vendredi 7 octobre 2011

Gouvernement: Une communication en berne



Entre les problèmes sécuritaires liés à Al Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI), ceux du recensement, le dialogue national, le retour des réfugiés, sur les industries extractives, entre autres, le gouvernement de Mohamed Ould Abdel Aziz a en commun dans la gestion de ces dossier, la difficulté de répondre aux impératifs de la communication «en temps et en heure».

Dans un monde globalisé, où l'information et la communication de celle-ci sont reines, communiquer à temps est un impératif pour les entreprises, les institutions, mais aussi et surtout pour les états eux-mêmes. En Mauritanie, la transition démocratique ne s'est pas forcément accompagnée d'une communication liée à une transparence de l'action gouvernementale.

Un retard persistant dans la communication qui est un héritage de l'opacité des régimes précédents, pour qui cet exercice étaient «inutile», selon un ancien chargé de la communication d'un des ministères. «Ely Ould Mohamed Vall avait programmé la mise en place dans chaque structure administrative, dans chaque ministère, une antenne dynamique de communication pour accompagner et faciliter l'accès à l'information des journalistes.
Mais c'est resté lettre morte il faut le reconnaître. Aucun ministère aujourd'hui ne dispose d'une antenne de communication digne de ce nom» continue l'ancien chargé de la communication, qui a requis l'anonymat.

Et jamais un gouvernement n'a autant symbolisé ce manque de communication, que le gouvernement actuel. À travers la guerre livrée à AQMI par exemple, il y a en son sein, une autre guerre, celle de l'information. Et sur celle-ci, les terroristes ont sûrement un train d'avance sur l'état mauritanien qui, la plupart du temps était en réaction aux communiqués de l'organisation terroriste maghrébine. Le dernier «retard» en date fait suite à «l'accrochage» deWagadou, à la frontière malienne: Dans la nuit du vendredi au samedi 25 juin 2011 un accrochage avait lieu entre AQMI et l'armée mauritanienne.

Plus de 24h après, le flou persistait encore au sujet du bilan des combats. AQMI de son côté agissait en premier en affirmant que «vingt soldats mauritaniens avaient été tués et douze véhicules détruits». Un flou, et un manque flagrant de communication de la part de l'état mauritanien qui a laissé courir l'idée que les islamistes tenaient désormais tête aux armées régulières de la région du Sahel. Ce ne sera que 48h plus tard, que le ministère de la défense réagira, et se fendra d'un communiqué, écrit sur des œufs, où il précise que «l'opération contre AQMI a été une réussite».

Le summum de la non-communication avec le recensement

La campagne d'enrôlement débuté depuis quatre mois et qui a pour but le fichage transparent dans l'état-civil de tous les mauritaniens, pour un accord avec la nouvelle donne sécuritaire mondiale, est un impératif de l'avis de tout le monde. Mais les moyens mis en place, particulièrement la sensibilisation et la communication efficaces sur cette opération ont été «bâclés, voire minimalistes» explique Papis N'Diaye, du mouvement touches pas à ma nationalité.

Les boîtes de communication acquiescent. «Le manque de communication dans la campagne d'enrôlement a contribué à attiser les suspicions sur les raisons de ce recensement. On aurait pu faire l'économie de toute cette pagaille, et de rouvrir certaines plaies si on avait convenablement communiqué sur le pourquoi et le comment de ce recensement; par une vaste campagne de sensibilisation; expliquer clairement et sereinement au gens où on va avec ce recensement, comment y va, et pourquoi on y va. Et la pilule serait passée» explique, persuadé, un jeune PDG d'une boîte de communication locale.

«Aujourd'hui, ils prétendent la faire cette communication; mais de quelle manière? Des tables-rondes indigestes à la télévision que personne ne regarde» continue le président directeur général, qui reste convaincu, que les boîtes de communications nationales auraient dû être consultées.

Un silence qui relève d'une méthode de gouverner

Les mêmes critiques peuvent être faites dans d'innombrables autres cas issus de ces trois dernières années. Comme la réforme du code de la route élaboré et annoncé en grandes pompes dans les couloirs du ministère des transports, depuis ce projet de réforme important, existe entre chuchotements et rumeurs. L'état n'a ni sensibilisé ni informé de manière cohérente, les automobilistes de ce virage majeur dans leurs habitudes routières.

Ou encore lors des bagarres entre syndicats étudiants, qui a dégénéré en une bagarre généralisée inter-ethnique qui a rapidement réveillé les démons du passé, on a attendu une réaction, un mot du Président, garant de la paix et de la cohésion sociale. Mais pas une voyelle.

Sur la question des terres à Bababé notamment, attribuées aux saoudiens et ailleurs à d'autres pays, le défaut de communication a ravivé des tensions dans une zone géographique qui a payé un lourd tribut lors des évènements de 1989. qu'est-ce que ça couterait, si l'affaire est transparente et dans l'intérêt des mauritaniens, à ce que le projet d'établissement d'une entreprise alimentaire saoudienne dans la zone, soit expliqué, clarifié, et se concerter avec les notables locaux? Mais là encore, que rumeurs, et les points de vue des habitants. Silence radio du côté de l'exécutif.

On se souvient encore du protocole d'accord de pêche entre l'état mauritanien et la multinationale chinoise Poly Hong Dong. Fameux protocole qui a débouché sur la fameuse convention qui accorde à ladite multinationale le droit de pêcher dans les eaux mauritaniennes durant 25 ans sans contrôle quasiment, en échange d'un investissement de 100 millions de dollars sur cette période et autres avantages, que l'opposition à l'assemblée nationale qualifiait de "dérisoires". Là encore, le doigt était mis sur des avenants inconnus du public, et autour desquels, sans paranoïa, les gens s'inquiétaient, après le scandale des avenants deWoodside, il y a cinq ans maintenant. Là encore, Une communication aurait été salutaire, si ces avenants ne nuisent pas à l'intérêt suprême des mauritaniens.

Idem avec le projet de l'arabisation qui a secoué l'administration du pays il y a un an et demi. «Le silence du Président est un silence au début qu'on peut, à défaut de comprendre, justifier: il essaie de rester au-dessus de la mêlée, d'être le Président de tous les mauritaniens. Mais devant des évènements aussi graves que les bagarres à l'université de Nouakchott, le sujet sur l'arabisation et surtout le recensement actuel, son silence est perçu comme un silence coupable. D'autant plus qu'on sait pertinemment que rien, absolument rien n'est fait dans aucun ministère de ce pays aujourd'hui sans l'aval express, voire un ordre direct du Raïs. Du coup les écueils de son gouvernement reçoivent son aval par son silence» argumente un maîtrisard de la faculté de sociologie.

Mamoudou Lamine Kane





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