samedi 9 juin 2012

Biram, lubie, folie ou messie ?


L’affaire Biram défraie la chronique depuis un certain temps et il ne se passe pas un jour sans que des voix s’élèvent qui, pour dénoncer son acte ignominieux, qui pour a contratrio lui vouer une certaine compréhension. De quoi s’agit-il au fond ?

D’un acte délibérément provocateur pour attirer l’attention sur la lancinante problématique de l’esclavage? D’une réelle volonté de heurter la sensibilité de millions de mauritaniens, voire de plusieurs centaines de millions de musulmans ? La réponse à ces questions divise, mais quoi qu’il en soit, il faut savoir raison garder.

Quelle que soit la position que l’on défend, il est important d’avoir une hauteur de vue par rapport à l’acte de Biram. La passion a souvent été la mère de tous les maux de notre planète et la frontière qui la sépare de l’extrémisme est ténue.

Dés lors, une certaine distance est nécessaire pour faire évoluer le débat dans l’intérêt de tous. Pour ma part, et pour tenter de répondre aux réponses posées plus haut, je dirai que l’acte de Biram vaut ce qu’il vaut, autrement dit comme tout acte qui soulève des indignations (justifiées ou non), il est manqué. Mais seulement dans la forme. Qu’entends-je par là ? Puisque dans toute analyse discursive, la logique voudrait que l’on aille au-delà de la pure symbolique et que l’on fasse plutôt des « décortications intellectuelles » en fonction du triptyque forme-fonds-contexte.

Dans cette optique, nous sommes tous d’accord que Biram a été un chouia trop loin en incinérant, à tort ou à raison (chacun se fera sa propre opinion) des écrits vénérés par des millions de musulmans à travers le monde. J’étais vendredi dernier à la Mosquée de Lausanne et j’ai pu constater que, effectivement, le geste de Biram a choqué. Voilà pour la forme.

Pour ce qui est du fond, il est incontestable que Biram soulève, à travers son geste, un problème que l’on aurait tort de banaliser. La loi Taubira est limpide à ce sujet dans le sens où depuis son adoption le 21 mai 2001, l’esclavage est aujourd’hui reconnu comme un crime contre l’humanité.

Chez nous, il est officiellement aboli depuis 1981 et une loi l’érigeant en crime a même été votée par nos parlementaires en août 2007. Donc le combat de Biram, et plus largement de toutes les organisations de défense des droits de l’homme, me semble juste, dans le fond. Quand au contexte, le geste de Biram intervient dans une Mauritanie qui sort de plusieurs années de tensions de toutes sortes, et qui traverse aujourd’hui une crise économique accrue, doublée de mouvements de contestations à la fois universitaires, associatives et politiques, en plus d’une insécurité galopante à nos frontières Nord et une instabilité politique chez au moins un de nos voisins immédiats.

Ce contexte favorise les revendications partout où l’on retrouve tous ces ingrédients réunis et la Mauritanie ne fait pas exception à cette règle. En occident, ces ingrédients ont poussé des groupes extrémistes à s’en prendre à des étrangers, à considérer le musulman en particulier comme le responsable de tous leurs malheurs. Le contexte s’y prête, même s’il ne le justifie pas. A la fin de la fin et pour revenir chez nous, que doit-on rechercher ? Qu’est ce qui importe le plus ? La paix sociale ou l’exacerbation des rancoeurs ?

La sortie de KHB à « Hiwar » apporte la réponse à ces questions. La seule chose qui importe aujourd’hui est la pacification de notre pays à travers des propositions concrètes de sortie de crise. Le MPR, dont un des slogans de campagne était le Parti de l’intégration Nationale, réitère sa position de régler les problèmes de notre pays à travers le dialogue afin de maintenir« l’unité nationale », pour reprendre l’expression employée par KHB lors de cette émission télévisée.

Cet objectif ne peut être atteint sans la libération de Biram, quitte à froisser la sensibilité de quelques-uns de nos compatriotes. Mais cette éventuelle libération décrisperait, à mon avis, la situation. Elle s’impose d’autant plus que Biram a présenté ses excuses à tous ceux qu’il aurait offensés. D’ailleurs ne dit-on pas que faute avouée est à moitié pardonnée ? N’oublions pas, après tout, que nous sommes tous musulmans et que le saint Coran nous enseigne le pardon. Dont acte.

Cordialement,

Cheikh Tidiane DiouwaraDélégué général du MPR (Europe-Amérique)
Responsable de projets du développement durable
Président du Forum des étrangers de Lausanne, www.forumetrangers.ch
Membre du comité de la Licra suisse, www.licra.ch





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