L’identité haratine
Le mot
Haratine, en Hassania (dialecte arabo-berbère), signifie affranchis de
l’esclavage maure. Mais dans les faits, il y a très peu d’esclaves réellement
affranchis. L’affranchissement, chez les
Maures, ne se traduit pas par une rupture avec l’esclavage mais sa continuation
sous d’autres formes. C’est ainsi que, dans les faits et les représentations,
les Haratine demeurent esclaves[1].
Le mot
Haratine a pris avec le temps une connotation politique. Il a été, pour la
première fois, en 1974, utilisé par
l’organisation de libération et d’émancipation des Haratine ( EL Hor) pour
désigner les affranchis et les esclaves maures. Depuis lors, cet usage du mot s’est répandu.
La question de l’appartenance des Harratine
fait l’objet de débats en Mauritanie.
Les Haratines
sont-ils des négro-africains, berbères, arabes ou autres choses ?
Il convient de rappeler
qu’en Mauritanie, l’élément maure est un mélange de Berbères et
d’Arabes. C’est pour cette raison qu’on les désigne aussi par le terme d’Arabo-berbères.
d’Arabes. C’est pour cette raison qu’on les désigne aussi par le terme d’Arabo-berbères.
Pour asseoir leur domination politique, militaire,
les Béni Hassan (arabes) ont investi le champ culturel et interdit l’usage de
la langue berbère (zanaga). En Mauritanie, pour
ces raisons historiques, les Berbères ne luttent pas encore suffisamment
pour affirmer leur identité.
Parmi, les Maures, il y a une infime minorité
d’origine arabe. La majorité des Maures est
d’origine berbère même si l’aliénation culturelle les empêche de revendiquer leur culture. Les propos suivants expriment cette situation dans laquelle se trouvent les Berbères mauritaniens aujourd’hui :
d’origine berbère même si l’aliénation culturelle les empêche de revendiquer leur culture. Les propos suivants expriment cette situation dans laquelle se trouvent les Berbères mauritaniens aujourd’hui :
« Nous ne tenons en fait de nos appartenances
Sanhaja[2] que
ce qui prouve que nous étions autre chose que des arabes: les noms de nos
tribus et parfois nos familles-essayez seulement d´être assez superficiel pour
convaincre les gens de l´origine arabe des Lemtouna,Tendgha ou Techouncha, rien
qu´à titre d´exemple. Ces noms nous rappellent trop la défaite, et à défaut de
l´essuyer, nous la renions, et du coup nous nous renions. »[3]
I- Les Haratine sont-ils des Berbères ?
Qui
sont les Berbères ?
« Les
Berbères sont une ethnie
autochtone d'Afrique du Nord. Ils sont répartis sur près de
cinq millions de kilomètres carrés — depuis le Maroc jusqu'à l'Ouest de
l'Égypte
('Siwa) — en différents groupes de culture et de langue commune (le berbère
ou tamazight), quoique déclinée en dialectes
locaux. À l'exception des Touaregs,
la plupart des Berbères sont sédentaires. »[4]
Ces
berbères, habitants l’Afrique du Nord, sont les premiers, bien avant l’arrivée
des Arabes, à asservir les communautés noires. Dans le cadre de la traite
négrière saharienne, les Berbères ne réduisaient pas des personnes de leur
propre communauté à l’esclavage. Ils allaient chercher des noirs, loin de leur
communauté. Les Berbères se servaient d’une partie de leurs captures d’esclaves
pour leur propre usage. Un pourcentage non négligeable de Haratine est issu de
cet esclavage. L’autre partie était
destinée à l’exportation en direction du Moyen Orient et de l’Europe. Cet
esclavage berbère a laissé ses traces palpables en Afrique du Nord par la
présence de fortes communautés noires d’origine esclave. On voit donc que les
Haratine ne sont pas issus de la communauté berbère. Ils sont venus comme
esclaves au sein de cette communauté et demeurent, encore aujourd’hui, victimes
de l’esclavage et du racisme du fait de leur couleur de peau.
II- Les Haratine sont-ils des Arabes ?
Qui
sont les Arabes ?
« Une
personne peut se qualifier ou être qualifiée d'arabe selon :
le groupe
ethnique : est arabe une personne issue d'un groupe
ethnique considéré comme arabe. Cette définition dépend de l'établissement
de l'arabité de ce groupe.
La
langue : est arabe une personne dont la langue
maternelle est l'arabe (ou l'une de ses variantes).
Cette définition rassemble plus de 280 millions[réf. nécessaire]
de personnes à travers le monde.
La
généalogie : est arabe une personne affiliée à des habitants de la Péninsule
arabique. »[5]
En ce qui concerne l’appartenance
ethnique, les Haratine sont issus d’ethnies noires et africaines, donc,
ethniquement, les Haratine ne sont pas arabes
Pour ce qui est de la
langue.
1. Les Haratine sont des noirs pris comme esclaves
par les Maures. De ce fait, ces noirs ont été contraints de partager avec leurs
Maîtres une part de leur culture. Par assimilation, ils ont adopté la culture
arabo-berbère. Cela crée une affinité avec les Maures, notamment au niveau de
l’utilisation du Hassania (dialecte arabo-berbère). Ce hassania est
certes largement influencé par la langue arabe, mais il est aussi le fruit
d’autres influences : la langue berbère (zanaga) et les langues
négro-africaines : hal pulaâr, soninké, ouolof, bambara, etc.
2. Les Haratine, qui ont fui
l’esclavage arabo-berbère et qui se sont installés, en partie, au sud de la Mauritanie,
majoritairement habitée par les Négro Mauritaniens, ne parlent pas tous le hassania.
Ils s’expriment, soit en soninké, en hal pulaâr ou wolof. Par exemple, les Haratine
de Oulad Benioug à Rosso, parlent plutôt le wolof que le hassania.
3. Les Maures eux-mêmes ne sont pas convaincus
que les Haratine parlent correctement le Hassania. Comme esclaves, les Haratine
n’ont jamais eu le temps matériel pour parler un hassania soutenu. Ils
vivent entre eux, sans contact avec leurs maîtres. Ils sont ainsi réduits à
parler un hassania altéré. Il s’agit, en fait, d’un " créole
haratine. Dans leurs moments de détente, les Maures se moquent du parler des Haratine
en évoquant leur mauvaise prononciation ou articulation, oubliant les causes qui ont produit cette
situation, à savoir leur ghettoïsation et le fait que leurs maîtres leur
interdisent, d’une manière générale,
l’apprentissage de l’arabe et l’accès au savoir coranique.
l’apprentissage de l’arabe et l’accès au savoir coranique.
On peut déduire de tout cela que les
Haratine ne peuvent être considérés comme faisant partie du groupe linguistique
arabe du fait que l’arabe n’est pas leur langue maternelle et
qu’elle n’est parlée que par ceux, parmi eux ayant étudié l’arabe.
qu’elle n’est parlée que par ceux, parmi eux ayant étudié l’arabe.
Pour ce qui est de la généalogie. Comme nous l’avons déjà
dit, les Haratine sont originaires
d’Afrique noire. Ils ne sont pas affiliés aux habitants de la Péninsule arabique.
d’Afrique noire. Ils ne sont pas affiliés aux habitants de la Péninsule arabique.
Sur les trois éléments retenus par cet auteur, aucun des critères ne milite en faveur de
l’arabité Haratine.
l’arabité Haratine.
III- Les Haratine sont-ils des
Négro-mauritaniens ?
Les Haratine se distinguent des négro-mauritaniens par
différents éléments :
1.
Les Négro-mauritaniens sont un ensemble d’ethnies négro-africaines ( Wolofs, Pulaar,
Soninké et bambara). Or, les Haratine sont issus de ces ethnies mais aussi
d’autres ethnies noires qui ne se trouvent pas en Mauritanie. En effet, la
traite négrière maure a touché une bonne partie de l’Afrique.
2. les Haratine
ignorent leurs ethnies d’origine. Les Négro-mauritaniens, par contre,
connaissent leur appartenance ethnique et la revendiquent.
3.
Les Négro-mauritaniens ne sont pas esclaves des Maures et ne sont donc pas
victimes comme les Haratine d’une
acculturation. Ils parlent leur propre langue et gardent leur originalité
culturelle.
4.
Les habitudes vestimentaires pour la majorité des Haratine ( voiles et boubous
maures) même si les haratine du Sud de la Mauritanie, du Sénégal, etc. peuvent constituer
en partie une exception.
5.
Au- delà de l’Islam, les Haratine ont des références culturelles
différentes de celles des Négro-mauritaniens. L’idéologie de domination,
constituée de proverbes, de dictons,
d’adages, de poésies, de proses, de chansons, …véhicule un ensemble d’idées de supériorité du Maure qui reste ancrée dans l’esprit du Hartani. Cette sous-culture, qui exclut le Coran et les Hadith authentiques, mais inclut leurs mauvaises interprétations, est la seule consommation culturelle des Haratine.
d’adages, de poésies, de proses, de chansons, …véhicule un ensemble d’idées de supériorité du Maure qui reste ancrée dans l’esprit du Hartani. Cette sous-culture, qui exclut le Coran et les Hadith authentiques, mais inclut leurs mauvaises interprétations, est la seule consommation culturelle des Haratine.
- L’identité haratine se définit
par rapport à leur statut d’esclaves maures. Ce statut fait d’eux des biens des Maures qui en
disposent à leur guise. Les esclaves travaillent sans être payés. Ils sont
vendus, loués, échangés, légués, partagés, etc.
Même
affranchis, les anciens esclaves maures font l’objet d’une exploitation de la
part des anciens maîtres. Ils ne peuvent témoigner devant la justice régie par la Charia
(loi islamique). Ils peuvent être dépossédés de leurs biens et peuvent être ramenés au statut
d’esclave si telle est la volonté du maître.
(loi islamique). Ils peuvent être dépossédés de leurs biens et peuvent être ramenés au statut
d’esclave si telle est la volonté du maître.
- Aucune des trois communautés du pays ( arabe,
berbère, négro-mauritanienne) n’accepte
l’égalité entre elle et les Haratine . En effet, toutes les communautés mauritaniennes nourrissent un complexe de supériorité à l’adresse des Haratine. Auprès des Arabes et des Berbères, les Haratine ne peuvent faire partie de la Assabiya ( filiation d’origine). Ils ne sont intégrés qu’à titre d’esclaves, d’où le statut social et juridique qui leur est réservé.
l’égalité entre elle et les Haratine . En effet, toutes les communautés mauritaniennes nourrissent un complexe de supériorité à l’adresse des Haratine. Auprès des Arabes et des Berbères, les Haratine ne peuvent faire partie de la Assabiya ( filiation d’origine). Ils ne sont intégrés qu’à titre d’esclaves, d’où le statut social et juridique qui leur est réservé.
Auprès des
Négro-mauritaniens, leur intégration est tout aussi impossible, parce que le
système de caste crée une inégalité de fait. Les Haratine, dans les milieux
négro-mauritaniens (parlant la langue de l’ethnie considérée, portant les mêmes
noms, etc), sont moins considérés que les esclaves des Négro-mauritaniens.
Hiérarchiquement, ils viennent après les maccudo (esclaves pulaar), les Kamo
(esclaves soninké) et les Djam ( esclave wolof), lesquels occupent une place
peu enviable dans la société négro-mauritanienne.
Aucune des
trois Féodalités (arabe, berbère et négro-mauritanienne) ne souhaite la
libération et l’émancipation des Haratine.
* Les Arabes et les
Berbères y perdraient leurs sources de revenu que procurent l’esclavage et les
différentes formes d’exploitation religieuse ou traditionnelle (Zëkatt,
Saddagha, Hëdiya, tributs dus aux
guerriers hassan (Arabes), etc)
* Aussi la
survie politique ne serait pas garantie car les Arabes et les Berbères
pourraient perdre la majorité au nom de laquelle ils gouvernent la Mauritanie.
Les Arabes et
les Berbères affirment être majoritaires en Mauritanie. Or, cette majorité ne
peut être obtenue sans l’apport numérique des Haratine.
Le fait de
compter les Haratine parmi les Maures est la résultante d’une logique
esclavagiste selon laquelle l’esclave dépend de son maître.
Sur le plan
politique, cette sujétion se traduit par le vote orienté des Haratine en faveur
de leurs maîtres. La masse des Haratine est une réserve électorale au bénéfice
des maîtres
d’esclaves.
d’esclaves.
* Les Arabes
et les Berbères, avec la fin de l’esclavage, n’auront plus à leur disposition
une force de frappe contre leurs ennemis
éternels que sont les Négro-mauritaniens et les Négro-africains de la région.
Rappelons-nous des conflits ethniques de 1966, 1979, 1989 et suivants.
S’agissant des
Négro-mauritaniens, ceux-ci, perdraient dans le partage du pouvoir politique,
économique, etc. parce que la répartition ne serait plus la même. Les Haratine,
par leur nombre, pourraient gagner une part importante dans le nouveau partage.
L’autre risque
est que la Féodalité
négro-mauritanienne perde la mainmise sur les esclaves de sa propre communauté.
Une libération et une émancipation des Haratine pourraient montrer le chemin à
suivre aux esclaves des autres communautés.
Dans
la communauté négro-mauritanienne, les Haratine sont victimes de mépris et
d’exploitation. Ils sont considérés comme des êtres inférieurs. Ceux, parmi eux qui
s’établissent au sein des communautés négro-mauritaniennes rencontrent les mêmes difficultés que les esclaves négro-mauritaniens. Ils sont obligés de louer des terres auprès des Féodaux négro-mauritaniens pour leur survie. Ils payent pour cela une redevance et peuvent être exploités de différentes manières.
d’exploitation. Ils sont considérés comme des êtres inférieurs. Ceux, parmi eux qui
s’établissent au sein des communautés négro-mauritaniennes rencontrent les mêmes difficultés que les esclaves négro-mauritaniens. Ils sont obligés de louer des terres auprès des Féodaux négro-mauritaniens pour leur survie. Ils payent pour cela une redevance et peuvent être exploités de différentes manières.
La
libération et l’émancipation des Haratine ne peuvent se réaliser qu’en bravant
les intérêts des différentes féodalités mauritaniennes. D’où la nécessité de
constituer un front contre celles-ci avec l’appui des forces progressistes.
Pour arriver à
leur libération et émancipation, les Haratine doivent créer une solidarité de
groupe pour la défense de leurs intérêts vitaux à savoir leur libération et
leur émancipation effectives qui ne peuvent se réaliser que par l’obtention de
leurs droits, économiques, politiques, sociaux. Ce qui nécessite une lutte
politique qui mobiliserait l’ensemble des victimes de l’esclavage. Les Haratine
ne peuvent être libérés que par eux-mêmes. Le cas des Intouchables (basse
caste) en Inde peut servir d’exemple. Ils sont aujourd’hui bénéficiaires
d’une discrimination positive qui leur assure des positions importantes au niveau administratif et politique. Aussi, leur dynamisme politique leur procure une place non négligeable dans la démocratie indienne : « Après une longue période de blocage, ces basses castes se sont mobilisées à partir des années 1980. Elles ont aussi formé des partis politiques pour les défendre. Dès lors, la loi du nombre joue pour elles.»[6]
d’une discrimination positive qui leur assure des positions importantes au niveau administratif et politique. Aussi, leur dynamisme politique leur procure une place non négligeable dans la démocratie indienne : « Après une longue période de blocage, ces basses castes se sont mobilisées à partir des années 1980. Elles ont aussi formé des partis politiques pour les défendre. Dès lors, la loi du nombre joue pour elles.»[6]
Mohamed Yahya Ould Ciré et Oumar Diagne
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