques d’une époque qu’on croyait désormais révolue, qui consistait à décapiter toute organisation qui constituait une menace pour le pouvoir en place. Il s’agit en quelque sorte la vieille recette-maison. C’est ainsi que tour à tour certains leaders des partis de l’opposition ont eu droit à des « congés forcés », et vu leurs partis réduits en miettes :
- Messaoud ould Boulkheir a connu quelques séjours en prison avant d’assister impuissamment à la dissolution de son parti Action pour le Changement (AC), pour « discours raciste et antidémocratique »
-Ahmed Ould Daddah a assisté à l’éclatement du puissant UFD/ère Nouvelle, après un « gracieux » séjour en prison.
-Qui se rappelle de Chbih Ould Cheikh Melainine, le président du Front populaire Mauritanien, arrêté à l’époque et emprisonné pour « atteinte à la sécurité de l’Etat et association de malfaiteurs » ? Il s’agit là de quelques exemples parmi tant d’autres.
Mais ça, c’était avant oserions-nous penser, un temps que « les moins de vingt ans ne peuvent pas connaitre » chanterait Charles Aznavour ; lorsque la démocratie était encore à ses balbutiements en Mauritanie. Un temps qu’on espère dépasser après Vingt ans d’expérience et de péripéties démocratiques.
C’est quoi en réalité cette expression magique – atteinte à la sécurité ou à la sûreté de l’Etat – qui a le pouvoir de calmer toute effervescence et qu’on n’hésite pas à sortir des tiroirs à chaque fois qu’on veut réduire une personne au silence ? Dans un sens global il s’agit d’un moyen de mettre hors d’état de nuire les ennemis de l’Etat. Malheureusement, on a très souvent confondu la notion d’Etat à celle de régime et la notion d’ennemis de l’Etat à celle d’opposants au régime.
Dans un sens purement juridique, l’atteinte à la sécurité et/ou à la sûreté de l’Etat correspond à un ensemble de dispositions éparses dans la législation pénale. Elle regroupe, en résumé, tous les agissements, avec ou sans connivence de personnes ou puissances étrangères, qui mettent en danger la sécurité et la défense nationale (à travers les forces de sécurité les symboles de la défense ou de souveraineté nationales, ou encore des informations stratégiques livrées a l’ennemi), l’intégrité du territoire, l’indépendance, l’unité et la cohésion nationales.
Pour revenir au cas de Biram, chacun peut aisément faire la déduction, à la lumière des éléments qui précèdent. Il parait évident qu’aucun des éléments précités ne rentre dans les faits constitutifs de son acte. D’ailleurs, il n’est pas, à proprement parler, condamné, à moins que le ministère public ne soit à la fois juge et parti et que le tribunal se transforme en chambre d’application de la volonté du pouvoir. Il s’agit d’une requête qui doit être appréciée librement par les juges, au regard des faits commis et des textes en vigueur.
Malgré la nécessité d’une libération de Biram, en faveur de laquelle beaucoup de voix s’élèvent, celle-ci ne doit pas prendre la forme d’un cadeau (empoisonné) qui risquerait d’anéantir tous les risques pris et tous les efforts entrepris par ce dernier. Une telle libération apaiserait certes une certaine tension, mais ne produira probablement pas le résultat escompté, à savoir un débat de fond sur le duo Islam/esclavage ou plus particulièrement Malékisme/esclavage.
Le chemin de la vérité et de la justice est plein d’embuches et nécessite souvent d’énormes sacrifices ; Biram en est conscient. C’est ce qui ressort de sa réponse à la question d’un journaliste sur les liens possible entre son récent voyage et son acte d’incinération des livres du rite malékite : « Non. Moi quand je fais un acte que me dictent ma conscience et mes principes qui sont basés sur la recherche de la dignité pour l’être humain, la recherche de la vérité, de la justice, je ne pense pas aux conséquences, je ne prête pas attention aux interprétations. Je m’en réfère à ma conscience.» (Voir LA Tribune N° 593 du 30 avril 2012, page 4, propos recueillis par Kissima).
N’est- il pas souhaitable que Biram ait l’occasion de se défendre le pus rapidement possible, dans le cadre d’un procès qu’on espère libre et équitable, lequel lui servirait de tribune pour mettre chacun face à ses responsabilités, et permettrait aux juges de ressortir réellement ce qu’en disent les textes. Une telle position semble aberrante et peut attirer toutes les foudres du monde. Cependant une chose est certaine ; Biram en sortira grandi et son combat y prendra des ailes. Tant que la question de l’esclavage n’est pas tranchée pour de bon toutes les actions entreprises seraient vaines.
En tout état de cause, les risques sont très limités, car à part les indignations suscitées par cet acte, rappelons-le sans volteface, inopportun qui a heurté la sensibilité de bon nombre de mauritaniens, dans l’émotion, l’incompréhension et la confusion, il n’y a pas eu d’atteinte ni à l’unité nationale, ni à la cohésion (s’il en existait bien sûr), encore moins à la sécurité ou à la défense nationale. Le jeu n’en vaut-il pas la chandelle ?
Quant-au second chef d’accusation, à savoir la création d’une organisation non reconnue, la question est de savoir pourquoi ? Est-ce faute d’avoir demandé la reconnaissance ? Dans tous les cas, le peuple veut la vérité, et celle-ci ne peut triompher tant qu’on étouffe toutes les affaires par des compromis et autres arrangements politico-judiciaires qui ne feront qu’entretenir les tensions en latence sans les éliminer. Il est enfin grand temps que les juridictions jouent pleinement leur rôle. Pour rappel la justice est rendue, en Mauritanie, au nom d’Allah.
Souleimane Coulibaly
Les mêmes qui sont prêts à troquer leurs fusils d’épaule contre le Tidinit, hodu ougambere (luth traditionnel) quand ces propos sont ténus par ceux pour qui ils roulent. Nous avons d’ailleurs appris avec stupéfaction que dans certains milieux on nous accuse d’avoir appelé à la mort de Biram. Quels esprits maléfiques !
Aujourd’hui, nous réitérons avec la même force de conviction, et cela compte tenu de l’évolution du dossier, que Biram doit répondre de son acte au regard des textes en vigueur, sans extrapolation, sans politisation, sans ethnicisation et rien que ça.
En effet, contrairement à l’analyse que nous avions faite de la situation pour retenir dans la foulée des mots et des qualification l’infraction « fourre-tout » d’attentat aux mœurs comme la seule possible, le parquet semble emprunter une autre voie dans le but de taper d’un grand coup. Pour ce faire, Biram et certains de ses compagnons furent inculpés pour «atteinte à la sécurité de l’Etat et de création d'une organisation non autorisée ».
Cette attitude laisse un arrière-gout de déjà vu des pratiques d’une époque qu’on croyait désormais révolue, qui consistait à décapiter toute organisation qui constituait une menace pour le pouvoir en place. Il s’agit en quelque sorte la vieille recette-maison. C’est ainsi que tour à tour certains leaders des partis de l’opposition ont eu droit à des « congés forcés », et vu leurs partis réduits en miettes :
- Messaoud ould Boulkheir a connu quelques séjours en prison avant d’assister impuissamment à la dissolution de son parti Action pour le Changement (AC), pour « discours raciste et antidémocratique »
-Ahmed Ould Daddah a assisté à l’éclatement du puissant UFD/ère Nouvelle, après un « gracieux » séjour en prison.
-Qui se rappelle de Chbih Ould Cheikh Melainine, le président du Front populaire Mauritanien, arrêté à l’époque et emprisonné pour « atteinte à la sécurité de l’Etat et association de malfaiteurs » ? Il s’agit là de quelques exemples parmi tant d’autres.
Mais ça, c’était avant oserions-nous penser, un temps que « les moins de vingt ans ne peuvent pas connaitre » chanterait Charles Aznavour ; lorsque la démocratie était encore à ses balbutiements en Mauritanie. Un temps qu’on espère dépasser après Vingt ans d’expérience et de péripéties démocratiques.
C’est quoi en réalité cette expression magique – atteinte à la sécurité ou à la sûreté de l’Etat – qui a le pouvoir de calmer toute effervescence et qu’on n’hésite pas à sortir des tiroirs à chaque fois qu’on veut réduire une personne au silence ? Dans un sens global il s’agit d’un moyen de mettre hors d’état de nuire les ennemis de l’Etat. Malheureusement, on a très souvent confondu la notion d’Etat à celle de régime et la notion d’ennemis de l’Etat à celle d’opposants au régime.
Dans un sens purement juridique, l’atteinte à la sécurité et/ou à la sûreté de l’Etat correspond à un ensemble de dispositions éparses dans la législation pénale. Elle regroupe, en résumé, tous les agissements, avec ou sans connivence de personnes ou puissances étrangères, qui mettent en danger la sécurité et la défense nationale (à travers les forces de sécurité les symboles de la défense ou de souveraineté nationales, ou encore des informations stratégiques livrées a l’ennemi), l’intégrité du territoire, l’indépendance, l’unité et la cohésion nationales.
Pour revenir au cas de Biram, chacun peut aisément faire la déduction, à la lumière des éléments qui précèdent. Il parait évident qu’aucun des éléments précités ne rentre dans les faits constitutifs de son acte. D’ailleurs, il n’est pas, à proprement parler, condamné, à moins que le ministère public ne soit à la fois juge et parti et que le tribunal se transforme en chambre d’application de la volonté du pouvoir. Il s’agit d’une requête qui doit être appréciée librement par les juges, au regard des faits commis et des textes en vigueur.
Malgré la nécessité d’une libération de Biram, en faveur de laquelle beaucoup de voix s’élèvent, celle-ci ne doit pas prendre la forme d’un cadeau (empoisonné) qui risquerait d’anéantir tous les risques pris et tous les efforts entrepris par ce dernier. Une telle libération apaiserait certes une certaine tension, mais ne produira probablement pas le résultat escompté, à savoir un débat de fond sur le duo Islam/esclavage ou plus particulièrement Malékisme/esclavage.
Le chemin de la vérité et de la justice est plein d’embuches et nécessite souvent d’énormes sacrifices ; Biram en est conscient. C’est ce qui ressort de sa réponse à la question d’un journaliste sur les liens possible entre son récent voyage et son acte d’incinération des livres du rite malékite : « Non. Moi quand je fais un acte que me dictent ma conscience et mes principes qui sont basés sur la recherche de la dignité pour l’être humain, la recherche de la vérité, de la justice, je ne pense pas aux conséquences, je ne prête pas attention aux interprétations. Je m’en réfère à ma conscience.» (Voir LA Tribune N° 593 du 30 avril 2012, page 4, propos recueillis par Kissima).
N’est- il pas souhaitable que Biram ait l’occasion de se défendre le pus rapidement possible, dans le cadre d’un procès qu’on espère libre et équitable, lequel lui servirait de tribune pour mettre chacun face à ses responsabilités, et permettrait aux juges de ressortir réellement ce qu’en disent les textes. Une telle position semble aberrante et peut attirer toutes les foudres du monde. Cependant une chose est certaine ; Biram en sortira grandi et son combat y prendra des ailes. Tant que la question de l’esclavage n’est pas tranchée pour de bon toutes les actions entreprises seraient vaines.
En tout état de cause, les risques sont très limités, car à part les indignations suscitées par cet acte, rappelons-le sans volteface, inopportun qui a heurté la sensibilité de bon nombre de mauritaniens, dans l’émotion, l’incompréhension et la confusion, il n’y a pas eu d’atteinte ni à l’unité nationale, ni à la cohésion (s’il en existait bien sûr), encore moins à la sécurité ou à la défense nationale. Le jeu n’en vaut-il pas la chandelle ?
Quant-au second chef d’accusation, à savoir la création d’une organisation non reconnue, la question est de savoir pourquoi ? Est-ce faute d’avoir demandé la reconnaissance ? Dans tous les cas, le peuple veut la vérité, et celle-ci ne peut triompher tant qu’on étouffe toutes les affaires par des compromis et autres arrangements politico-judiciaires qui ne feront qu’entretenir les tensions en latence sans les éliminer. Il est enfin grand temps que les juridictions jouent pleinement leur rôle. Pour rappel la justice est rendue, en Mauritanie, au nom d’Allah.
Souleimane Coulibaly
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