mardi 11 octobre 2011

Marche de 'Touche pas à ma nationalité' : Une grande leçon de maturité.



Des centaines de militants du mouvement négro-mauritanien hostile à l’enrôlement biométrique des populations, "Touche pas à ma nationalité" (en abrégé TPMN), ont battu le macadam samedi 8 octobre dernier, sans heurts et sans casse.

La police s’est contentée d’encadrer la manifestation qui est venue mourir devant le portail de l’Assemblée Nationale, là où un comité d’accueil réduit à trois députés de l’opposition a récupéré leur plateforme revendicative. Signe évident que les autorités ont changé de fusil d’épaule et semblent vouloir emprunter la voie de la sagesse et du dialogue. Reportage.

Sur la base d’une autorisation dûment accordée par les responsables du Ministère de l’Intérieur, plusieurs centaines de personnes, militantes ou sympathisantes du mouvementTPMN, se sont ébranlées vers la mi-journée du samedi 8 octobre 2011 du centre-ville deNouakchott.
Dans la plus grande discipline, la foule a longé la voie qui mène de la Polyclinique vers les locaux de l’Assemblée Nationale en passant par l’Etat-major de la Garde nationale, puis l’Ilot Met l’ancienne Maison des Jeunes.

Brandissant des banderoles où se détachaient en lettres multiformes des slogans hostiles à l’enrôlement des populations en cours et que certains pans de la communauté négro-mauritanienne jugent de racistes et de discriminatoires, les marcheurs se sont contentés de défiler sans difficulté.

Certaines banderoles s’en prenaient personnellement au président Mohamed Ould Abdel Aziz, demandant l’arrêt immédiat des opérations d’enrôlement, d’autres encore portaient l’effigie du manifestant tué à Maghama, réclamant l’ouverture d’une enquête judiciaire.

D’importantes unités de la police anti-émeute tout de noir vêtues et de la garde, encadraient la marche, en prévision de tout débordement. Les heurts de la première manif, celle du jeudi 29 septembre dernier, n’étaient plus qu’un triste et lointain souvenir. Aucune incidence majeure n’est venue troubler la quiétude publique. Les boutiquiers de "Charé Rizgh " continuaient leur commerce sans inquiétude. D’ailleurs, partout sur le parcours, les activités commerciales et de services avaient continué leur train-train quotidien.

Dans la foule bigarrée, des femmes mais aussi des hommes et des enfants. Une foule festive, toute en sueur, bravant la chaleur caniculaire de ce mois d’octobre. Des cris de révolte sortaient de ces centaines de poitrine brandies comme autant de réceptacles prêts à prendre en plein les malédictions du ciel. Des curieux étaient massés de part et d’autre du chemin de croix que les marcheurs de TPMN s’étaient tracés.

Devant le lourd portail de l’Assemblée nationale, le comité d’accueil était réduit à sa plus simple expression. Seuls trois députés de l’opposition étaient là, debout, alors que la masse bruyante des marcheurs avançaient stoïquement à leur rencontre, au milieu d’un nuage de poussière soulevé par des centaines de sandales, de bottes et de godasses. La circulation était momentanément fermée.

Khadiata Malick Diallo, de l’UFP (Union des forces du progrès), Saleck Ould Sidi Mahmoud du parti islamiste Tawassoul et Yacoub Ould Moine, du Rassemblement des forces démocratiques (RFD) s’étaient avancé pour écouter les doléances et récupérer la plateforme revendicative que les jeunes du mouvement TPMN cherchent depuis des lustres à leur remettre en mains propres. Mais il a fallu le jeudi noir, quand les forces de l’ordre les chargèrent dans les rues de la Médina 3 et de la Polyclinique, occasionnant le clash que toutes les parties ont par la suite condamné.

Cette volte-face des autorités mauritaniennes dans leur difficile apprentissage des rouages démocratiques, semble cependant sous-tendre un deal officieux qui prendrait pour racine les valeurs nobles de la sagesse. En fait, certains parlent déjà d’un accord secret entre l’administration et le mouvement TPMN, par le biais de hauts responsables originaires de la Vallée. L’objectif serait de ramener le calme et de faire baisser la tension, en contrepartie de la satisfaction de quelques doléances.

C’est dans ce cadre qu’il faudrait sans doute situer la subite fièvre qui s’est emparée des maires et des élus des régions sud du pays. Ces derniers ont en effet été sollicités pour de vastes campagnes de sensibilisation auprès des populations résidentes de la Vallée et des parties hostiles aux mécanismes d’enrôlement en cours. Des facilités spécifiques aux populations noires de ces régions auraient été ainsi concédées en vue de leur recensement sans anicroches.

Cette souplesse aurait été confirmée par un membre d’une commission en charge de l’opération d’enrôlement dans la Vallée. Des instructions leur auraient été données afin qu’aucune des questions gênantes qui étaient posées aux populations négro-mauritaniennes auparavant ne leur soient désormais opposées. Ils devront les enrôler avec facilité. Les élus locaux auraient ainsi demandé aux populations de leur rapporter la moindre difficulté rencontrée au cours de l’opération.

Sur le plan politique, les responsables du mouvement TPMN auraient exigé et obtenu la libération de leurs camarades détenus suite aux dernières manifestations à KaédiMaghamaet à Nouakchott. Sauf les étrangers arrêtés durant les derniers évènements survenus dans la Capitale restent pour le moment en détention. Pour le cas du jeune Mangane, tué àMaghama, les autorités se sont engagées à trouver une issue équitable à son cas et à verser à sa famille une compensation conséquente.

Cheikh Aïdara.




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