dimanche 4 mars 2018

04-03-2018 08:29 - Sahel : Le développement évite l’importation de l’Islam radical (Général Foucaud)


Sahel : Le développement évite l’importation de l’Islam radical (Général Foucaud)
Alakhbar - Le général Marc Foucaud, ancien commandement de la force française au nord du Mali, Serval (août 2013-2014) est "persuadé que le développement est une des solutions pour éviter l’importation de l’Islam radical".

« Je m’intéresse toujours à la sécurité. Mais la partie développement est - pour moi - une des solutions devant accompagner le pilier sécuritaire », explique Marc Foucaud dans cette interview accordée à Alakhbar.

Le général Marc Foucaud, qui a eu à assurer le contrôle opérationnel de la force Épervier, au Tchad, revient aussi sur la question du tourisme notamment en Mauritanie.

ALAKHBAR : Quel bilan faites-vous de votre expérience militaire au Sahel ?

Marc Foucaud : Globalement, il y a des pays où la situation est très satisfaisante. Dans d’autres, la situation est largement perfectible, notamment ici au Mali. Mais globalement l’expérience est - pour moi- enrichissante, tant sur le plan humain que professionnel. Je pense désormais avoir une petite idée de la manière dont les choses se fassent au Sahel et -peut-être- avoir quelques avis et recommandations dans le domaine de la sécurité, mais pas uniquement. Je suis persuadé que la sécurité est une chose ; mais que cela passe également par le développement d’un nombre d’activités au profit des populations notamment le tourisme en Mauritanie qui est un projet que j’ai soutenu avec beaucoup d’énergie. C’est une chose en laquelle je crois beaucoup.

ALAKHBAR_ Comment vous évaluez le niveau de coopération des services de renseignement des pays du Sahel ?

Marc Foucaud : On partait de zéro en 2013. Chaque armée travaillait au niveau national. Petit à petit, nous avons progressé et travaillé de manière binationale. Je pense que là, nous arrivons - avec le G5 Sahel - à un niveau très intéressant. Il faut que le G5 Sahel marche. Je crois que c’est la solution pour sortir de la crise, en tout cas pour améliorer la situation sécuritaire. Bien évidemment la Mauritanie à un rôle particulier dans ce G5.

ALAKHBAR_ Vous faites une transition vers le tourisme. Cela veut dire que l’approche militaire ne suffit pas pour vaincre le radicalisme ?

Marc Foucaud : J’ai passé 37 années au sein de l’institution militaire. J’éprouve énormément de satisfaction. C’est une part importante de ma vie. Je garde un souvenir extraordinaire globalement. Maintenant, j’ai souhaité – après avoir quitté le service actif- faire autre chose, en particulier participer au développement du Sahel. Je suis persuadé que le développement est une des solutions pour éviter l’importation de l’Islam radical. Ce développement peut être le tourisme en Mauritanie, des fermes solaires ailleurs ou d’autres projets. Ce n’est pas parce que j’estime que la sécurité n’est plus mon problème. Je m’intéresse toujours à la sécurité. Mais la partie développement c’est pour moi une des solutions devant accompagner le pilier sécuritaire.

ALAKHBAR_ Il y a eu récemment la reprise des vols de Point Afrique. Quelles sont les dispositions prises pour ramener les touristes dans l’Adrar mauritanien, par exemple ?

Marc Foucaud : Je pense qu’Il y a eu une démarche au niveau français pour faire en sorte que la carte sécuritaire de la Mauritanie évolue et qu’on sorte de la zone rouge interdite au tourisme. Ensuite, il a fallu un gros travail au niveau de la Mauritanie et du Gouvernement mauritanien. Je dois avouer que l’ensemble des acteurs mauritaniens avec les quels nous avons traité nous ont beaucoup aidés. Ils ont appuyé nos démarches. C’était une affaire francise : l’ambassadeur de France, Joël Meyer, en particulier a joué un rôle déterminant. Il s’est engagé derrière ce projet, comme nous. Il nous a soutenu. Mais les autorités mauritaniennes : le Président Mohamed Ould Abdel Aziz, le général Ghazwani (le Général de Division Mohamed Ould Cheikh Mohamed Ahmed, Chef d’Etat-major Général des Armées), la ministre du Tourisme et le ministre de l’Economie et des Finances, tout le monde à vraiment travaillé dans le même sens. C’est comme ça qu’on gagne, quand tout le monde tire dans le même sens.

ALAKHBAR_ Plus concrètement, qu’est ce que vous envisagez pour renforcer le tourisme ?

Marc Foucaud : Nous allons faire le bilan de la première année de tourisme pour voir effectivement qu’est ce que cela a donné. Les résultats pour le moment sont très satisfaisants. Je pense que la population de l’Adrar et les autorités de cette région - comme le reste des autorités mauritaniennes- y sont pour quelques choses. L’accueil qui a été réservé aux premiers touristes arrivés pour Noël a été exceptionnel. Il y a des gens qui viennent parce qu’ils aiment le désert et la population. Voilà. Ils font le tourisme écologique et pas le tourisme qui pollue. Donc cela se passe en bonne intelligence. Les gens savent ce que cela peut leur rapporter. Six (6) mois de tourisme c’est une année de vie pour l’ensemble de la population de l’Adrar. Il ne faut pas l’oublier cela ; il faut faire le maximum pour qu’il soit préservé en terme de mesure de sécurité et faire en sorte que toute attaque soit impossible. Les populations sont directement concernées. Les forces de sécurité également. Mais, c’est bien tout le monde qui doit préserver ce tourisme.

ALAKHBAR_ Quels sont les obstacles militaires que vous avez eu à faire face au Sahel ?

Marc Foucaud : (Rire) s’il n’y avait pas de difficultés il n’y aurait pas de militaires. Bien sûr, nous avons rencontré des difficultés. Nous sommes payés pour résoudre des problèmes et pour dépasser ces difficultés. En tout état de cause, nous pouvons vous assurer qu’en Mauritanie nous n’avons jamais eu de problèmes. Nous nous félicitons des liens qui ont pu exister entre l’armée française et l’armée mauritanienne pour lesquelles nous avons une bonne affection. Des problèmes ? Oui. Nous avons perdu des soldats. Les opérations c’est quelque chose de très engageant mais aussi une expérience exceptionnelle.

ALAKHBAR_ Pouvez-vous nous livrer quelques chiffres sur le tourisme ?

Marc Foucaud : Il faudra voir. Mais globalement l’affaire se présente bien. Nous allons tirer les leçons - avec les autorités mauritaniennes - de cette première expérience. Si cela marche bien, il me semble que la ministre du Tourisme va l’étendre à d’autres zones. Mais au-delà de cette affaire, la Mauritanie dispose de ressources exceptionnelles qu’il faut exploiter et valoriser : la pêche, l’agriculture, l’élevage, etc. La France a un savoir faire bien particulier en la matière. Moi, j’aimerais bien continuer à travailler avec la Mauritanie et d’avoir des projets intéressants.

ALAKHBAR_ Malgré cette avancée marquée par le routeur des touristes, il y a encore des zones restées rouges?

Marc Foucaud : Il y a encore des zones qui sont en rouges. Tout se fait de minière progressive. Paris ne s’est pas fait en un seul jour. C’est une première expérience. Si elle s’avère positive, je pense qu’elle sera étendue.

ALAKHBAR_ Est-ce que Serval a rempli sa mission ?

Marc Foucaud :
 Vis-à-vis des groupes (islamistes armés), je pense que nous leur avons maintenu la tête sous l’eau. Maintenant, on a pris du retard dans la formation des armées régionales et je crois qu’il y a encore beaucoup d’efforts à faire. Le G5 pour moi doit passer au braquet supérieur. On doit tirer tout le monde et toutes ses armées vers le haut. Je crois en l’armée burkinabé, je crois en l’armée nigérienne. Et il faut que l’armée malienne se mette au niveau des autres. L’armée mauritanienne et l’armée tchadienne sont déjà pleinement opérationnelles. Le travail qui a été fait en Mauritanie est notamment lié à une vraie volonté politique d’assurer la sécurité de tous les citoyens mauritaniens. C’est important. Il n’y a pas de politique sans volonté et sans stratégie. Chez-vous (en Mauritanie) vous avez une stratégie.

ALAKHBAR : En tant qu’ancien chef d’opérations, que conseillez-vous au commandement de la Force conjointe du G5 Sahel ?

Marc Foucaud : Je suis très humble, parce que le problème est très complexe. Mais ce qui est sûr c’est qu’il n’y a pas d’autres alternatives que le G5. Il faut apprendre à travailler ensemble, à se coordonner, à être interopérable et à être efficace sur le terrain. Il faut s’adapter, être réactif et avoir une force morale de vainqueur.




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