lundi 10 octobre 2011

Coke en stock (XLVIII) : le flic ripou au cœur du trafic.



Nous avons eu une explication "américaine"pour l'origine de notre Boeing du désert. Il en existe une autre, ou plutôt une deuxième qui complète la première, car dans les explications données, on trouvait déjà comme fief de l'organisation l'Espagne. 

Manuel Silva-Jaramillo, un des organisateurs du trafic, lié au cartel deValencia-Arbelaez, avait tenu ses réunions de préparation à Madrid, essentiellement. Là où se trouvait notre principal responsable européen du trafic, lié aux colombiens et aux vénézuéliens. Cet homme, nous allons le découvrir aujorud'hui, est fort surprenant, de par sa fonction d'origine, mais sa capture, inopinée, l'est encore davantage.

En truand véritable, après avoir commis une grossière erreur, il va en effet se comporter de façon ubuesque, qui va précipiter son arrestation, en même temps le fruit du hasard et due à l'obstination de policiers sénégalais qui avaient refusé de se laisser corrompre. Récit de ce surprenant épisode de la guerre à la cocaïne.
La scène assez surréaliste (avec ce que vous allez lire après !) est particulièrement bien décrite ici : nous sommes à peine trois mois et demi après le "crash" du Boeing (son incendie plutôt), dans un immeuble qui n'est pas anodin, dans la capitale malienne.

On y retrouve Eric Vernay, en compagnie d'un autre personnage jusqu'ici inconnu. "Dernier samedi de février 2010. C’est l’effervescence dans les locaux de Germain Export, un consortium espagnol d’investissements installé dans l’immeuble UATT (Union africaine de transit et des transports), -la délégation de l’Union européenne y dispose également de bureaux-, dans le quartier d’affaires de Bamako. La presse a été conviée. Pour la première fois au Mali, une société étrangère s’intéresse… au football local !

À la clé, un chèque de quatre millions de francs CFA (en fait, l’équivalent de 6 000 euros) au profit de la ligue régionale de Mopti, dont le principal dirigeant est un intime du président de la République malienne, Amadou Toumani Touré, dit ATT

Le généreux donateur, l’Espagnol Miguel ángel Devesa, qui se définit comme un "acteur du développement" au Mali, dit alors vouloir construire des logements sociaux alimentés par l’énergie solaire.

Il s’est installé dans le pays deux ans plus tôt. Quant au discours, c’est un Français qui ce jour-là s’y colle. Éric Vernay, qui s’est présenté comme "l’administrateur du consortium", selon le témoignage d’un journaliste présent, est une figure de la communauté française au Mali et un acteur du monde aéronautique local". Bref, que du beau linge, puisqu'à l'époque personne ne sait encore que Vernay a trempé dans l'affaire du Boeing bourré de coke (et qu'il en préparait un second dans son hangar au Sénégal) !

De la corruption, dans le pays ? Le mot circule évidemment, au Mali. Un courrier mis sur le net le laisse entendre : "des cadres de la mairie du district viennent d'adresser une « lettre ouverte » au ministre de l'Administration territoriale et des Collectivités locales, le généralKafougouna Koné, réclamant « la salubrité » à la mairie".

La mairie du district de Bamako étant visé et son maire, Adama Sangaré, accusé même de s'être enrichi personnellement : "les états généraux sur la corruption qui viennent de se tenir dans notre pays auraient pu, si les organisateurs s'en étaient donnés la peine, traiter d'un cas pratique de corruption, de détournement, de trafic d'influence, de népotisme, de copinage, d'achat de conscience, d'enrichissement illicite ultra rapide. 

L'intéressé, comme un journal de la place l'avait signalé, a brillé par son absence deBamako, au moment où se tenait précisément ces états généraux sur la corruption. Il était en Europe, pour une énième fois, prendre du bon temps. Peut-être qu'il savait que certains allaient justement penser à lui ? Il s'agit de Monsieur le maire du district de Bamako,Adama Sangaré, qui en 18 mois d'exercice de la fonction de maire, a rejoint le cercle élargi des fonctionnaires maliens multimillionnaires.

Si l'occasion lui est offerte de revenir après les élections de 2009, alors il entrera dans le cercle fermé des fonctionnaires et autres agents des services publics milliardaires. Tout cela est en en train de se faire au vu et au su de certaines hautes autorités de ce pays, mais au détriment de la mairie du district de Bamako, des populations de Bamako, mais surtout des travailleurs de la mairie.

Voilà pourquoi des cadres de cette mairie ont décidé d'aller en croisade contre ce prédateur (...) qui agit à visage découvert lorsqu'il commet ses forfaitures, tant il a confiance à ses protecteurs" affirme le virulent "Bamanet". Pourtant, le district de Bamako ne ressemble à rien à Neuilly, à part peut-être la coke qu'on y trouve : n'oublions pas que tout a démarré aussi avec une saisie ce cocaïne à Neuilly, où des truands ont échappé au coup de filet de la police... car la police les avait renseignés, ce qu'avait entendu la DGSE, branchée déjà, à l'époque, sur la piste d'un policier ripou... "la cocaïne de Neuilly devait inonder le marché parisien", avait alors titré Le Figaro... la drogue venant cette fois de St-Domingue, paraît-il, le pays où les avions de coke s'embourbent parfois, il est vrai, comme les journalistes peu curieux.

Les avions du même circuit, qui conduit aussi à des importations parfois surprenantes, comme celle des fameuses casseroles belges...Une corruption généralisée au Mali également, qui remonte haut, toujours selon "Bamanet" : "au passage, ces cadres accusent le Premier ministre Modibo Sidibé, Seydou Traoré, Secrétaire général du ministère du ministère de l'Administration territoriale et des Collectivités locales, le général Kafougouna Koné, ministre de l'Administration territoriale et des Collectivités locales, le Gouverneur du district de Bamako Féfé Koné, le Secrétaire particulier du Chef de l'Etat Mangal Traoré d'être « les protecteurs » du maire central.

Le maire Sangaré dit à qui veut l'entendre et comprendre, qu'il est un proche du Premier ministre, et de Mangal Traoré.Mangal Traoré, le secrétaire particulier du président de la République, natif de Mopti, vers qui convergent visiblement toutes les rancœurs de la population : c'est de loin aujourd'hui l'un des hommes parmi les plus détestés du pays. Les exemples ne cessent d'abonder sur le net d'accusations de détournements de fonds, comme ici avec les espaces verts de la capitale.

Le football, l'opium du peuple africain, pouvant alors servir à cacher tous ces dysfonctionnements. Mais au moins, là, les terrains de foot ne servent pas de cimetières (nous verrons plus tard l'explication de cette formule alambiquée).Un Vernay très introduit, donc, auprès des grands du pays, dont certains soupçonnés de corruption, et qui avait vraiment de grandes ambitions pour le Mali comme le décrit un journaliste qui à l'époque ne savait rien de ses acrtivités illicites, on suppose : "Naturels Resources Mali, une société à capitaux étrangers, notamment indiens et qui est spécialisée dans la reprise des mines réputées non rentables, est représentée par Eric au Mali.

Au titre de leur projet d’investissement au Mali, il ya la reprise de la mine de fer dans la région de Kita (ici la photo de la mine d'or de Tabakoto) et la création d’une ligne de chemin de fer fret de la zone d’exploitation du minerai jusqu’en Guinée Bissau en passant par la Guinée Conakry.

Cet important ouvrage qui aurait désenclavé le pays, nécessiterait un investissement de 2,5 milliards de dollars sur 15 ans, a été présenté à ATT et plusieurs réunions au Ministère des Transports et de l’Economie et des Finances se sont déroulées avec Eric et les investisseurs étrangers. Tout se passe comme si les opportunités d’investissement sont tuées dans l’œuf auMali. L’interpellation d’Eric risque donc de porter un coup d’arrêt à cet important projet, les investisseurs prenant peur de la répression judiciaire qui affecte leur moral et sape leur confiance. Eric et Ben vont ils être broyés par le système pour donner des gages sur la lutte contre la criminalité et le grand banditisme ? On le saura.

On notera tout simplement que lorsque la justice va jusqu’à enclencher les mandats de dépôts contre des prévenus, il est difficile d’en échapper avant un jugement en assises compte tenu de l’acte d’accusation portant sur l’atteinte a la sécurité de l’Etat." En fait, notre journaliste partisan ne savait visiblement pas sur quel gang il était tombé !La question étant comment donc un petit entrepreneur au Mali, possédant à peine trois petits avions de tourisme (surpris ici filmé à bord de l'un d'entre eux) pouvait-il se lancer dans une opération à 2,5 milliards de dollars ? Cela laisse songeur en effet.

Et comment un avionneur français ait pu devenir le représentant d'une société minière indienne une autre énigme. Les enjeux financiers sont énormes, on le sait, depuis la guerre d'Agacher(la seconde en 1985) portant sur les ressources en gaz et les ressources minières. La mine d'or de Sadiola (près de Kayes) étant l'exemple même de l'acharnement à creuser sans trop se soucier des populations locales : la pollution au cyanure y est désormais endémique !

Celle de Yatéla, à ciel ouvert, défigure le paysage. Mais l'or représente 80 % des recettes d’exportation du pays... en fait le pays voit partir ses ressources sans réelle compensation comme l'a constaté un ministre malien :" Les « rumeurs de la rue » à propos de l’exploitation minière, notamment celle de l’or au Mali, ne sont pas totalement fausses : l’or brut est exporté pour le raffinage à l’insu (sans contrôle) de l’Etat, le pays se contente de la quantité déclarée par les sociétés et le secteur évolue en marge du développement local, etc. 

Ce sont là des aveux du ministre des mines, Abou Bakar Traoré, dont la population malienne débat à longueur de journée. "Un an et demi après, changement de scène total, quand on retrouve les mêmes mais dans une tout autre situation, et que l' on apprend par la bouche du monsieur anti-corruption du pays, le procureur Sombé Théra, évoquant alors à la télévision malienne que "dans le cadre de l'enquête sur l'avion transportant la cocaïne, un Français, un Espagnol et un Malien ont été inculpés pour trafic international de cocaïne", mais qu'aussi"qu' une source proche du dossier a identifié l'Espagnol par un seul prénom, "Miguel", indiquant qu'il s'agit d'un ancien policier espagnol."

Qui est donc ce fameux "policier espagnol" à la retraite ? Miguel Angel Devesa, bien sûr, dont beaucoup semblent avoir oublié le cursus assez phénoménal. Devesa est en effet un... ancien flic "ripou" qui a été exclu de la police espagnole en 2003 pour malversations diverses. Si cela vous évoque quelque chose en France actuellement, sachez que c'est bien exprès que je le précise.

"Après avoir travaillé à Madrid puis à VIgo, l'espagnol avait finalement été expulsé définitivement de la police nationale en 2003 à cause de diverses procédures disciplinaires. Après avoir créé de nombreuses sociétés à Vigo, en Galice, Devesa avait installé les bureaux de sa dernière trouvaille, Germain Export, dans l'immeuble UATT de Bamako, là où se trouve également une délégation de l'Union Européenne", précise Afriq'Infos.

En attendant, Devesa se fait épingler le 19 octobre 2010 par les services anti-drogue... marocains : à force de remonter la piste vers la méditerranée et les bateaux "go fast", on avait fini par tomber sur celui qui faisait passer la coke du Mali ou du Sénégal. Le premier lot de personnes arrêtées avaient été les deux hommes ayant été au plus proche de l'avion selon l'enquête : "ces deux suspects sont Didi Ould Mohamed, originaire du Sahara occidental qui se prétend Malien mais dont la nationalité est contestée par les enquêteurs, et Mohamed Ould Sidi Hamed, Malien.


La personnalité de Didi Ould Mohamed, intéresse particulièrement les enquêteurs : natif deLâayoune au Sahara occidental, il vit entre les camps de réfugiés sahraouis de Tindouf(extrême sud-ouest de l'Algérie) et le Mali, où il a de la famille.

 Il maîtrise parfaitement l'espagnol, langue parlée par les trafiquants sud-américains. On est à deux doigts de savoir si, effectivement, Didi Ould Mohamed a bel et bien servi d'interprète entre trafiquants latino-américains et ressortissants d'Afrique de l'Ouest, pour que l'avion de cocaïne se pose dans le Sahel malien, a affirmé une source proche de l'enquête." Le lien vers le Maroc fait dire à certains commentateurs sur le Web que nécessairement l'Etat Malien avait des reproches à se faire en effet : "20 4X4 bourrés de drogue transitent par le Mali et personne ne voit rien ??? à qui faire croire çà ??? il y a des complicités dans l'armée et la police c'est impossible autrement !!!

A moins que l'armée et la police soient vraiment nulles .Imaginez vingt 4X4 bourrés de rebelles en armes pénétrer au Mali et personne ne les verrait ?? Là çà serait quand même trés grave" écrit le pseudo " foudkg". Non sans raison : l'enquête montre qu'en effet, des facilitateurs bien placés ont permis l'échappée des 10 tonnes de cocaïne extraites du Boeing malien.

Résultat, en effet, la piste marocaine supposée allait s'avérer extrémement payante, au bout des 16 mois d'enquête, le "cerveau" du gang à l'origine de l'atterrissage de l'avion étant (enfin) démasqué : "Premier résultat concret de l'implication du Maroc à la suite de la réunion duCTAG à BamakoRabat a confirmé par la voix de son ministre de l'Intérieur, avoir arrêté 34 membres (32 hommes et 2 femmes) d'un réseau de trafic de drogue ayant des connexions avec AQMI.
Selon les autorités, les trafiquants, qui avaient aussi des liens avec les cartels de la drogue sud-américains, assuraient le transport de cocaïne d'Amérique du Sud et de marijuana duMaroc vers l'Europe, via l'Afrique du Nord et l'Algérie en particulier. Ils sont actuellement écroués à la prison de Salé".

Bien entendu, le Maroc y va de son couplet sur l'Aqmi, alors qu'on a bien affaire qu'à des mafieux, comme on va le découvrir un peu plus loin. Comme le note en effet fort justement un journal malien "le lien entre le Boeing d’« Air Cocaïne » et les terroristes d’AQMI, allégué par les autorités marocaines, n’est pas fondé En revanche, selon une source bien informée, le lien entre le Boeing d’« Air Cocaïne » et les terroristes d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), allégué par les autorités marocaines, est infondé.
« AQMI a des contacts avec les trafiquants mais n’est pas impliquée dans l’organisation du trafic. Les islamistes n’en ont pas besoin : ils ont l’argent des rançons. » On ne peut mieux résumer la situation : l'islamisme revendiqué est de pacotille, ce ne sont que les descendants des bandits de grand chemin du moyen-âge.

Des mafieux qui faisaient en Espagne... dans le bâtiment ou dans le social comme couverture, exactement comme Eric Vernay au Mali (c'est bien un consortium du crime, avec les mêmes habitudes) : "sous le couvert d'un respectable consortium espagnol d'investissement immobilier, les chefs du réseau Miguel Angel Devesa, le vénézuélien Gustavio Valenciaet le portugais Souza Miranda se sont installés à Bamako pour opérer en Afriquesubsaharienne. Ils sont emprisonnés à Bamako. Entre mars et août 2010, ils ont mené huit opérations, introduisant à destination de l'Europe, 600 kg de cocaïne à travers les frontières algérienne et mauritanienne." Voilà donc le grand ami de Vernay localisé.

Il l'avait déjà été à vrai dire, et dans des circonstances très spéciales, sinon franchement ahurissantes ! Pour Devesa, en tout cas, le problème est déjà réglé : il est en prison, auSénégal,... pour assassinat.

En fait tout s'était déjà joué auparavant à Bamako, dans une zone industrielle, au sortir d'un entrepôt, le 22 août 2010, par un dimanche après-midi qui allait sceller le sort des trois déjà cités, et d'un quatrième qui n'est plus là aujourd'hui pour en témoigner. Cette histoire va prendre une tournure vraiment mafieuse, à la mexicaine pourrait-on dire, ce qui en fait va lui nuire au plus haut point : les mafieux ne se refont jamais, et ne peuvent à un moment outrepasser leurs habitudes morbides. Un journal nous rappelle les circonstances, assez surprenantes et où le hasard à joué un grand rôle à vrai dire :

"
En effet, à 15 heures, quand Miguel, à bord de son véhicule (...) celui-ci heurte violemment le portail, au moment précis où des éléments de la brigade de recherches (BR) qui opèrent quotidiennement dans la zone, étaient de passage. Il ne s'arrête pas pour autant. Cette attitude suspecte l'attention des policiers qui alertent aussitôt par talkie-walkie le commissaire de police du 3ème arrondissement, le contrôleur général Abdoulaye Sow.

Ce dernier se déplace personnellement sur les lieux. Coup de poker ! Son arrivée coïncide avec le retour de Miguel qui se présente aux flics à qui il déclare avoir été victime d'un vol de moto. C'était évidemment pour les mettre sur une fausse piste mais ils ne se laisseront pas abuser
". Miguel, c'est justement notre ancien policier ripou, qui, ce jour-là n'est donc pas très convaincant.

Même en offrant 14 millions de francs CFA (21 000 euros, somme colossale là-bas) aux policiers pour qu’ils oublient tout ce qu'ils viennent de voir... ça de moins pour l'association d’aide à l’enfance que finançait aussi Devesa, soucieux de soigner son image de marque et de se fondre dans la société, le but de tout trafiquant avisé.

L'équipe d"Abdoulaye Sow, en restant intraitable, va tomber sans le savoir sur un très gros poisson ! Comme quoi, si dans le pays certains haut placés sont corruptibles, des policiers ne le sont pas, voilà qui rassure au moins ! Mais laissons notre journaliste raconter ces incroyables événements, dignes d'un scénario de film hollywoodien, car ils vont tourner au film "gore" : "Après quelques investigations rapides et une petite patrouille dans les environs, les policiers flairent le mensonge. Ils reviennent sur leurs pas et décident de visiter l'entrepôt, ce à quoi Miguel s'interpose, jurant tous les dieux que son camarade, qui détient les clés, est en déplacement à Ségou. Les policiers ne l'entendent pas de cette oreille et défoncent les cadenas pour découvrir la présence de deux autres individus, identifiés après sous les noms de Souza et Gustavo. 

Aussitôt les hommes du commissaire Abdoulaye Sow procèdent à une fouille systématique de l'entrepôt. Surprise ! Ils découvrent des traces de sang sur le mur. Ensuite, ils tombent sur des cartouches et des munitions d'armes à feu". En fait, l'entrepôt complet est maculé de sang : ce que "Miguel" explique ainsi : "C'est le mois de Ramadan, donc nous avons égorgé un mouton". Le journaliste ajoute : "ce qui, naturellement, ne convainc pas les limiers du 3è arrondissement qui poursuivent la fouille. Sous des sacs de ciment, ils font la découverte macabre : à la place d'un mouton, c'est un homme qui git dans son sang, découpé en morceaux."
L'homme découpé à la tronçonneuse, engin que les policiers découvrent dans le pick-up deMiguel, qui vient de tamponner le portail, était le chauffeur initial du véhicule. A peine arrivé dans l'entrepôt, il avait sorti son arme car il réclamait paraît-il une part plus importante du butin de l'avion de la coke. Ç'était le colombien Juan Carlos García, parfois présenté comme ukrainien ou roumain, alias "Johnny", et il avait crû ainsi gagner davantage rapidement ! Il n'avait rien le temps de faire : c'est Souza Miranda, le portugais du trio qui servait de garde du corps à Miguel Angel Devesa, l'ancien policier, qui l'avait vite fait abattu de trois balles à bout portant.

Le trio décidant sur le champ de le découper en rondelles, la tête dans un sachet et le reste du corps dans des sacs de ciment ! Incroyable retournement de scène : l'homme qui en février faisait de beaux discours en costume devant le représentant de la ligue régionale de Mopti, dirigée par un intime du président de la République malienne, Amadou Toumani Touré… se retrouvait ce jour-là truand boucher-dépeceur, en t-shirt mode ("Hackett" !) ! Sidérant ! Comme l'était aussi l'attitude des avocats des trois prévenus, décrite ici par Bamanet encore : "que dire des avocats qui ont voulu interdire aux journalistes de photographier leurs clients avec les armes du crime, sous le prétexte fallacieux du respect des droits de l'homme ? Oublient-ils que des photos de malfrats sont étalées tous les jours dans la presse au nom du respect d'un autre droit, celui d'informer ?" Drôle d'épilogue pour notre histoire de Boeing !

Et fort mauvaise passe pour Vernay, devenu complice d'un assassin (au passage, on fera aussi pression pour que la marque du t-shirt porté n'apparaisse pas : les photos des trois détenus seront toutes présentées inversées symétriquement !) !Signalons aussi que le lendemain même de l'arrestation surprise du cerveau de l'affaire du Boeing, les deux otages espagnols Roque Pascual et Albert Vilalta, deux volontaires de l’ONG catalane Accio Solidaria, qui avaient été enlevés le 29 novembre 2009 en Mauritanie étaient relâchés par l'Aqmi après paiement d'une rançon. Une coïncidence, tant l'arrestation rocambolesque deDevesa à Bamako était imprévue.

Des otages libérés après une longue intercession du maire de Tarkint, encore lui : mais cette fois les otages n'étaient pas morts faute de soins. Les islamistes réclamaient 5 millions de dollars et la libération de prisonniers. Juste après, Aqmi s'en prenait évidemment à la DGSE qui avait selon elle laissé mourir Germaneau. Il allait sans dire qu'avec l'arrestation de Devesa,l'Aqmi savait aussi que sa seconde filière d'approvisionnement venait d'en prendre un coup : il n'y aurait pas de seconde livraison monumentale à détourner ou à s'approprier.

Devesa, lors de son arrestation a fait un aveu de taille : "en outre, l'Espagnol arrêté au Marocaffirme avoir convoyé un camion de kérosène vers Tarkint, petite ville du nord est malien. Or, depuis novembre 2009, cette localité est associée dans les mémoires maliennes à un avion que la presse a surnommé le « Boeing d'Air Cocaïne ». Pendant trois semaines, les autorités de Bamako avaient alors caché l'atterrissage en plein désert de ce B727, dont la cargaison, de 5 à 6 tonnes de cocaïne destinée à l'Europe, avait disparu.

L'avion n'avait pas pu redécoller, sans doute à cause de la mauvaise qualité du kérosène convoyé. Il avait alors été volontairement détruit par le feu." C'est la clé du mystère : on avait bien tenté de faire redécoller le Boeing, en lui apportant un camion d'essence : ce qui laisse entendre que l'avion est resté cloué sur place plus longemps que prévu. D'où le peu d'empressement du pouvoir en place à voir débarquer tout de suite des enquêteurs. Devesaétait bien lié, avec Vernay, au Boeing de la cocaïne.

Maintenant, on pourra toujours méditer sur la mission réalisée quelques mois auparavant parAmélie Mouchette, envoyée par le Conseil Régional de Moselle et celui de Meurthe etMoselle, faire une enquête informatique sur le secteur en mai 2008, dans le cadre de la Coopération Nord-Sud. Arrivée à Gao, elle doit fait part au maire de Tarkint, qui est bien largement au nord de Bourem, que sa mission est aussi "d' Informer Baba Ould Cheick, maire de Tarkint, que la dernière recommandation du ministère des affaires étrangères français en notre possession conseille aux ressortissants français de ne pas se rendre au nord d’une ligne Tombouctou / Bourem / Ménaka". 

Une mission supervisée par Sarah DE REKENEIRE, chargée de mission auprès du service de coopération et d’action culturelle (SCAC) de l’Ambassade de France. Ne pas s'y rendre car "des agissements de groupes non identifiés troublant la sécurité dans cette zone, l’AFVP et l’ensemble des ONG ont demandé à leurs ressortissants de ne pas rester sur la zone Nord et de respecter les consignes du ministère". Ne pas y aller pour ne pas risquer de devenir otage, ou pour ne pas aller voir ce qu'on y préparait ?

Le ministère des Affaires Etrangères savait qu'il y a avait danger à Tarkint, alors queCamatte se fera enlever plus au sud, à Ménaka, là où l'on conseillait, justement de rester ? Lors d'une conférence du du 13 octobre 2010 sur la Coopération décentralisée et sécurité auSahel, un intervenant venait dire la même chose à peu près : présenté comme "un ancien de la DGSE", il s'agissait en fait d'Alexandre Hollander, l'ancien adjoint de Pierre-Antoine Lorenzi, qui avait rejoint, lui, la DGSE en 1997.

Pierre-Antoine Lorenzi, secrétaire général du Service central de prévention de la corruption de 1993 à 1997, devenu chef de cabinet du Directeur de la DGSE (2000-2001) avant d' entrer dans le privé, chez ADP, puis Sérénus International... avec l' ancien officier de la DGSE Alexandre Hollander." Sérénus, devenu depuis "Amarante", décrit comme un " acteur majeur du Business Intelligence"... Hollander y étant présenté également comme un "ancien officier supérieur des forces spéciales, ancien officier de renseignement, expert en sécurité et gestion de crise". 

Les barbouzes privées auraient-elles aussi joué un rôle dans cette affaire ?C'est en tout cas ainsi aussi que l'on apprenait que la filière dite "française" de l'import massif de cocaïne enAfrique de l'Ouest été dirigée par un ancien policier espagnol, écarté en 2003 de son activité pour malversations. Voilà qui résonne étrangement aujourd'hui où en France, un autre policier, mis en cause dans la fuite d'un dealer ayant approvisionné Neuilly avec plus de 100 kg de coke est apparu dans la presse.

Il serait temps, en effet, de remonter plus avant cette filière française, celle qui relie le Maroc, dernière étape de la remontée vers la France de la coke, en passant par un détour... corse. Mais avant, nous allons revenir au Sénégal... pour parlers cette fois de... crevettes.

Par Morice 




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