mercredi 10 août 2011

Conscience et Résistance : Note d'information - Le fichier de la honte



Officiellement lancé depuis le 28 novembre 2010, date du cinquantenaire de l’Indépendance, le Recensement Général de la Population est entré dans sa phase active, au premier semestre de l’année suivante.

Jusqu’ici, il concerne, uniquement, la tranche d’âge des plus de 45 ans, munis d'un extrait du registre d’acte de naissance ou d’une pièce d'identité, documents parfois soumis à la contestation, par les agents, malgré leur caractère prétendu infalsifiable.

La répétition d’une série d’autres incidents, jette le discrédit sur l’ensemble du processus et compromet le résultat d’une opération dont l’amateurisme et les motivations inavouées alimentent le soupçon de racisme.
I. Le contexte

Les derniers essais de 1994, 2000 puis de 2000 - lequel incluait d’ailleurs le thème de l’habitat - enfin de 2001 réservé aux nomades, soulevaient, alors, des critiques d’ordre méthodologique. Dans tout exercice du genre, il importe de se préserver de toutes les erreurs conditions susceptibles de produire de l’exclusion ou du comptable double.

C’est ainsi que les étapes de la cartographie censitaire, du dénombrement pilote et de la campagne et de sensibilisation contribuent à limiter le risque, d’où leur importance quand à la fiabilité des données consolidées. De tels soins s’avèrent d’autant plus indispensables à la crédibilité de la collecte et du traitement des démographiques que la Mauritanie est sujette à des obligations internationales, omises par les nouvelles autorités, soit par ignorance soit de mauvaise foi.

En août 2004 à Genève, le Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination raciale recommandait, (Cerd) examinait le rapport périodique de laMauritanie et sa réfutation par les organisations de défense des droits de l’Homme ; la comparaison des deux textes laissait apparaître la permanence, aux fondements de l’ordre social, des inégalités de fait qui déterminent l’allocation préférentielle des ressources et, partant, l’exercice du pouvoir.

Aux niveaux matériel, administratif, militaire, linguistique et religieux, la règle des 4/5 accorde, aux élites de l’ethnie arabo-berbère, un quasi monopole sur tous les leviers de l’autorité physique, morale et statutaire au détriment des ethnies négro-africaines et des descendants d’esclaves dit Hratin, le groupe le plus important du point de vue du nombre et, pourtant, le moins représenté à tous les niveaux de l’Etat.

Le Cerd recommandait, alors, à la Mauritanie de fournir des statistiques fiables sur le pourcentage respectifs des deux communautés, au sein de la population globale ; le calcul devait faciliter un ambitieux dessein de discrimination positive au profit de toutes les victimes de l’esclavage et des déportations de 1989-91.

II. L’enjeu

A partir de cette injonction, germait, dans le noyau de la dictature de Ould Taya, constitué par l’ossature du système de sécurité actuellement au pouvoir en Mauritanie, l’idée d’un recensement « maîtrisé » qui démontrerait, de manière irréfutable, le fondement majoritaire de la prééminence arabe, à la fois sur le plan ethnique et linguistique. Les coups d’états militaires ont balayé les initiateurs mais le concept et les auteurs chargés de sa mise en œuvre sont restés aux commandes puis parvinrent au pouvoir, un certain 6 août 2008 ; aujourd’hui, ce qui relevait d’un projet à visée idéologique s’est doublé de stratégies d’évitement, purement vénales, comme le pays en subit, lors de l’attribution des marchés publics.

Finalement, la mission est confiée, sur des critères de népotisme, à des individus proches du Président de la République Mohamed Ould Abdel Aziz mais, dénués d’expérience dans le domaine. Ainsi, à la volonté d’exclusion s’est conjuguée l’incurie et la suspicion légitime de détournement. Il ne s’agissait plus seulement d’un dénombrement biaisé mais d’une « affaire » qui rapporte, sur le mode courant de l’opacité.

D’autres part, l’accumulation des ratés techniques a atteint un degré tel que Mohamed El Hady Macina, Secrétaire général du Ministère de l’Intérieur et de la décentralisation, a été dépêché, début juillet, au Canada, siège de l’entreprise prestataire. Le 20 du même mois, sur les ondes de la Télévision de Mauritanie (Tvm), unique chaine nationale, il se livrait, avec d’autres fonctionnaires en charge du dossier, à un exercice de vulgarisation aux fins de rassurer la population. Le gouvernement mauritanien se défend des accusations de négligence et plaide la mise en place d’un «état civil « moderne, sécurisé, basé sur la biométrie ». Pour l’instant, la dénégation ne convainc.

II. Les faits

Entretemps, une dame Ouedraogo et un Monsieur Cherif, pourtant bien connus des services de l’administration, ont été versés à la vérification par le juge, pour défaut de patronyme ; les deux cas, parmi des centaines d’autres, défrayèrent la chronique locale. A un niveau moins anecdotique, Conscience et Résistance authentifie, dans la conduite du processus, des griefs de gravité variable.

a. Caractère mono-ethnique de la supervision et de l’exécution ; sur, sur 53 chefs de centres, seuls 6 sont non hassanophones d’où les difficultés de communication avec les populations négro-africaines ; le fameux Comité de pilotage de l'Agence, compte 1 négro-mauritanien et 11 bidhane, d’origine arabo-berbère ;

b. La fiche de renseignement dénie, aux descendants d’esclaves, toute identité propre ; elle les fige dans le champ linguistique arabe, ce qui réduit, de manière délibérée, la diversité culturelle du pays et accorde, à l’hégémonie du groupe au pouvoir, un supplément de légitimité ;

c. Le même déni, aggravé d’omission pure et simple, s’étend aux mauritaniens d’ascendance Bambara que le formulaire ne prévoit même pas, gommant ainsi un pan entier du patrimoine culturel et humain de la Mauritanie.

d. Tous les usagers à patronyme non arabophone se retrouvent soumis à un questionnaire spécifique qui comporte l’obligation de citer les noms de notables ou de maires de leur région, généralement des agents de la dictature de Ould Taya. Certains, quoique non locuteurs de la langue officielle, ils doivent réciter des versets du Coran comme si la religion et sa pratique étaient constitutives de la nationalité mauritanienne.

e. Des candidats du centre de Bababé n’ont pas pu convaincre, les agents recenseurs, de leur « mauritanité » ; ils sont alors dirigés vers le Cadi, autorité judiciaire supposée les aider à rassembler les preuves ; or, ce dernier, jusqu’ici, a renvoyé tous les pétitionnaires auprès du Procureur siégeant à Aleg. Cette série de tracasseries participe du découragement et de la démoralisation et s’applique, sans ambiguïté possible, aux composantes non arabophones.

IV. Notre position

De ce qui précède, Conscience et Résistance établit le constat d’un traitement d’exclusion certes inavoué mais aux indices concordants. En conséquence, l’Organisation :

1. Engage, tous les mauritaniens, au boycott actif de la consultation tant qu’elle ne répondrait aux standards consensuels et respecterait les recommandations formulées par le Cerd, le décembre 2004 ;

2. Demande, à l’ensemble des partenaires extérieurs de la Mauritanie, de cesser toute collaboration au Recensement Général, sous peine de cautionner une tentative de marginalisation « ethniciste » et aux conséquences prévisibles sur le devenir de la paix civile.

Pour Conscience et Résistance , Elarby Ould Saleck, Porte-parole

Nouakchott, le 10 août 2011
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1. C,9 : « L’État partie devrait procéder à un recensement de la population plus précis, sans se limiter aux seuls éléments linguistiques, et produire des indicateurs plus détaillés, ventilés selon l’ascendance ou l’origine ethnique. Le Comité recommande à l’État partie de mener des enquêtes ciblées, sur la base d’une identification volontaire, permettant de déterminer la situation dans laquelle se trouvent les divers groupes relevant de la définition formulée à l’article premier de la Convention, et de lui fournir le résultat de ces enquêtes dans son prochain rapport. In Soixante-cinquième session 2-22 août 2004, Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale : Mauritania. 10/12/2004. CERD/C/65/CO/5. (Concluding Observations/Comments). 

2. Association non reconnue.





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