Nder n’est pas cette fois-ci en flammes. Elle est très paisible et reflète l’image d’un village rescapé de la barbarie des temps anciens. En allant vers Teuss dans le Delta du fleuveSénégal, le long du lac de Guiers, on traverse le mythique village de Nder connu du monde entier et tristement célèbre à cause de l’acte de bravoure de ses femmes qui refusant la déportation par les Maures Trarza venus de Mauritanieavaient préféré s’immoler par le feu, entassées dans une case.
Aujourd’hui, ce village du passé est en sursis et le Gouvernement du Sénégal ne fait aucun effort pour restaurer sa mémoire.Nder est sorti de l’anonymat par l’acte violent et désespéré de ses habitants.
Il est ainsi porté au panthéon de la bravoure par ses femmes dirigées par Mbarka Dia. Un grand baobab, visible de la route à hauteur de la case des tout-petits du village est le lieu de convergence des nostalgiques de ce douloureux répertoire du passé.
Aujourd’hui, ce village du passé est en sursis et le Gouvernement du Sénégal ne fait aucun effort pour restaurer sa mémoire.Nder est sorti de l’anonymat par l’acte violent et désespéré de ses habitants.
Il est ainsi porté au panthéon de la bravoure par ses femmes dirigées par Mbarka Dia. Un grand baobab, visible de la route à hauteur de la case des tout-petits du village est le lieu de convergence des nostalgiques de ce douloureux répertoire du passé.
C’est là où chaque année est commémoré par les villageois ce haut fait historique. En arrivant à hauteur du village, une descendante des amazones de Nder le traverse au galop.
Très élancée, un foulard à la tête, elle a tout des braves ancêtres qui avaient choisi de mourir plutôt que de se rendre. Elle est sans doute une descendante de la linguère Mbarka Dia qui avait conduit la révolte contre les troupes du chef maure Amar Ould Mokhtar « un mardi du mois de Novembre 1819 », d’où le fameux « Talaatay Nder » (Mardi de Nder).
Dans son ouvrage « Reines d’Afrique et héroïnes de la diaspora noire » publié aux EditionsSépia, Sylvia Serbin, la journaliste et historienne afro-antillaise née au Sénégal où elle a passé 30 ans, met 22 femmes africaines, antillaises et américaines à l’honneur.
C’est cet ouvrage que Selly Wane nous a lu sur au-senegal.com. Selon elle, alors que leBrack du Walo (le Roi) était à Saint-Louis « pour se faire soigner d’une mauvaise blessure reçue lors de la bataille de Ntaggar contre les Maures justement », et que ce mardi comme les autres jours,
« les hommes avaient rejoint les champs dès l’aube, la daba (houe traditionnelle) sur l’épaule, d’autres s’étaient rendus à la chasse, tandis qu’un troisième groupe avait pris la direction du fleuve où étaient amarrés leurs barques de pêcheurs, seuls quelques ceddos(soldats) étaient restés en garnison, et s’occupaient à astiquer nonchalamment leurs grands fusils de traite ».
Dans le village aux cases rondes, étaient restés les femmes, les enfants et les vieillards, dans une atmosphère paisible « bavardaient tranquillement sur la place du village, tandis que les jeunes enfants se poursuivaient bruyamment autour de l’arbre à palabres où, le soir venu, les anciens avaient coutume de dérouler les histoires du passé », quand soudain « un cri d’effroi troubla la quiétude du lieu ».
En un instant, dit-elle, « les rires se figèrent, les pilons tombèrent, les concessions se vidèrent et tous les regards convergèrent vers la femme qui venait de franchir en trombe l’entrée du tata, ce mur d’enceinte en branchages et terre glaise, censé protéger les villages en cas d’offensive ».
La femme terrorisée criait: « Les Maures ! Les Maures sont là ! Ils arrivent ! J’étais au bord du lac de Guiers et je les ai vus à travers les roseaux. Une armée de Maures ! Ils ont avec eux une troupe de Toucouleurs conduits par le chef Amar Ould Mokhtar ! Ils s’apprêtent à traverser le fleuve et viennent vers notre village » !
Ce qui avait fait crier toutes les femmes qui étaient conscientes du sort qui leur sera réservé. « Les Maures avaient repris leurs razzias dans le Walo pour s’approvisionner parmi les autochtones.
Un grand nombre d’hommes, de femmes et d’enfants seraient arrachés à leurs familles pour être vendus comme esclaves aux riches familles d’Afrique du Nord. Cela avait toujours été ainsi et Nder y avait perdu bien des fils et des filles.
Pendant ce temps, à quelques kilomètres de là, postés sur l’autre rive du fleuve, les cavaliers enturbannés venus du désert s’apprêtaient à lancer leurs chevaux à l’assaut du village. Les femmes décidèrent aussitôt d’organiser la résistance avec les soldats demeurés sur place », nous fait-elle savoir.
« A la hâte, elles expédièrent les enfants dans les champs avoisinants sous la conduite de leurs aînés, afin qu’ils se cachent dans les hautes tiges de mil. Puis elles se précipitèrent dans leurs cases pour en ressortir vêtues de boubous et de pantalons bouffants, qui d’un époux, qui d’un père, qui d’un frère ; les cheveux dissimulés sous des bonnets d’homme.
Elles s’étaient munies de tout ce qui pouvait servir à leur défense : coupe-coupe, lances, gourdins et même de vrais fusils qu’elles s’apprêtaient à manier pour la première fois »,explique-t-elle.
« Amazones d’un jour, ces femmes se battirent avec l’énergie du désespoir. Servantes, paysannes, aristocrates, jeunes, vieilles, elles s’engagèrent, animées de leur seul courage, dans la terrible confrontation avec l’ennemi. Dans leurs chants de célébration à la mémoire de ces femmes d’exception, les griots, illustrateurs des pages de l’histoire africaine, assurent que ce jour là, elles tuèrent plus de trois cents Maures.
Le combat était cependant inégal. Les ceddos furent rapidement exterminés. Des rigoles de sang bouillonnant s’épandaient en une boue rougeâtre sur le sol de terre battue. Ça et là gisaient pêle-mêle des cadavres et des blessés agonisants », nous apprend-elle.
La farouche détermination des survivantes avait mis en déroute la colonne ennemie dirigée parAmar Ould Mokhtar qui avait ordonné à ses troupes l’ordre de se disperser. « Les cavaliers du désert rangèrent leurs sabres effilés, prirent leurs blessés en croupe et retraversèrent le lac.
Vexé d’avoir été tenu en échec par de simples femmes, le chef maure savait cependant qu’elles ne pourraient résister longtemps malgré leur bravoure », renseigne-t-elle. Alors qu’elles étaient désespérément à bout de force et se sentant perdues, les femmes du Walo ne pouvaient pas soutenir une seconde attaque.
« Les hommes avaient tous péri et le messager qui s’était précipité à la recherche de secours, arriverait sûrement trop tard. Tout espoir était vain. C’est alors qu’une voix s’éleva au-dessus des clameurs, des lamentations et des hurlements de douleur. C’était Mbarka Dia, la confidente de la linguère (reine) Faty Yamar. Elle seule savait se faire obéir des courtisanes énergiques et autoritaires qui entouraient la reine.
Prenant appui contre l’arbre à palabres, parce qu’elle-même avait été blessée, elle se mit à haranguer ses compagnes : Femmes de Nder ! Dignes filles du Walo ! Redressez-vous et renouez vos pagnes ! Préparons-nous à mourir ! Femmes de Nder, devons nous toujours reculer devant les envahisseurs ?
Nos hommes sont loin, ils n’entendent pas nos cris. Nos enfants sont en sûreté. Allah le tout puissant saura les préserver. Mais nous, pauvres femmes, que pouvons-nous contre ces ennemis sans pitié qui ne tarderont pas à reprendre l’attaque ? »
« Où pourrions-nous nous cacher sans qu’ils nous découvrent ? Nous serons capturées comme le furent nos mères et nos grands-mères avant nous. Nous serons traînées de l’autre côté du fleuve et vendues comme esclaves. Est-ce là un sort digne de nous ? »
Les pleurs s’arrêtèrent, les plaintes se firent plus sourdes… « Répondez ! Mais répondez donc au lieu de rester là à gémir ! Qu’avez-vous donc dans les veines ? Du sang ou de l’eau de marigot ?
Préférez-vous qu’on dise plus tard à nos petits enfants et à leur descendance : Vos grands-mères ont quitté le village comme captives ? Ou bien : Vos aïeules ont été braves jusqu’à la mort ! » La mort !
A ce mot, fusa une sourde exclamation. « La mort ! Que dis-tu Mbarka Dia ? » « Oui mes sœurs. Nous devons mourir en femmes libres, et non vivre en esclaves. Que celles qui sont d’accord me suivent dans la grande case du conseil des Sages. Nous y entrerons toutes et nous y mettrons le feu… C’est la fumée de nos cendres qui accueillera nos ennemis. Debout mes sœurs ! Puisqu’il n’y a d’autre issue, mourrons en dignes femmes du Walo ! »…
« Le soleil était maintenant haut dans le ciel. Un silence angoissant s’abattit sur le village. Muettes de désespoir, les femmes s’avancèrent lentement vers la vaste case qui s’élevait, imposante, au milieu du village. Pas une n’avait osé s’opposer à Mbarka Dia, de crainte que l’écho de leur couardise ne rejaillisse sur leur descendance.
Une dernière fois elles contemplèrent le décor familier de leur quotidien, laissèrent traîner leurs regards embués de larmes sur les volailles affolées, les greniers pillés, les pilons abandonnés sur le sol, les marmites renversées, les cases éventrées et tous ces cadavres de proches qui commençaient à gonfler sous l’effet de la chaleur», nous raconte Selly Wane.
« Alors elles s’entassèrent dans la case principale. Quelques jeunes mères qui n’avaient pas voulu se séparer de leurs nouveau-nés, les serraient contre leurs seins, à les étouffer. La dernière à pénétrer dans la pièce était enceinte et près de son terme. Mbarka Dia ferma la porte. D’un geste précis, elle enflamma une torche et sans même un tremblement, la lança contre l’une des façades de branchages.
Aussitôt jaillit un immense brasier. A l’intérieur de la case, les femmes enlacées, serrées les unes contre les autres, entonnèrent, comme pour se donner un dernier sursaut de courage, des berceuses et de vieux refrains qui depuis leur enfance avaient rythmé leurs activités », révèle-t-elle.
« Les chants commencèrent à faiblir… aussitôt remplacés par de violentes quintes de toux. C’est alors que la future mère, guidée par son instinct de survie, poussa violemment la porte d’un coup de pied et, happant une goulée d’air, se précipita à l’extérieur où elle s’évanouit sur la terre battue. Celles qui vivaient encore ne bougèrent pas.»
Quelques-unes eurent le temps de murmurer : « Qu’on la laisse. Elle témoignera de notre histoire et le dira à nos enfants qui le raconteront à leurs fils pour la postérité. »
Celles qui n’avaient pas encore été asphyxiées continuaient à chercher dans leurs chants de supplique, le courage de rester dans ce cercueil incandescent. Et les voix s’éteignirent peu à peu…Tout à coup, un effroyable craquement domina le crépitement des flammes. La charpente du toit venait de s’affaisser sur les corps. C’est un silence de mort qui accueillit les hommes arrivés trop tard au secours du village. Toutes les femmes de Nder avaient péri. Sauf une », apprend-on.
Malheureusement, l’Etat du Sénégal ne fait rien par le biais du ministère de la culture pour commémorer ces dignes femmes. Nder mérite plus que son sort actuel.
Très élancée, un foulard à la tête, elle a tout des braves ancêtres qui avaient choisi de mourir plutôt que de se rendre. Elle est sans doute une descendante de la linguère Mbarka Dia qui avait conduit la révolte contre les troupes du chef maure Amar Ould Mokhtar « un mardi du mois de Novembre 1819 », d’où le fameux « Talaatay Nder » (Mardi de Nder).
Dans son ouvrage « Reines d’Afrique et héroïnes de la diaspora noire » publié aux EditionsSépia, Sylvia Serbin, la journaliste et historienne afro-antillaise née au Sénégal où elle a passé 30 ans, met 22 femmes africaines, antillaises et américaines à l’honneur.
C’est cet ouvrage que Selly Wane nous a lu sur au-senegal.com. Selon elle, alors que leBrack du Walo (le Roi) était à Saint-Louis « pour se faire soigner d’une mauvaise blessure reçue lors de la bataille de Ntaggar contre les Maures justement », et que ce mardi comme les autres jours,
« les hommes avaient rejoint les champs dès l’aube, la daba (houe traditionnelle) sur l’épaule, d’autres s’étaient rendus à la chasse, tandis qu’un troisième groupe avait pris la direction du fleuve où étaient amarrés leurs barques de pêcheurs, seuls quelques ceddos(soldats) étaient restés en garnison, et s’occupaient à astiquer nonchalamment leurs grands fusils de traite ».
Dans le village aux cases rondes, étaient restés les femmes, les enfants et les vieillards, dans une atmosphère paisible « bavardaient tranquillement sur la place du village, tandis que les jeunes enfants se poursuivaient bruyamment autour de l’arbre à palabres où, le soir venu, les anciens avaient coutume de dérouler les histoires du passé », quand soudain « un cri d’effroi troubla la quiétude du lieu ».
En un instant, dit-elle, « les rires se figèrent, les pilons tombèrent, les concessions se vidèrent et tous les regards convergèrent vers la femme qui venait de franchir en trombe l’entrée du tata, ce mur d’enceinte en branchages et terre glaise, censé protéger les villages en cas d’offensive ».
La femme terrorisée criait: « Les Maures ! Les Maures sont là ! Ils arrivent ! J’étais au bord du lac de Guiers et je les ai vus à travers les roseaux. Une armée de Maures ! Ils ont avec eux une troupe de Toucouleurs conduits par le chef Amar Ould Mokhtar ! Ils s’apprêtent à traverser le fleuve et viennent vers notre village » !
Ce qui avait fait crier toutes les femmes qui étaient conscientes du sort qui leur sera réservé. « Les Maures avaient repris leurs razzias dans le Walo pour s’approvisionner parmi les autochtones.
Un grand nombre d’hommes, de femmes et d’enfants seraient arrachés à leurs familles pour être vendus comme esclaves aux riches familles d’Afrique du Nord. Cela avait toujours été ainsi et Nder y avait perdu bien des fils et des filles.
Pendant ce temps, à quelques kilomètres de là, postés sur l’autre rive du fleuve, les cavaliers enturbannés venus du désert s’apprêtaient à lancer leurs chevaux à l’assaut du village. Les femmes décidèrent aussitôt d’organiser la résistance avec les soldats demeurés sur place », nous fait-elle savoir.
« A la hâte, elles expédièrent les enfants dans les champs avoisinants sous la conduite de leurs aînés, afin qu’ils se cachent dans les hautes tiges de mil. Puis elles se précipitèrent dans leurs cases pour en ressortir vêtues de boubous et de pantalons bouffants, qui d’un époux, qui d’un père, qui d’un frère ; les cheveux dissimulés sous des bonnets d’homme.
Elles s’étaient munies de tout ce qui pouvait servir à leur défense : coupe-coupe, lances, gourdins et même de vrais fusils qu’elles s’apprêtaient à manier pour la première fois »,explique-t-elle.
« Amazones d’un jour, ces femmes se battirent avec l’énergie du désespoir. Servantes, paysannes, aristocrates, jeunes, vieilles, elles s’engagèrent, animées de leur seul courage, dans la terrible confrontation avec l’ennemi. Dans leurs chants de célébration à la mémoire de ces femmes d’exception, les griots, illustrateurs des pages de l’histoire africaine, assurent que ce jour là, elles tuèrent plus de trois cents Maures.
Le combat était cependant inégal. Les ceddos furent rapidement exterminés. Des rigoles de sang bouillonnant s’épandaient en une boue rougeâtre sur le sol de terre battue. Ça et là gisaient pêle-mêle des cadavres et des blessés agonisants », nous apprend-elle.
La farouche détermination des survivantes avait mis en déroute la colonne ennemie dirigée parAmar Ould Mokhtar qui avait ordonné à ses troupes l’ordre de se disperser. « Les cavaliers du désert rangèrent leurs sabres effilés, prirent leurs blessés en croupe et retraversèrent le lac.
Vexé d’avoir été tenu en échec par de simples femmes, le chef maure savait cependant qu’elles ne pourraient résister longtemps malgré leur bravoure », renseigne-t-elle. Alors qu’elles étaient désespérément à bout de force et se sentant perdues, les femmes du Walo ne pouvaient pas soutenir une seconde attaque.
« Les hommes avaient tous péri et le messager qui s’était précipité à la recherche de secours, arriverait sûrement trop tard. Tout espoir était vain. C’est alors qu’une voix s’éleva au-dessus des clameurs, des lamentations et des hurlements de douleur. C’était Mbarka Dia, la confidente de la linguère (reine) Faty Yamar. Elle seule savait se faire obéir des courtisanes énergiques et autoritaires qui entouraient la reine.
Prenant appui contre l’arbre à palabres, parce qu’elle-même avait été blessée, elle se mit à haranguer ses compagnes : Femmes de Nder ! Dignes filles du Walo ! Redressez-vous et renouez vos pagnes ! Préparons-nous à mourir ! Femmes de Nder, devons nous toujours reculer devant les envahisseurs ?
Nos hommes sont loin, ils n’entendent pas nos cris. Nos enfants sont en sûreté. Allah le tout puissant saura les préserver. Mais nous, pauvres femmes, que pouvons-nous contre ces ennemis sans pitié qui ne tarderont pas à reprendre l’attaque ? »
« Où pourrions-nous nous cacher sans qu’ils nous découvrent ? Nous serons capturées comme le furent nos mères et nos grands-mères avant nous. Nous serons traînées de l’autre côté du fleuve et vendues comme esclaves. Est-ce là un sort digne de nous ? »
Les pleurs s’arrêtèrent, les plaintes se firent plus sourdes… « Répondez ! Mais répondez donc au lieu de rester là à gémir ! Qu’avez-vous donc dans les veines ? Du sang ou de l’eau de marigot ?
Préférez-vous qu’on dise plus tard à nos petits enfants et à leur descendance : Vos grands-mères ont quitté le village comme captives ? Ou bien : Vos aïeules ont été braves jusqu’à la mort ! » La mort !
A ce mot, fusa une sourde exclamation. « La mort ! Que dis-tu Mbarka Dia ? » « Oui mes sœurs. Nous devons mourir en femmes libres, et non vivre en esclaves. Que celles qui sont d’accord me suivent dans la grande case du conseil des Sages. Nous y entrerons toutes et nous y mettrons le feu… C’est la fumée de nos cendres qui accueillera nos ennemis. Debout mes sœurs ! Puisqu’il n’y a d’autre issue, mourrons en dignes femmes du Walo ! »…
« Le soleil était maintenant haut dans le ciel. Un silence angoissant s’abattit sur le village. Muettes de désespoir, les femmes s’avancèrent lentement vers la vaste case qui s’élevait, imposante, au milieu du village. Pas une n’avait osé s’opposer à Mbarka Dia, de crainte que l’écho de leur couardise ne rejaillisse sur leur descendance.
Une dernière fois elles contemplèrent le décor familier de leur quotidien, laissèrent traîner leurs regards embués de larmes sur les volailles affolées, les greniers pillés, les pilons abandonnés sur le sol, les marmites renversées, les cases éventrées et tous ces cadavres de proches qui commençaient à gonfler sous l’effet de la chaleur», nous raconte Selly Wane.
« Alors elles s’entassèrent dans la case principale. Quelques jeunes mères qui n’avaient pas voulu se séparer de leurs nouveau-nés, les serraient contre leurs seins, à les étouffer. La dernière à pénétrer dans la pièce était enceinte et près de son terme. Mbarka Dia ferma la porte. D’un geste précis, elle enflamma une torche et sans même un tremblement, la lança contre l’une des façades de branchages.
Aussitôt jaillit un immense brasier. A l’intérieur de la case, les femmes enlacées, serrées les unes contre les autres, entonnèrent, comme pour se donner un dernier sursaut de courage, des berceuses et de vieux refrains qui depuis leur enfance avaient rythmé leurs activités », révèle-t-elle.
« Les chants commencèrent à faiblir… aussitôt remplacés par de violentes quintes de toux. C’est alors que la future mère, guidée par son instinct de survie, poussa violemment la porte d’un coup de pied et, happant une goulée d’air, se précipita à l’extérieur où elle s’évanouit sur la terre battue. Celles qui vivaient encore ne bougèrent pas.»
Quelques-unes eurent le temps de murmurer : « Qu’on la laisse. Elle témoignera de notre histoire et le dira à nos enfants qui le raconteront à leurs fils pour la postérité. »
Celles qui n’avaient pas encore été asphyxiées continuaient à chercher dans leurs chants de supplique, le courage de rester dans ce cercueil incandescent. Et les voix s’éteignirent peu à peu…Tout à coup, un effroyable craquement domina le crépitement des flammes. La charpente du toit venait de s’affaisser sur les corps. C’est un silence de mort qui accueillit les hommes arrivés trop tard au secours du village. Toutes les femmes de Nder avaient péri. Sauf une », apprend-on.
Malheureusement, l’Etat du Sénégal ne fait rien par le biais du ministère de la culture pour commémorer ces dignes femmes. Nder mérite plus que son sort actuel.
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