mercredi 11 avril 2012

TROIS QUESTIONS A Mohamed Ould Borbosse, ancien ministre et membre de l’aile dissidente d’APP:‘’Si le nom de APP ne nous revient pas, cela veut dire qu’APP n’existe plus’’



image manquanteLe Calame : Pourquoi l'opposition appelle-t-elle au renversement de Mohamed Ould Abdel Aziz, président de République, élu pour cinq ans, dont elle a reconnu la légitimité ? Ne serait-il pas plus cohérent et plus politique de le battre par les urnes, au terme de son mandat, comme cela s'est passé au Sénégal ?

Mohamed Ould Borbosse : 
Merci de me donner l'occasion de répondre à ces questions d'actualité. Permettez-moi de vous préciser, d'emblée, que je suis le président de l'assise essentielle, du point de vue du nombre, de ce qui est connu sous le nom d'APP. Taxer cette majorité d'aile dissidente, plutôt que de s'en tenir à sa simple dénomination d'APP, cela revient à dire que l'APP n'existe plus, puisqu'il n'y a plus, soit dit en passant, de militants partageant ses principes et objectifs fondamentaux, en dehors d'APP/comité de crise. Cela dit et pour répondre à votre question, le "général" Aziz est parvenu au pouvoir par un coup d'une bassesse inouïe. On a parlé, à raison, de "rébellion". D'autant plus à raison que lui-même n'a pu s'empêcher de révéler les motivations de son acte, déclarant qu'il avait ainsi agi parce que Sidi avait osé le démettre de son poste. Le ridicule ne tue plus, chez nous. Ce n'est que quelques jours plus tard que son entourage s'est préoccupé de lui trouver des justifications plus politiques et plus recevables, de leur point de vue, et la raison invoquée du coup d'Etat - je voudrai dire, de la rébellion - fut la prétendue incapacité du Président Sidi à fidéliser le peuple mauritanien, en décrivant les réalités et les possibilités réelles du pays, face aux problèmes pendants.
De fait, Aziz veut instaurer une culture de l'hypocrisie et de la duperie. Un populisme qu'il n'a cessé d'entretenir jusqu'à aujourd'hui. N'a-t-il pas dit qu'il était le protecteur des pauvres ? Qu'en est-il ? Ne les a-t-il pas appauvris davantage et plus que jamais ? Quelles sont les mesures prises, vis-à-vis de la montée, fulgurante et systématisée, des prix des denrées de première nécessité et du carburant ? Qu'est-ce qui est fait, pour protéger les pauvres et les moins pauvres, face à la sécheresse et la famine, son corollaire aux aguets ?
N'a-t-il pas dit que Sidi n'avait pas su mettre un terme à la gangrène de l'Etat par la gabegie et la prévarication de son administration ? Mais Aziz a imprimé à l'Etat une mal gestion démesurée, éminemment visible et arrogante, en s'y impliquant directement, lui-même et y impliquant son entourage. Jamais, avant ce général, nous n'avons connu autant de népotisme, de clientélisme, et d'expédients contraires aux règles de base de la comptabilité publique, dans une volonté manifeste de mettre à genoux l'Etat, pour s'enrichir effrontément. Le problème n'est pas seulement qu'il ait agi de la façon la plus décriée mais c'est, surtout, qu'il vole et crie au voleur, sans avoir froid aux yeux, enfonçant, de la façon la plus cynique, les populations dans le besoin, la peur et la paupérisation.
N'a-t-il pas dit que Sidi n'était que le " pion " des amis de Taya et qu'il était en train de s'entourer d'eux, progressivement ? Mais Aziz oublie qu'il fut le premier soutien de Sidi, au grand dam de tous ses challengers ! N'a-t-il pas menacé ceux-ci de mort, s'ils gagnaient l'élection ? Et où sont les chefs des différents gouvernements de Taya, présentement ? Où sont ses ministres ? Aujourd'hui, si les amis de Taya ne sont pas ministres, conseillers, chargés de mission, ou occupent quelque autre sinécure à la Présidence, ils sont ambassadeurs, directeurs d'entreprise publique ou semi-publique, présidents de leurs conseils d'administration ou, à défaut, " élus " de notre peuple, se vendant et se revendant au plus offrant, sans scrupule aucun, oubliant, hélas, qu'ils étaient élus pour défendre les intérêts de ces pauvres populations et l'intérêt suprême de la Nation.
Aziz n'a pas été élu démocratiquement. Ni le FNDD ni le RFD n'ont reconnu sa légitimité, parce qu'il a triché, sans ambages ni détours, au vu et au su de tout le monde. Il a bafoué l'accord de Dakar qui était un " package " que le fait de renier un seul point annulait, dans son ensemble. Il l'a bafoué, faut-il le rappeler, avant même que l'élection ait eu lieu. Le Gouvernement consensuel de transition n'a été mis sur pied que dix-huit jours avant l'élection, au lieu du mois et demi prévu ; il n'avait aucune prérogative. On se rappelle bien la convocation du collège électoral par monsieur le Premier ministre Ould Mohamed Laghdaf, au grand mépris de la Constitution et de la volonté du reste du gouvernement.
Il a bafoué l'accord, en instrumentalisant les hauts cadres des forces armées et de sécurité. Une combine proscrite par l'accord de Dakar, après l'avoir été par la Constitution, et cette prohibition était une des caractéristiques essentielles du processus électoral négocié. Ces cadres furent les premiers à faire campagne pour le général et à dissuader les citoyens de voter pour autre que lui, par des menaces ouvertes et les distributions, à tout va, des deniers publics dont ils avaient la charge. Il a bafoué l'accord, en mobilisant, au service de son élection, toute l'administration, de la base au sommet et sans aucune possibilité d'équilibrage par la soi-disant tutelle.
Le scrutin à peine achevé, Aziz s'est autoproclamé vainqueur, imposant, à " son " Conseil constitutionnel, d'ignorer les recours des candidats de l'opposition. Soucieuse de l'intérêt supérieur de la Nation, l'opposition, alors que tout le monde s'attendait à sa levée de boucliers contre le pouvoir ainsi imposé, a pris sur elle de se surpasser et d'appeler à l'ouverture d'un dialogue inclusif sérieux, à même de sortir le pays de l'ornière des crises politiques, proposant une plate-forme, claire et simple, basée sur l'accord de Dakar. Aziz prétendit alors que Dakar, c'était du passé, que son accord n'avait été " concocté " que pour le faire élire et qu'il ferait tout pour dépiécer l'opposition, cette opposition de " croulants et de vieillards " qu'il entendait rajeunir, lui, en la remplaçant par " une jeunesse " à sa botte, ignorant qu'en matière de politique et de démocratie, on choisit, en toute liberté et à juste titre, son chef et que nul, fût-il Aziz le despote, ne peut prétendre choisir en place d'autrui.
Sans se lasser, l'opposition a continué à frapper à toutes les portes pour que le dialogue ait lieu. Elle a même accepté un intermédiaire, en la personne du président de l'Assemblée nationale, pour faciliter le contact. Mais, plutôt que de chercher un compromis, le général a préféré débusquer les petites faiblesses, par-ci, par-là, pour diviser l'opposition, espérant, ainsi, l'affaiblir et se donner, à lui-même, tout loisir de continuer à perpétrer ses forfaits, sans crainte. Or, l'impasse politique s'est, au contraire, renforcée, sans parvenir, cependant, à plier Ould Abdel Aziz à se raviser et à chercher à sauver son pouvoir, en acceptant de s'asseoir et de discuter, sérieusement, avec l'opposition, pour le bien du peuple mauritanien et de la Mauritanie.
L'échéance des mandats des chambres parlementaires et des conseils municipaux, les reports, anticonstitutionnels et répétés, des élections, les amendements, tout aussi anticonstitutionnels, de la Loi fondamentale : nouveaux problèmes venus se greffer sur un passif déjà fort lourd. Et pour couronner le tout, Aziz n’a-t-il pas engagé nos forces armées, nos enfants, nos frères, dans une guerre perdue d’avance et qui n’est point la leur, juste pour rendre la monnaie à certains amis de « l’Afrique » qui ont soutenu son coup d’Etat contre toute attente et toute logique ?
Le but peut-il être autre que sa volonté de distraire les mauritaniens pour oublier les problèmes qui secouent leur pays et éloigner et occuper l’armée pour contrecarrer toute velléité d’insubordination ?
Le mensonge, l'incompétence, la gabegie, l'incapacité à répondre aux besoins sociaux les plus élémentaires du citoyen (l'alimentation, la santé, l'école, les déplacements…), la banalisation des problèmes relatifs à l'unité nationale, leur négation même, comme celle de l'esclavage, n'ont pas manqué de provoquer le désaveu - que dis-je, carrément le refus - d'Aziz et de son pouvoir, un ras-le-bol qui se généralise, jour après jour et d'une moughata'a à l'autre.
Toutes ces raisons réunies - et il y en a d'autres ! - devraient largement suffire pour inciter au départ tout chef d'Etat sensé. Elles justifient, en tout cas, l'action de l'opposition en ce sens. Mais notre despote guère éclairé d'Aziz est-il capable de lucidité ? L'opposition ne cherche aucunement à renverser quiconque au pouvoir, soit-il le plus récidiviste des putschistes. Cela est contraire à ses principes et à sa morale. Mais elle participera, résolument, à la réalisation de la volonté du peuple, source et réel détenteur du pouvoir, qui réclame, par des actions pacifiques, démocratiques et responsables, le départ de celui qui ne devait pas être là.

Pensez-vous qu'avec les manifestations, l'opposition pourra atteindre cet objectif ? De quels autres moyens dispose-t-elle pour gagner le bras de fer qu'elle a engagé ?
Nous le gagnerons en manifestant. Absolument ! Qui a fait partir Ben Ali, Moubareck, Ali Abdalla Salah ? Nous souhaitons, ardemment, qu'Aziz n'oblige pas le peuple à d'autres expédients, comme les ivoiriens ont dû y recourir, pour faire partir Gbagbo, ou les Libyens, avec Ghaddafi, ou les Syriens, encore aux prise avec Béchar. L'opposition, à l'instar de tout citoyen digne de ce nom, dispose de l'essentiel pour faire partir Aziz : la volonté, la détermination, la persévérance et la confiance en soi. Avec l'amour de la Patrie et la jalousie de bien la bâtir, voilà largement de quoi atteindre le but, car il est patent qu'Aziz ne détient point tous les atouts, en main. Certes non ! Et il a bien tort de ne pas s'en soucier.

Depuis l'annonce de votre désaccord avec la direction de votre parti, vous avez décidé de conserver le nom d'APP alors que celui-ci reste, dans l'opinion publique, synonyme de " parti de Messaoud ". Pensez-vous pouvoir continuer à utiliser ce label ? Ou comptez-vous fonder un nouveau parti ?
On appartient à un parti par l'adhésion et le respect de ses principes - textes, réglementations et orientations - toutes choses auxquelles nous n'avons jamais failli. Bien au contraire, nous avons toujours fait plus que ce qu'on nous demandait et plus que quiconque, au bénéfice ultime du parti et pour redorer le blason de son chef, Messaoud. On nous en disait dauphin, ou, tout au moins, émissaire privilégié. Et d'évoquer la confiance, le sérieux, le charisme, voire la compétence. Quoiqu'il en soit, de deux choses l'une : soit nos fans d'hier et détracteurs d'aujourd'hui disaient vrai, et nous n'avons pas encore changé, toujours égal à nous-mêmes, soit ils disaient faux, et c'est eux qui n'ont pas changé, en nous taxant de ce que nous ne sommes pas. Nous n'avons jamais dit que nous quittions APP, comme nous n'avons jamais fauté pour donner l'occasion, à quiconque, de nous sanctionner. Tant le militant que le dirigeant, sincères et objectifs, devraient nous féliciter et nous récompenser, pour ce que nous avons fait et continuons à faire, au service des militants et des dirigeants d'APP, de l'APP, lui-même, et de la Mauritanie, dans toute sa diversité et ses nuances. Il n'y a rien à nous reprocher : nous sommes APP ; l'APP, c'est nous et personne plus que nous ne peut se prévaloir de cette appartenance, ni du point de vue de la représentativité sur le terrain, ni de celui de l'attachement aux textes et principes fondamentaux du parti. Nous n'avons pas troqué notre costume ni, encore moins, notre âme. Ce n'est ni de notre coutume, ni dans nos "calculs". Mais l'APP n'est qu'un instrument, pas une fin en soi, pour nous comme pour tout autre cadre politique, et les jours à venir vous édifieront, sûrement, sur ce que nous comptons faire. A cet égard, n'ayez aucun doute : nous n'allons pas décevoir ceux qui partagent nos convictions.

Props recueillis par Dalay Lam 
image manquanteLe Calame : Pourquoi l'opposition appelle-t-elle au renversement de Mohamed Ould Abdel Aziz, président de République, élu pour cinq ans, dont elle a reconnu la légitimité ? Ne serait-il pas plus cohérent et plus politique de le battre par les urnes, au terme de son mandat, comme cela s'est passé au Sénégal ?

Mohamed Ould Borbosse : 
Merci de me donner l'occasion de répondre à ces questions d'actualité. Permettez-moi de vous préciser, d'emblée, que je suis le président de l'assise essentielle, du point de vue du nombre, de ce qui est connu sous le nom d'APP. Taxer cette majorité d'aile dissidente, plutôt que de s'en tenir à sa simple dénomination d'APP, cela revient à dire que l'APP n'existe plus, puisqu'il n'y a plus, soit dit en passant, de militants partageant ses principes et objectifs fondamentaux, en dehors d'APP/comité de crise. Cela dit et pour répondre à votre question, le "général" Aziz est parvenu au pouvoir par un coup d'une bassesse inouïe. On a parlé, à raison, de "rébellion". D'autant plus à raison que lui-même n'a pu s'empêcher de révéler les motivations de son acte, déclarant qu'il avait ainsi agi parce que Sidi avait osé le démettre de son poste. Le ridicule ne tue plus, chez nous. Ce n'est que quelques jours plus tard que son entourage s'est préoccupé de lui trouver des justifications plus politiques et plus recevables, de leur point de vue, et la raison invoquée du coup d'Etat - je voudrai dire, de la rébellion - fut la prétendue incapacité du Président Sidi à fidéliser le peuple mauritanien, en décrivant les réalités et les possibilités réelles du pays, face aux problèmes pendants.
De fait, Aziz veut instaurer une culture de l'hypocrisie et de la duperie. Un populisme qu'il n'a cessé d'entretenir jusqu'à aujourd'hui. N'a-t-il pas dit qu'il était le protecteur des pauvres ? Qu'en est-il ? Ne les a-t-il pas appauvris davantage et plus que jamais ? Quelles sont les mesures prises, vis-à-vis de la montée, fulgurante et systématisée, des prix des denrées de première nécessité et du carburant ? Qu'est-ce qui est fait, pour protéger les pauvres et les moins pauvres, face à la sécheresse et la famine, son corollaire aux aguets ?
N'a-t-il pas dit que Sidi n'avait pas su mettre un terme à la gangrène de l'Etat par la gabegie et la prévarication de son administration ? Mais Aziz a imprimé à l'Etat une mal gestion démesurée, éminemment visible et arrogante, en s'y impliquant directement, lui-même et y impliquant son entourage. Jamais, avant ce général, nous n'avons connu autant de népotisme, de clientélisme, et d'expédients contraires aux règles de base de la comptabilité publique, dans une volonté manifeste de mettre à genoux l'Etat, pour s'enrichir effrontément. Le problème n'est pas seulement qu'il ait agi de la façon la plus décriée mais c'est, surtout, qu'il vole et crie au voleur, sans avoir froid aux yeux, enfonçant, de la façon la plus cynique, les populations dans le besoin, la peur et la paupérisation.
N'a-t-il pas dit que Sidi n'était que le " pion " des amis de Taya et qu'il était en train de s'entourer d'eux, progressivement ? Mais Aziz oublie qu'il fut le premier soutien de Sidi, au grand dam de tous ses challengers ! N'a-t-il pas menacé ceux-ci de mort, s'ils gagnaient l'élection ? Et où sont les chefs des différents gouvernements de Taya, présentement ? Où sont ses ministres ? Aujourd'hui, si les amis de Taya ne sont pas ministres, conseillers, chargés de mission, ou occupent quelque autre sinécure à la Présidence, ils sont ambassadeurs, directeurs d'entreprise publique ou semi-publique, présidents de leurs conseils d'administration ou, à défaut, " élus " de notre peuple, se vendant et se revendant au plus offrant, sans scrupule aucun, oubliant, hélas, qu'ils étaient élus pour défendre les intérêts de ces pauvres populations et l'intérêt suprême de la Nation.
Aziz n'a pas été élu démocratiquement. Ni le FNDD ni le RFD n'ont reconnu sa légitimité, parce qu'il a triché, sans ambages ni détours, au vu et au su de tout le monde. Il a bafoué l'accord de Dakar qui était un " package " que le fait de renier un seul point annulait, dans son ensemble. Il l'a bafoué, faut-il le rappeler, avant même que l'élection ait eu lieu. Le Gouvernement consensuel de transition n'a été mis sur pied que dix-huit jours avant l'élection, au lieu du mois et demi prévu ; il n'avait aucune prérogative. On se rappelle bien la convocation du collège électoral par monsieur le Premier ministre Ould Mohamed Laghdaf, au grand mépris de la Constitution et de la volonté du reste du gouvernement.
Il a bafoué l'accord, en instrumentalisant les hauts cadres des forces armées et de sécurité. Une combine proscrite par l'accord de Dakar, après l'avoir été par la Constitution, et cette prohibition était une des caractéristiques essentielles du processus électoral négocié. Ces cadres furent les premiers à faire campagne pour le général et à dissuader les citoyens de voter pour autre que lui, par des menaces ouvertes et les distributions, à tout va, des deniers publics dont ils avaient la charge. Il a bafoué l'accord, en mobilisant, au service de son élection, toute l'administration, de la base au sommet et sans aucune possibilité d'équilibrage par la soi-disant tutelle.
Le scrutin à peine achevé, Aziz s'est autoproclamé vainqueur, imposant, à " son " Conseil constitutionnel, d'ignorer les recours des candidats de l'opposition. Soucieuse de l'intérêt supérieur de la Nation, l'opposition, alors que tout le monde s'attendait à sa levée de boucliers contre le pouvoir ainsi imposé, a pris sur elle de se surpasser et d'appeler à l'ouverture d'un dialogue inclusif sérieux, à même de sortir le pays de l'ornière des crises politiques, proposant une plate-forme, claire et simple, basée sur l'accord de Dakar. Aziz prétendit alors que Dakar, c'était du passé, que son accord n'avait été " concocté " que pour le faire élire et qu'il ferait tout pour dépiécer l'opposition, cette opposition de " croulants et de vieillards " qu'il entendait rajeunir, lui, en la remplaçant par " une jeunesse " à sa botte, ignorant qu'en matière de politique et de démocratie, on choisit, en toute liberté et à juste titre, son chef et que nul, fût-il Aziz le despote, ne peut prétendre choisir en place d'autrui.
Sans se lasser, l'opposition a continué à frapper à toutes les portes pour que le dialogue ait lieu. Elle a même accepté un intermédiaire, en la personne du président de l'Assemblée nationale, pour faciliter le contact. Mais, plutôt que de chercher un compromis, le général a préféré débusquer les petites faiblesses, par-ci, par-là, pour diviser l'opposition, espérant, ainsi, l'affaiblir et se donner, à lui-même, tout loisir de continuer à perpétrer ses forfaits, sans crainte. Or, l'impasse politique s'est, au contraire, renforcée, sans parvenir, cependant, à plier Ould Abdel Aziz à se raviser et à chercher à sauver son pouvoir, en acceptant de s'asseoir et de discuter, sérieusement, avec l'opposition, pour le bien du peuple mauritanien et de la Mauritanie.
L'échéance des mandats des chambres parlementaires et des conseils municipaux, les reports, anticonstitutionnels et répétés, des élections, les amendements, tout aussi anticonstitutionnels, de la Loi fondamentale : nouveaux problèmes venus se greffer sur un passif déjà fort lourd. Et pour couronner le tout, Aziz n’a-t-il pas engagé nos forces armées, nos enfants, nos frères, dans une guerre perdue d’avance et qui n’est point la leur, juste pour rendre la monnaie à certains amis de « l’Afrique » qui ont soutenu son coup d’Etat contre toute attente et toute logique ?
Le but peut-il être autre que sa volonté de distraire les mauritaniens pour oublier les problèmes qui secouent leur pays et éloigner et occuper l’armée pour contrecarrer toute velléité d’insubordination ?
Le mensonge, l'incompétence, la gabegie, l'incapacité à répondre aux besoins sociaux les plus élémentaires du citoyen (l'alimentation, la santé, l'école, les déplacements…), la banalisation des problèmes relatifs à l'unité nationale, leur négation même, comme celle de l'esclavage, n'ont pas manqué de provoquer le désaveu - que dis-je, carrément le refus - d'Aziz et de son pouvoir, un ras-le-bol qui se généralise, jour après jour et d'une moughata'a à l'autre.
Toutes ces raisons réunies - et il y en a d'autres ! - devraient largement suffire pour inciter au départ tout chef d'Etat sensé. Elles justifient, en tout cas, l'action de l'opposition en ce sens. Mais notre despote guère éclairé d'Aziz est-il capable de lucidité ? L'opposition ne cherche aucunement à renverser quiconque au pouvoir, soit-il le plus récidiviste des putschistes. Cela est contraire à ses principes et à sa morale. Mais elle participera, résolument, à la réalisation de la volonté du peuple, source et réel détenteur du pouvoir, qui réclame, par des actions pacifiques, démocratiques et responsables, le départ de celui qui ne devait pas être là.

Pensez-vous qu'avec les manifestations, l'opposition pourra atteindre cet objectif ? De quels autres moyens dispose-t-elle pour gagner le bras de fer qu'elle a engagé ?
Nous le gagnerons en manifestant. Absolument ! Qui a fait partir Ben Ali, Moubareck, Ali Abdalla Salah ? Nous souhaitons, ardemment, qu'Aziz n'oblige pas le peuple à d'autres expédients, comme les ivoiriens ont dû y recourir, pour faire partir Gbagbo, ou les Libyens, avec Ghaddafi, ou les Syriens, encore aux prise avec Béchar. L'opposition, à l'instar de tout citoyen digne de ce nom, dispose de l'essentiel pour faire partir Aziz : la volonté, la détermination, la persévérance et la confiance en soi. Avec l'amour de la Patrie et la jalousie de bien la bâtir, voilà largement de quoi atteindre le but, car il est patent qu'Aziz ne détient point tous les atouts, en main. Certes non ! Et il a bien tort de ne pas s'en soucier.

Depuis l'annonce de votre désaccord avec la direction de votre parti, vous avez décidé de conserver le nom d'APP alors que celui-ci reste, dans l'opinion publique, synonyme de " parti de Messaoud ". Pensez-vous pouvoir continuer à utiliser ce label ? Ou comptez-vous fonder un nouveau parti ?
On appartient à un parti par l'adhésion et le respect de ses principes - textes, réglementations et orientations - toutes choses auxquelles nous n'avons jamais failli. Bien au contraire, nous avons toujours fait plus que ce qu'on nous demandait et plus que quiconque, au bénéfice ultime du parti et pour redorer le blason de son chef, Messaoud. On nous en disait dauphin, ou, tout au moins, émissaire privilégié. Et d'évoquer la confiance, le sérieux, le charisme, voire la compétence. Quoiqu'il en soit, de deux choses l'une : soit nos fans d'hier et détracteurs d'aujourd'hui disaient vrai, et nous n'avons pas encore changé, toujours égal à nous-mêmes, soit ils disaient faux, et c'est eux qui n'ont pas changé, en nous taxant de ce que nous ne sommes pas. Nous n'avons jamais dit que nous quittions APP, comme nous n'avons jamais fauté pour donner l'occasion, à quiconque, de nous sanctionner. Tant le militant que le dirigeant, sincères et objectifs, devraient nous féliciter et nous récompenser, pour ce que nous avons fait et continuons à faire, au service des militants et des dirigeants d'APP, de l'APP, lui-même, et de la Mauritanie, dans toute sa diversité et ses nuances. Il n'y a rien à nous reprocher : nous sommes APP ; l'APP, c'est nous et personne plus que nous ne peut se prévaloir de cette appartenance, ni du point de vue de la représentativité sur le terrain, ni de celui de l'attachement aux textes et principes fondamentaux du parti. Nous n'avons pas troqué notre costume ni, encore moins, notre âme. Ce n'est ni de notre coutume, ni dans nos "calculs". Mais l'APP n'est qu'un instrument, pas une fin en soi, pour nous comme pour tout autre cadre politique, et les jours à venir vous édifieront, sûrement, sur ce que nous comptons faire. A cet égard, n'ayez aucun doute : nous n'allons pas décevoir ceux qui partagent nos convictions.

Props recueillis par Dalay Lam 

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