samedi 13 août 2011

Ce que je pense de la prestation radiotélévisée du Président Aziz



A l’instar de beaucoup de nos compatriotes, j’ai suivi aussi avec intérêt la prestation radiotélévisée du Président Azizd’il y a quelques jours. Je n’ai malheureusement pas pu suivre l’intégralité de ladite conférence de presse, faite très largement en arabe, du fait que la traduction, délibérément ou par négligence, n’a été assurée ni dans les langues nationales ni en français.

Il s’agit là d’un manquement extrêmement grave pour un pays multilingue et pluriculturel comme le nôtre. J’ai cependant noté l’effort fourni pour procurer aux malentendants et aux muets une modeste interprétation des propos du Président. Si seulement on avait assuré ce même type de service minimum aux non malentendants/muets, cela aurait été très bénéfique à plusieurs milliers de mauritaniens à travers le monde qui ne parlent forcement pas l’arabe.

A mon humble avis ; le Président a complètement raté sa sortie. J’ai été très choqué et même peiné par certains de ses propos. Au lieu d’utiliser cette plateforme pour rassembler tous les mauritaniens autour d’idéaux fondamentaux communs, Il a plutôt saisi l’occasion pour diaboliser certains de ses compatriotes.
En décidant d’enfoncer le clou sur un certain nombre de questions importantes du moment, dont notamment celles relatives à l’enrôlement des populations en cours, la question centrale de l’existence ou non de l’esclavage dans notre pays ou encore la non résolution du problème des refugiés,

le Président a préféré la fuite en avant au détriment du compromis constructif. En ce qui concerne l’enrôlement des populations par exemple, j’avoue que ce n’est qu’après avoir suivi ladite conférence presse que j’ai réellement compris les vraies motivations et les enjeux autour de celui-ci.

En fait, la situation s’est révélée encore plus grave que je pensais. En effet, j’avais auparavant compris qu’il s’agissait d’un recensement classique des populations mauritaniennes.

Mais le Président nous a plutôt révélé au cours de sa prestation radiotélévisée qu’il était en gros question d’établir la « mauritanité » de tous ceux et celles qui prétendent être des citoyens mauritaniens.

De toute évidence ; l’approche ressemble étrangement au scenario à l’ivoirienne où le concept de « l’ivoirité » avait été introduite dans la foulée par le Président Henri Konan Bédié, alors au pouvoir en Cote d’Ivoire, pour entre autres éliminer certains de ses opposants en leur extirpant de leur nationalité ivoirienne.

Nous savons, et l’Histoire a répertorié, ce que le concept d’ivoirité a engendré comme résultats : une longue, douloureuse et extrêmement coûteuse (autant en vies humaines qu’en biens matériels) guerre civile.

Ce qui est pire c’est qu’ailleurs on a au moins fait des débats publics sur les tenants et les aboutissants d’un tel concept; mais Chez nous tout est entrain de s’opérer selon des critères complètement méconnus du grand public d’autant plus qu’aucune campagne de sensibilisation n’a eu lieu, pour entre autres expliquer au citoyen ordinaire lambda qu’il s’agit d’une table-rase au sens cartésien.

En gros, ce que le Président Aziz veut faire et dire est en substance ceci : « si vous étiez mauritanien depuis votre naissance, cela n’a aucune espèce d’importance désormais. Ce qui est important, c’est ce qui se passera dorénavant avec l’enrôlement. J’utiliserai des procédés propres à moi pour déterminer votre mauritanité ou non-mauritanité. Et à partir de là, un nouveau état civil fiable sera constitué ».

En opérant de cette manière, le Président mauritanien est entrain de fouler aux pieds la loi fondamentale mauritanienne qui définit le droit à la citoyenneté. C’est une approche extrêmement dangereuse parce qu’elle crée des problèmes la ou il n’y avait pas. Pour preuve, même si le Président Aziz ne veut l’admettre, les populations mauritaniennes dont notamment celles issues des milieux les plus modestes sont assujetties à l’humiliation et à la discrimination au quotidien.

Ce ne sont certainement pas des paroles en l’air : pour s’en convaincre il suffit de se référer aux nombreux récents témoignages pour se rendre compte du calvaire de certains de nos compatriotes. C’est cette réalité-là qui pose problème à certains d’entres nous dont ma modeste personne ; même si le Président Aziz ne veut l’admettre.

Les accusations de discriminations notoires émanant des communautés précitées ne devraient pas être balayées d’un revers de la main : elles nécessitent au contraire humilité, courage et justice de la part du Chef de l’Etat pour qu’il exige d’en connaitre les tenants et les aboutissants, pour une solution juste et durable.

Encore une fois, la procédure en cours est très dangereuse, et si elle n’est pas justement suspendue pour être repensée et corrigée, elle pourrait constituer un « turning point » pour une éventuelle implosion du pays comme ce fut le cas en Côte d’Ivoire.

Toka Diagana –
Washington DC - USA



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