dimanche 9 octobre 2011

Conjoncture : Les incertitudes politiques hypothèquent l’économie.



Beaucoup de Mauritaniens se désolent aujourd’hui de voir que le pays roule au ralenti. Un fait qui n’est certes pas nouveau mais qui commence à prendre une ampleur telle que l’on se met à se demander s’il n’est pas en train, tout simplement, de devenir une partie de la " normalité " quotidienne telle qu’elle se dégage dans le discours ambiant de la majorité et de l’opposition.

Très souvent, l’on est porté à ne regarder l’aspect de la crise mauritanienne que dans son aspect politique, quand on met en avant le préalable d’un dialogue nécessaire entre le pouvoir et l’opposition.

Très souvent aussi, la crise économique n’est mesurée qu’à l’aune du flux de l’aide financière arabe, européenne et internationale (FMI et Banque mondiale) et du volume des réalisations que le pouvoir met en avant pour contrecarrer les attaques d’une opposition qui reprend du poil de la bête depuis quelques mois.
Mais la crise, celle qui dénote de la profondeur de l’inquiétude des populations, est à chercher plutôt dans cette difficulté à subvenir aux besoins élémentaires de la vie et dans le marasme qui frappe l’activité économique des opérateurs privés. Certes, connues pour être les premiers partenaires de l’Etat, les entreprises nationales subissent de plein fouet le ralentissement de l’aide bilatérale et multilatérale qui permet au gouvernement d’investir dans des projets porteurs.

Plus que tout autre moment, l’on se rend compte, malgré nous, que le pays est otage d’une conjoncture économique difficile. Sur le plan mondial d’abord, mais aussi national. Une situation qui crée une sorte de désarroi politique pour un gouvernement qui adopte une politique volontariste certes mais loin d’être convaincante.

On peut même dire que la divulgation de chiffres mirobolants, au niveau du flux de l’aide, notamment arabe, et de l’augmentation des recettes fiscales et douanières ainsi que la réduction du train de vie de l’Etat sont des raisons suffisantes pour que les populations sentent une amélioration notoire des services publics.

C’est particulièrement le cas quand un ancien ministre des Mines et de l’Industrie évoquait comme un trophée l’amélioration sur trois ans des dividendes tirés de l’exploitation par des compagnies étrangères des mines d’or et de cuivre.

Ainsi l’on apprend que les recettes provenant de l’exploitation de l’or et du cuivre enMauritanie sont passées de 3 milliards d’ouguiyas (8 millions d’euros) en 2008 à 7 milliards d’ouguiyas (18,76 millions d’euros) en 2009 pour atteindre 15 milliards d’ouguiyas (40,21 millions d’euros) en 2010, soit une quintuplement en trois ans.

Mais le discours de l’ancien ministre des Mines et de l’Industrie, aussi mielleux soit-il que ceux de tous les membres du gouvernement du Premier ministre Moulay Ould Mohamed Laghdaf, ne répond pas à une question souvent posée : qu’est-ci qui empêche les Mauritaniens de tirer profit de cette " croissance " économique ?

Pour répondre à une question si dérangeante, le pouvoir n’a qu’une seule réponse :

Le pouvoir n’est là que depuis deux ans et il s’échine à mettre de l’ordre dans ce qui ressemble bien à des écuries d’Augias. C’est vrai et faux à la fois. Vrai parce que l’état actuel de l’économie du pays (au sens étatique du terme) n’est pas plus mauvais que ce qu’il y avait avant août 2005 (et peut-être même avant août 2008).

Le train dépensier du gouvernement a été sensiblement réduit par les mesures prises pour arrêter l’hémorragie (coupures des dépenses d’eau, d’électricité, de téléphones, de carburant, d’entretien des voitures, de logement, etc) mais au niveau de l’attribution des marchés et de l’octroi de privilèges, il semblerait que la gabegie ait même gagné du terrain.

Comme preuve de cette déliquescence résurgente l’on cite souvent l’instabilité au niveau du ministère stratégique des Finances et de ses principales directions (Budget et Trésor) mais aussi le limogeage du ministre de la santé, Ould Horma, pourtant soutien politique de premier plan du président Aziz et la profusion de critiques souvent adressées à la commission centrale des marchés.

Ce que les autorités doivent comprendre, pour ne pas se donner comme cibles aux attaques de l’opposition, mais également à la déception de plus en plus grande de populations qui ont soutenu le président Aziz, c’est que dans une société de libertés, la vie économique est faite d’incertitudes. Parce qu’elle est le résultat des décisions souveraines d’individus aux objectifs et aux moyens divers et changeants.

Cette incertitude est gérée au mieux par des agents économiques dont c’est la fonction : les ministres, les directeurs, les chefs de projets. Mais, à cette incertitude naturelle, il ne faut pas ajouter des incertitudes artificielles qui, elles, perturbent fortement la vie économique, que ce soient des incertitudes sur les institutions et les règles juridiques ou des incertitudes politiques.

La majorité aléatoire du président Aziz ne répond plus convenablement à l’appel au changement parce qu’il y a des espoirs déçus. Au niveau des promotions individuelles, du partage du gâteau entre les différents partis membre de la coalition soutenant le programme du président, des hommes d’affaires qui aspirent à une meilleure justice dans la répartition des marchés et des populations qui ne veulent pas d’un retour en arrière avec la promotion des hommes du système Taya.

C’est ce type d’incertitude politique qui explique la crise économique, et tout particulièrement la situation vis à vis de ce qui se passe autour de nous, dans plusieurs pays arabes. On ne sait pas si la " révolution " aura lieu, et si oui quand. On ne sait pas plus si elle sera longue ou courte, localisée ou comportera des risques d’extension. Ce sont toutes ces incertitudes qui expliquent la morosité ambiante dans la vie économique du pays.

Sneiba Mohamed.




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