jeudi 2 août 2012
Le plan de sortie de crise qu’entrevoyait le président de l’Alliance populaire progressiste (APP) et président de l’Assemblée nationale, Messaoud Ould Boulkheir, à travers une conciliation des positions de la Majorité et de l’Opposition n’a, apparemment, pas reçu les faveurs du président Mohamed Ould Abdel Aziz, si l’on croit ce qui se raconte à propos de sa dernière entrevue avec des députés de son clan politique. La question des élections, données pour imminentes, a permis au Raïs de trancher dans le vif l’approbation ou non de l’initiative de Messaoud : on se dirige vers les élections, dans un délai de deux à quatre mois, et pas d’ouverture sur la Coordination de l’opposition démocratique (COD). C’est ce que pense le Raïs.
’tour organisé dans la soirée de vendredi par le président de la République au profit des députés de la majorité a manifestement secoué la scène politique, pâle depuis l’entame du mois de Ramadan. L’occasion pour l’hôte de se prononcer sur plusieurs questions, notamment celle de la date des élections législatives et municipales. Le président aurait aussi saisi cette occasion pour tirer, comme à son habitude, sur ses adversaires politiques.. Ould Abdel Aziz, qui a avait exprès, ces derniers temps, laissé la parole aux partis de sa majorité, notamment à l’Union pour la République, chargée, à chaque occasion, de donner la réplique à la COD, sort de son silence à quelques jours de son désormais traditionnel " Direct avec le peuple ". L’homme a soutenu qu’il n’a pas évolué d’un iota dans sa position politique : pas de gouvernement avant les élections municipales et législatives qui doivent être le seul critère déterminant la " valeur " des formations politiques, mais surtout, pas de trêve avec une COD qui fait de son départ l’essentiel de son plan d’action.
Sans doute vexé par cette attitude qualifiée de " non démocratique " par la Majorité, le président Ould Abdel Aziz ne veut pas donner des signes de faiblesse en acceptant d’impliquer l’opposition dans un gouvernement d’union nationale qu’il trouve non nécessaire. Pour ceux qui l’ont rencontré, le président n’est certes pas satisfait du comportement de son opposition mais il serait encore davantage déçu des faits de deux de ses anciens compagnons d’armes (l’ex président et cousin germain d’Aziz, le colonel Ely Ould Mohamed Vall et le colonel, ex chef d’état-major de l’armée, Abdarrahmane Ould Boubacar) qui ont pris fait et cause pour la COD.
Ménager la CAP
Le rejet de l’initiative conciliante du président de l’Assemblée nationale qui a voulu rassemble la famille politique dans sa diversité autour d’un même gouvernement dit d’union nationale, n’est pas sans risque. Messaoud Ould Boulkheir est déjà bien lancé dans une démarche que d’aucuns considèrent comme la seule à même de sortir le pays de la crise. Il peut, pour cela, compter sur ses alliés de la Convention pour une Alternance Pacifique (CAP) au pouvoir, mais aussi sur une approche similaire entamée par trois partis de la Majorité (Adil, MPR, RD) ainsi que par le soutien de l’Association de maires de Mauritanie et des personnalités indépendantes nationales. Refuser l’initiative du président de l’Assemblée nationale, de manière peu diplomatique, peut faire courir le risque de le voir, lui et sa coalition, réviser leur position par rapport à un pouvoir qu’on accuse, à tort ou à raison, de " manœuvrier ", dans l’optique de diviser pour régner.
L’on parle ainsi de la volonté d’Aziz de se rétracter, après avoir conduit Messaoud et Boidiel sur une voie diamétralement opposée à celle de la COD. Comme il l’avait fait avec Ahmed Ould Daddah (lequel avait soutenu le coup d’Etat contre Sidi avant de quitter le navire de Aziz qui l’aurait trahi), et Sarr Ibrahima, qui a convenu d’un " accord " avec la Majorité et a fait marche arrière par la suite quand rien n’a été fait dans le sens de l’application du pacte qu’il avait signé avec la majorité présidentielle.
Vexer la CAP, par le refus de l’initiative de sortie de crise du président Messaoud, c’est probablement mettre en danger les prochaines élections municipales et législatives. Les conciliateurs peuvent voir en cette fin de non recevoir une vexation sans raison autre que celle de continuer un bras de fer… qui ne sert pas la Mauritanie.
Un refus qui n’apporte rien de nouveau selon la COD La COD, par la voix de son président actuel, le député Saleh Ould Hannena, président de Hatem, a aussitôt réagi aux propos de Ould Abdel Aziz, déclarant que ceux-ci n’apportent rien de nouveau sur la scène politique. Ould Hannena a aussi rappelé à l’occasion que le regroupement de partis qu’il préside n’est pas disposé à prendre part à un gouvernement dirigé par le président Ould Abdel Aziz, lequel, selon la COD, est, de facto " voué à l’échec ".
La réplique de Hannena entre dans le droit fil de la surenchère à laquelle les mauritaniens ont droit depuis plusieurs mois. Une sorte de statu quo ante qui est également liée à une guerre des nerfs découlant du fait qu’aucune partie n’accepte d’être prise en défaut de concéder quoi que ce soit. L’annonce d’une élection municipale et législative dans un délai n’excédant pas quatre mois est vue par Ould Hannena comme une sorte de jeu poker menteur qui est de fait entravé par plusieurs facteurs dont entre autres celui de l’enrôlement, qui selon Hannena ne peut être achevé avant 2014. Le président de la COD devait ensuite déclarer que " toute organisation d’élections est tributaire de cette opération censée lui garantir sa transparence ".
Autant dire que les déclarations du président Aziz, sur l’opposition et l’imminence de l’organisation d’élections qui ont pris du retard, à tel point qu’on s’achemine vers le cumul de deux mandats, ne sont, en quelque sorte, qu’une manière d’entamer une nouvelle phase de cette " guerre des tranchées " qui risque, si on n’y prend pas garde, de ramener le pays vers la case départ.
Sneiba Mohamed
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