mercredi 13 mars 2019

13-03-2019 08:29 - Le Prince Ely Mustapha : "je suis de la race des seigneurs, et alors ?" | Par Pr ELY Mustapha


Le Prince Ely Mustapha :
Pr Ely Mustapha - Le descendant de Antar Ibnou Cheddad a dit: « La Mauritanie, un pays qui vit sur ses ancêtres ». Il est étonnant de vouloir être quelque chose en se référant à sa lignée. 

La Mauritanie, un pays extrêmement pauvre, qui vit une misère sociale, économique et humaine de tous les jours et tout le monde se targue d'une noblesse qui sied mal à son environnement et à ses actes. 

La question existentielle est : peut-on être si noble et vivre dans un pays si appauvri par sa « noblesse »? La noblesse est-elle dans la lignée ou dans les actes ?

Chaque mauritanien a son arbre généalogique pour faire de l'ombre à son prochain. Un pays désert où il y a tellement d'arbres qui ne produisent aucun fruit. Sinon celui d'une noblesse déplacée d'un pays déclassé dans le concert des nations.

Les mauritaniens ont excellé dans leurs références généalogiques pour prouver on ne sait plus quoi. Peut-être qu’à défaut de devenir, ils veulent être...ce qu'ils furent. Il est plus facile (sinon plus lâche) de vivre dans le passé que dans le présent. Surtout quand le présent exige des sacrifices. 

Pourquoi se réfère-t-on à son arbre généalogique en Mauritanie ?

a- La fonction socio-psychologique de vouloir prouver qu’on est bien né.

En Mauritanie, personne ne s’aventurerait à se présenter comme un znagui, ou un elheimi ou même comme un forgeron. C’est une sous race, des "intouchables, des moins que rien. Des sous-hommes et des sous-femmes… Par contre se présenter comme" d’une lignée guerrière, zouaya, chérifienne et autres c’est plus acceptable. Quand on est fils ou fille de personne, on ne doit ni apparaître ni paraître.

Il faut dire que l’ancien régime avait exacerbé cette situation où on accusait une tribu de monopoliser le pouvoir et donc la tribu a pris une importance institutionnelle particulière. Elle était devenue le refuge et le bouclier que l’on utilisait pour se défendre.

La revalorisation de l’appartenance à la tribu a éclipsé celle de l’appartenance à la nation. Mais la tribu n’est pas en elle-même un danger ce qui l’est par contre c’est de croire que par sa lignée on est plus précieux que d’autres, qu’on a un "plus" par rapport à d’autres et pire encore, qu’on est dans les grâces Dieu. Et qu’en s'annonçant comme tel on est forcément sous la bénédiction divine. Ainsi par sa descendance guerrière on sera plus aptes à guerroyer que d’autres ou par sa descendance chérifienne on est de facto béni par l’éternel.

b- Charité bien ordonnée commence par soi-même : le descendant de guerrier.

Je sus à 25 ans que j’étais de la tribu guerrière des Oulad Nasser de la fraction des « Laa'natra». Donc que j’étais un descendant direct de sa seigneurie "Antarata el Abbsy". L’inénarrable guerrier et poète, celui qui déroutait les armées par son sabre et les poètes par sa langue. (D’ailleurs ma ressemblance avec l’image de mon ancêtre, à cheval, qui accompagne cet article est frappante !)

Je le sus, hélas tardivement (cela aurait, peut-être, expliqué pourquoi je terrorisais mes petits amis d’enfance), que j’étais de sang royal et que je l’étais d’une noblesse à toute épreuve. Prouvée et signée. Donc, il n’y avait rien à dire, j’étais de la race des seigneurs. Seulement voilà, je n’avais ni cour ni de droit de cuissage sur qui ce soit.

Toutefois, je me demandais si, à force de l’éloignement de génération en génération depuis la lointaine Arabie et les croisements multiples de mes ancêtres traversant les mille et une contrées afro-berbères, en multipliant les épousailles et les alliances, si donc mon sang royal n’était pas tellement dilué que l’on n’y retrouverait à peine un globule rouge appartenant à mon illustre arrière, arrière, arrière (exponentiel) ancêtre.

Mais c’était confortable d’être de la race des seigneurs et de se dire qu’après tout c’est le nom qui compte. Et je devrais d’ailleurs réclamer à cors et à cris qu’il y a une erreur dans mon état civil et que mon vrai nom était « Mustapha Ibnou Cheddad », ou « Ould Cheddad » pour rester un peu Mauritanien; car à vrai dire si nous nous rattachions tous aux abbassides ou aux omeyyades, nous devrions émigrer ("rebrousser chemin" serait mieux) au Moyen orient.

Et nous devons faire vite pour au moins profiter du pétrole qui nous reste là-bas puisque le pétrole du pays dans lequel nous nous sommes installés est de mauvaise qualité ou plutôt la qualité de ceux qui en profitent est mauvaise.

Mais voilà, je sus aussi que ce n’est pas mon aïeul qui viendra m’apporter mon pain quotidien et qu’un nom quel qu’il soit ne nourrit pas son homme. A quoi servirait-il de déclamer que l’on est fils de seigneur si l’on n'agit pas comme les seigneurs.

A quoi sert-il de dire que l’on est descendant d’une noblesse quelconque si nos actes n’expriment ni la noblesse du geste, ni moins encore la noblesse du cœur.

Les mauritaniens devraient adopter un emblème national similaire à celui des français. : Le coq. Le coq est, dit-on, le seul animal qui chante avec les pattes dans la boue.

Se rattacher à une tribu Quraychites quelconque si ce n’est du grand Hijjaz ou tout au moins du lointain Cham ne sert à rien, car même si cela était prouvé, cela ne donnerait à aucun Mauritanien le droit d’un visa pour aller en pèlerinage…chez ses ancêtres.

Mais qu’est-ce que cela rapporte à notre pays, cette continuelle volonté de vouloir être descendant d’un "grand quelqu’un" ?

c- Des exemples publics récents : les chérifs dans les médias.

Deux cas de déclaration de lignée publiquement déclarée se retrouvent dans des interviews « historiques ». Celle officielle accordée par l’épouse d’un ancien Président de la République à un journal et celle déclamée dans un article par un ancien directeur général de la SNIM.

A une question posée par un journal qui l’interviewait la première dame répondît ainsi :

« Vous conviendrez avec moi qu’il n’est point aisé de se présenter soi-même, mais je tâcherai quand même de le faire. Je suis Khattou Bint El boukhary, descendante d’une lignée Chérif ».

D’autre part, un ancien directeur général de la SNIM, parlant de lui-même à l’occasion d’une réponse au chef de l’Etat écrivit: « (...) C’est cependant toujours le même homme, fier de son origine Quraïchite par son aïeul éponyme paternel Abderrahmane Rakkaz et son aïeul Menny (pseudonyme de Fatimetou), fille de l’Imam El Hadramy, de l’épopée de Boubakar Ben Amer et ses compagnons et de l’histoire de la confédération tribale Idoïch ( …) ».

On comprend alors comment la SNIM fut gérée.

Mais les exemples peuvent être multipliés car chaque mauritanien s’attache à son origine et peut souvent remonter très loin dans son arbre généalogique.

Connaître ses racines est une bonne chose. Car on ne peut, dit-on, connaître où l’on va si l’on ne sait pas d’où l’on vient.

Cependant, le Mauritanien s’en sert pour entrainer une présomption de bonne foi à son égard. On est de telle lignée ou de telle autre donc forcément on est dans une situation meilleure que les autres. Si ce n'était pas le cas, pourquoi s’évertue-t-on alors à déclamer sa lignée patriarcale ou matriarcale ?

La question est d’autant plus grave qu’elle peut même être constitutive d’une hérésie car Dieu n’a-t-il pas dît que le plus proche de Dieu est le plus croyant d’entre-vous.

إن أكرمكم عند اللهِ أتقاكم)

Et cette croyance en Dieu, signifie que l’on souscrit à toutes les prescriptions de notre sainte religion.

Prescriptions qui mettent l’homme dans un perpétuel jugement par rapport à ses actes et non par rapport à sa lignée ou à sa descendance... Que vous soyez descendant direct de tous les rois d’orient ou d’occident ou de tous les saints de la terre, vous ne pouvez vous prévaloir de cette lignée pour justifier vos actes ni devant Dieu ni devant les hommes.

Que les Mauritaniens comprennent que les puissantes nations d’aujourd’hui se sont bâties justement en reconnaissant que tout développement se doit d’être bâti sur l’humain et autour de l’humain, détaché de tout préjugé quant à ses origines ou à sa descendance. Et que le plus valeureux de leurs ancêtres n’est pas un prétexte pour justifier une mauvaise guerre et que le plus chérif de leurs ancêtres n’est pas un prétexte pour prouver sa bonne foi. Car qu'adviendrait-il alors des lois, de la nation et de l'Etat ?

Sinon une concentration d’humains qui chantent les louanges de leur lignée ancestrale dans une misère qu'ils tirent directement de la lignée de leurs actes.

A force de clamer que nous sommes de la race des seigneurs, ne sommes-nous pas devenus (par nos actes d’appauvrissement de notre pays, d’avilissement de notre prochain par sa couleur et sa race, par nos actes qui détruisent toute une nation qui saigne dans son présent et son avenir), plutôt de la race des saigneurs ?

كن ابن من شئت واكتسب أدباً
يُغْنِيكَ مَحْمُودُهُ عَنِ النَّسَبِ

فليس يغني الحسيب نسبته
بلا لسانٍ له ولا أدب

إن الفتى من يقول ها أنا ذا
ليسَ الفَتَى مَنْ يقولُ كان أبي

Pr(ince) ELY Mustapha (Ould Antar Ibnou Cheddad). 


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Source : Pr ELY Mustapha

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