dimanche 3 juin 2012

Lettre ouverte à Monsieur le Représentant du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA).


Monsieur,
Comme il est d’usage d’interpeller certaines personnalités sur des situations préoccupantes, nous usons aujourd’hui de cette tradition par le biais de la présente lettre.

Monsieur le Représentant, partenaire occasionnel de certaines agences dusystème des Nations Unies (SNU) enMauritanie, nous sommes toujours attentifs à ce qui se passe dans ces agences. Nous sommes familiers du PNUDet de l’UNICEF pour avoir collaboré avec eux.

Nous connaissons bien le Fonds de Nations Unies pour la population (UNFPA) avec lequel nous avons le plus collaboré et collaborons toujours (notre dernier contrat avec cette agence remonte seulement à Octobre 2011) et ce, depuis que le bureau ne comptait que le représentant et un groupe restreint de collaborateurs.

Les visites que nous effectuions aux sièges de ces agences et les séances de travail que nous y tenions avec certains de leurs fonctionnaires ont été l’occasion pour nous de connaitre personnellement plusieurs de leurs représentants ainsi que beaucoup de leurs collaborateurs. Hélas beaucoup sont partis. Pendant que d’autres sont toujours là et chaque fois que nous les croisons c’est un plaisir pour nous.

Dès nos premiers travaux avec ces agences, nous avons grâce à l’originalité de notre support de sensibilisation (théâtre de proximité) grâce aussi au capital de sympathie dont bénéficient les éléments de notre troupe sur le plan national gagné leurs confiances ce qui constitue pour nous une référence ISO. 

Cette familiarité entre les agences et nous, n’a jamais cependant influée sur l’évaluation sans complaisance de nos requêtes par les chargés de programme destinataires. Elle a permis plutôt à ces agences de nous connaitre, de découvrir le sérieux avec lequel nous travaillons et surtout de constater de visu que le support (théâtre) que nous utilisons draine des foules nombreuses. L’attention que nous prêtons à ces agences, nous la trainons avec nous depuis plus de deux décennies pour avoir souvent collaboré avec elles tout le long de cette période ce qui fait de nous donc des témoins.

Il faut dire que le contexte dans lequel nous avons vu ces agences évoluer pour la première fois était extrêmement difficile. La Mauritanie dont la population est majoritairement analphabète n’était pas favorable à changer de comportement. Par exemple dans le domaine de la santé de reproduction l’Etat craignant une réaction des leaders religieux permettait à peine d’évoquer le planning familial. Pour prodiguer de petits conseils de planning familial dans les centres de santé, le FNUAP marchait sur des œufs.

D’autre part, au début des années 90, les campagnes de vaccination visant les femmes en âge de procréer (14-44ans) étaient considérées par certaines rumeurs comme visant plutôt à stériliser celles-ci sur recommandation du FMI qui est le premier créancier des pays sous développés.

A cette époque les accouchements étaient des hécatombes. Le pourcentage de scolarisation des filles était insignifiant. Les mariages précoces étaient répandus au sein de la société mauritanienne. La pauvreté était le lot quotidien d’une grande partie de la population. L’environnement se dégradait jour après jour dans l’indifférence générale.

Par ailleurs chaque saison sèche drainait avec elle son épidémie de choléra. Les diarrhées étaient chroniques chez les enfants de moins de 5 ans. Il fallait proscrire le biberon et populariser l’allaitement maternel. La convention des Droits de l’Enfant venait d’être adoptée. Il fallait la vulgariser le plus possible.

Devant l’ampleur du chantier, les représentants de ces agences particulièrement le FNUAP et l’UNICEF ne cantonnèrent pas la coopération de leur agence seulement avec les services gouvernementaux. Ils ouvrirent leur bureau à tous les visiteurs pour pouvoir intervenir là où c’est nécessaire. En plus donc des représentants du gouvernement, ils recevèrent des parlementaires, des membres de la société civile, des élus locaux, des notabilités, des leaders religieux etc...

Un peu plus bas dans la hiérarchie de ces agences, les chargés de programmes qui constituent l’interface entre les autorités du pays hôte du bureau et la société civile, se sont investis en élaborant des plaidoyers pour faire profiter notre pays de financements utiles dont l’objectif final est l’amélioration des conditions de vie des populations.

En ce temps avec un budget annuel à peine suffisant pour le paiement des salaires des fonctionnaires de l’Etat et le fonctionnement de l’administration dont d’ailleurs chaque année une grande partie est purement et simplement détournée ; l’Etat mauritanien a pu cependant bénéficier de l’implantation d’infrastructures socio-sanitaires et socio-éducatives importantes grâce au soutien de ces agences.

Cette époque a connu une intense activité de ces agences dans la lutte contre le sous développement dans le domaine social en Mauritanie. De Tichit à Kiffa en passant par leTrarza, le Brakna, les deux Hodhs et la Vallée, ces chefs d’agence et leurs collaborateurs traversaient de long à large le pays en apportant à chaque fois un plus aux conditions de vie des populations.

Nous rendons ici un hommage aux chauffeurs du FNUAP et de l’UNICEF que nous avons eu l’occasion de rencontrer au cours de missions communes. Aussi bien en période de chaleur sous des températures caniculaires, qu’en période d’hivernage sur des routes impraticables, ils ont aiguillés dans l’endurance et la courtoisie des dizaines de missions à travers le vaste territoire mauritanien. Tantôt ils convoyaient le chef de bureau, tantôt une mission de New York, tantôt des chargés de programmes, tantôt des consultants qui doivent prendre part à un séminaire ou autre.

L’apport financier de ces agences pour soutenir les politiques de développement enMauritanie et la pertinence des approches qu’elles proposent en vue de l’amélioration des conditions de vie des populations ont crée un dynamisme au niveau des départements gouvernementaux et de la société civile concernées par les problèmes de population.

Sous son impulsion et à travers des séminaires de formation et de renforcement des capacités et à travers également des stages de formation à l’étranger à sa charge, le FNUAP a œuvré à l’émergence au sein des ministères partenaires et au sein aussi d’Organisations de la société civile d’une génération de fonctionnaires spécialistes (ou tout au moins suffisamment imprégnés) de problème de population et de développement. Ce renforcement de capacités a permis aux administrations et aux organisations bénéficiaires de disposer d’une expertise interne capable d’élaborer des plans d’action et des stratégies.

Bien que chaque agence du système des Nations Unies est souveraine et peut choisir ses partenaires pour l’exécution de ses projets, le SNU en Mauritanie a convenu avec le gouvernement Mauritanien de la création d’un cadre de concertation permanent : coopérationSNU – Gouvernement Mauritanien.

C’est ainsi que la commission nationale de population (CNP) a été créée et regroupe des représentants des agences du système des Nations Unies, des représentants des départements gouvernementaux et de la société civile partenaires de ces agences. Etant donné que le FNUAP est l’agence dont le spectre d’intervention dans le soutien des politiques gouvernementales en matière de population et de développement et le plus large ; il s’est tout de suite investi comme parrain de fait de cette commission en collégialité avec son interlocuteur gouvernemental et à la fois son premier partenaire : le Ministère des Affaires Economiques et du Développement.

Malgré des tendances chez certains chargés de programme, dans ces agences a vouloir travailler en solo, la commission nationale de population demeure grâce au soutien de ses parrains un cadre de concertation utile particulièrement à la veille d’échéances importantes dans la vie du SNU comme la célébration de la journée des Nations Unies et la célébration de la journée Mondiale de Population.

Cette implication bénéfique des agences dans le soutien des politiques gouvernementales de développement a eu deux avantages collatéraux majeurs. D’abord la réhabilitation du concept de la communication. A titre d’exemple, le Ministère de la Santé a profité de cette période pour mettre sur pied une véritable structure de communication.

En effet, à la place d’un petit bureau logé quelque part dans le ministère, le service de l’éducation pour la santé (EPS c’est le nom officiel du service de la communication du Ministère de la Santé) s’est fait construire une bâtisse imposante comprenant des bureaux fonctionnels, des salles d’informatiques équipées, des salles de réunions, des salles d’ateliers pour les séminaires, à côté du dispensaire de Sebkha. 

Un personnel d’une trentaine de personnes environ comprenant des docteurs, des infirmiers, des sages-femmes, des techniciens supérieurs de santé ont été formés sur les techniques de communication et affecté à cette structure. Le deuxième avantage collatéral de cette période est l’implication effective des organisations de la société civile dans toutes les activités qu’entreprennent ces agences. Cette décision illustre le soutien des agences du SNU pour l’éclosion et l’implication des ONGs dans les politiques de développement en Mauritanie. 

Profitant de cette opportunité offerte aux associations de la société civile, et dopée par ailleurs par une certaine notoriété sur la scène théâtrale nationale ; notre troupe sera retenue par la commission nationale de population pour la conception et l’organisation d’une soirée culturelle et artistique à Kiffa dans le cadre de la célébration de la JMP. 

L’année 1999 était importante dans la vie du SNU en Mauritanie. Cette année là, la célébration de la de la journée mondiale de la population sera délocalisée pour la première fois deNouakchott à Kiffa – Kiffa ou sera délocalisée plus tard une antenne du SNU. Cette année là aussi, la population mondiale devait atteindre en Octobre 1999 le cap des 6 Milliards d’individus.

C’est donc au cours de cette année pleine de symboles pour le SNU que nos relations avec leFNUAP vont se renforcer davantage. Comme convenu donc, nous arrivons à Kiffa pour honorer notre contrat. Le jour J nous organisons la soirée culturelle et artistique en présence de personnalités officielles dont notamment le Wali de l’Assaba de l’époque (l’actuel Ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation), du représentant du FNUAP à l’époque aussi Mr Claude Polet, les autorités administratives et municipales locales et quelques membres de la commission nationale de population.

La présence de notre troupe ce soir là à Kiffa a engendrée un afflux massif de spectateurs. A la fin du spectacle qui a été caractérisé par une défectuosité flagrante de la sonorisation, le représentant du FNUAP me fait appeler par l’un de ses collaborateurs. Après m’avoir déclaré qu’il a été surpris par l’affluence massive des spectateurs il me demande de prendre contact avec le bureau après notre retour à Nouakchott.

Nouakchott, il me dit en présence de l’un de ces plus proches collaborateurs que, considérant l’apport positif de notre troupe dans la réussite de la JMP à Kiffa, le bureau deFNUAP a décidé de nous accorder un appui pour renforcer nos capacités de mobilisation sociale.

Quelques mois plus tard, nous avons réceptionné au cours d’une cérémonie officielle organisée au Ministère de la Culture un don équivalent à presque 5 Millions d’Ouguiyas en matériel de sonorisation offert par le FNUAP. Un peu plus tard, toujours sur l’initiative propre duFNUAP le bureau nous a accordé un nouvel appui sous forme de générateur.

Aujourd’hui ce matériel de sonorisation et le générateur marche normalement et sont entreposés dans notre siège. D’ailleurs il nous ferait honneur que le représentant du FNUAPnous rende visite pour vérifier ce que nous disons là. Ce patrimoine que nous possédons depuis plus de 10ans n’a jamais été utilisé que par nous mêmes et pour nos travaux de sensibilisation.

En 2000, nous serons une fois encore agréablement surpris par une décision du Fonds des Nations Unies pour le Population. En effet, cette année là, dans le cadre du prix population – prix crée conjointement par le FNUAP et la commission nationale de population pour récompenser les lauréats qui au cours de l’année précédente se sont distingués par leur contribution à la mise en œuvre de la politique de population de la Mauritanie ; un prix spécial nous a été attribué.

Selon l’appréciation du jury ce prix a été attribué au théâtre populaire pour s’être distingué en 1999 lors de la célébration de la JMP à Kiffa. Et le jury d’ajouter le prix récompense également les efforts que fournis de façon générale la troupe dont le but est de divertir et de sensibiliser les populations sur les aspects du développement par le théâtre.

Cette collaboration s’est depuis renforcée grâce à certains chargés de programme (et c’est tout à leur honneur) qui ne croyant pas aux "vertus" du porte à porte ni à celles de la "bâche" ( supports prisés par les communicateurs du SNU en Mauritanie) mais plutôt convaincus que le théâtre est un vecteur d’attraction de foules et aussi un mode d’expression à la portée de tout le monde on souvent répondu favorablement à nos requêtes en optant pour le théâtre comme support de sensibilisation.

Les populations de Kaédi, KiffaBarkéol, Boumdeid, El Ghaira, Néma et beaucoup d’autres contrées du pays ont pu tirer profit de nos spectacles de sensibilisation sur des thèmes aussi variées que : la santé de reproduction, la scolarisation des filles, lesmutilations génitales féminines (M.G.F), la prévention des conflits, etc...

Je suis sûr Monsieur le Représentant que le contribuable Norvégien serait ravi de savoir que son don au FNUAP a été utilisé pour sensibiliser les femmes d’un Adabaye (Commune Rurale de Gaet Teidouma) enclavé sur les montagnes de l’affolé (Hodh El Gharbi) sur l’importance de l’implication effective de la femme dans la vie de la communauté et particulièrement dans la prévention et la résolution des conflits locaux.

Je suis sûr aussi Monsieur le Représentant que le contribuable Nord Américain serait content d’apprendre que son don au FNUAP a été utilisé pour sensibiliser les femmes du Brakna sur les méfaits des mutilations génitales féminines (M.G.F).

Monsieur le Représentant quelles seraient selon vous les réactions du maire de la commune de Sava et de ses administrés ou bien celles des populations de Bengou commune rurale duHodh El Charghi qui de mémoire d’habitants de ces terroirs n’ont jamais vu débarquer dans leur patelin une troupe théâtrale de renommée nationale et organiser un spectacle gratuit plein de messages et de divertissement.

Et bien Monsieur le Représentant moi je vous le dirai. Ils étaient tout simplement comblés de joie. Plus que ça. Chaque fois que nous terminions l’un de nos spectacles et que nous commencions à plier bagages on nous posait toujours la même question : quand est-ce-que vous reviendrez ?

Monsieur le Représentant, des événements survenus au bureau ces derniers temps nous laissent des appréhensions sur le futur de nos relations avec le FNUAP. En effet le départ définitif du bureau de quelques chargés de programme avec lesquels nous avons longtemps collaboré ; nous font craindre de ne plus avoir d’interlocuteurs attentifs au niveau de celui-ci

Monsieur le Représentant, on dit que la terre appartient au premier occupant. On dit aussi que quand on est né sur une terre, on peut prétendre au droit du sol. On dit enfin qu’il y a un droit d’ainesse (quant on est l’ainé d’une famille). Bien que ces situations s’appliquent à nos relations avec le FNUAP nous ne prétendons à aucun droit au près du bureau.

Nous voulons tout simplement que le partenariat entre notre troupe et le FNUAP tissé patiemment sur une longue période soit maintenu. Nous demeurons convaincus que le théâtre de proximité est encore un excellent moyen de sensibilisation qui draine beaucoup de foules particulièrement à l’intérieur du pays. Veuillez agréer Monsieur le Représentant, l’expression de ma très haute considération.

Le Président du Théâtre populaire
Ahmed Ould Mohamed Lemine 



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