mardi 9 août 2011

Nous sommes tous des mauritaniens ! La panthère et numéro national



La campagne d’enrôlement pour la mise en place des documents numérisés fait couler trop d’encre et de salive. Espérons et souhaitons qu’elle ne fasse couler un liquide beaucoup plus précieux.

Tout prête à croire que les C.A.C. (Comités d’Accueil des Citoyens) chargés de l’opération font des erreurs, voire des fautes. Mais, ça et là, une surenchère sévère gonfle de plus en plus ; aussi bien dans les milieux populaires que chez des intellectuels de haute tenue et des journalistes qui se veulent engagés.

Il est urgent de s’occuper de redresser la barre, avant que des extrémistes pyromanes ne nous plongent dans des conflits, aux conséquences aussi brutales qu’imprévisibles, en irritant « la panthère identitaire ».
Dans le magazine ‘’Mauritanies 1’’, le professeur Lô Gourmo, un citoyen au-dessus de tout soupçon, trop fâché, a tout simplement perdu le calme. Mettant de côté la pédagogie et la retenue de ton dus à un citoyen doublé d’un intellectuel de haut rang, il a tout simplement vomi ce qu’il avait dans les entrailles du cerveau. Le recul par rapport aux choses et la prévoyance sont l’apanage de l’homme du savoir.

Quelque temps après, dans le sillage de M. Lô, Ahmed Jiddou Aly-qui s’est départi en signant son article de son « Ould » ;Est-ce un nouvel état civil ?- a jeté ce qu’il veut être un imposant pavé dans la mare des nouveaux tenants de l’Etat civil.

Ce très long jet d’encre m’a agréablement surpris, tant il est vrai que AJA (Ahmed Jiddou Aly) devient, du coup, féru d’histoire et de culture générale, lui qui nous reprochait dans « son » journal ‘’Al Mourabit’ ’d’être hors- sujet lors que nous faisions référence à l’histoire ou à la mythologie grecque. C’est bien d’avoir des parents par alliance ayant des têtes pleines, et soi même une tête bien faite. Ca marche ! On avance.

Même si AJA est principalement choqué, outre mesure, par le fait que ses beaux-parents et son ami personnel Wane Birane ont été froissés par les CAC (ce qui est du reste regrettable), sa contribution aurait le mérite d’ouvrir un débat particulièrement important.

Cependant, toute médaille a son revers, et la perfection n’est pas de ce monde. En effet, parti, à bride abattue, l’auteur de « nous sommes tous des étrangers » s’est (mé) pris lui-même, peut être inconsciemment, au jeu des logiques primordiales périlleuses».

Du questionnaire gênant

Pour certains usagers de l’administration qui sont passés à l’enrôlement, ce travail a une apparence : la mise en place d’un numéro national pour établir les documents numérisés ; il a une réalité : le pouvoir procède à une remise en cause de la Mauritanie d’une partie de la population.

Le président Aziz voudrait-il déstabiliser le pays tout en sciant la branche sur laquelle il est assis ? Un certain Mrabih (notre photo), cousin germain du Président a-t-il manqué de doigté ou d’attention à son âge ? Ou bien il s’agit de l’incompétence de certains membre des CAC ne connaissant pas mener à bien leur mission ?

Etant donné l’incurie de l’administration, aggravée ces dernières décennies par l’échec de l’enseignant scolaire et universitaire, tout est possible. Il n’est pas exclu que parmi les membres des CAC, se trouvent des extrémistes pris d’un sectarisme morbide, ou simplement des novices. Il en existe dans toutes les souches sociales, malheureusement.

A s’en tenir à la forme ou à la formulation du questionnaire, il va falloir que l’ADG de l’Agence Nationale du Registre des Population et de Titres Sécurisées monte, sans tarder, au créneau pour séparer le grain de l’ivraie et rectifier le tir s’il y a des devers malencontreux ou malveillants. Si l’existence des questions du genre « connais –tu Bâ Sileye ou Magatt Fall», s’avère, disons que c’est le comble du ridicule.

Ces questions ne seraient pas exclusivement réservées aux Negro- Mauritaniens. A un Oulad Demane de Boutilimitt, on n’aurait demandé : « connais-tu Cheikh Sidya ? » Question aussi facile que saugrenue ! En tout état de cause, cet embrouillamini doit s’évanouir. Et rapidement.

Sommes- nous souverains ? 

En dépit des avatars de la globalisation, les Etats doivent-ils garder une parcelle de souveraineté. L’Etat-civil, tout en étant la pomme de discorde qui catalyse les problèmes identitaires, demeure la pierre angulaire de l’Etat ; une masse de granite, dirait Napoléon Bonaparte.

Notre jeune Etat se débattant dans le marasme économique, en proie à l’insécurité -à laquelle contribuerait une immigration clandestine à travers les méandres d’une frontière incommensurable et poreuse- a besoin d’un Registre de Populations bien tenu.

Sommes – nous aptes et en droit de prendre des décisions qui engage notre avenir et notre devenir ? Sauf le respect de nos citoyens, l’enrôlement doit continuer résolument. Dans les règles de l’art et de la prudence. Il ne faut jamais irriter la panthère identitaire !!!.

Dans le feu de la surenchère, certains ont crié «Touche pas à ma nationalité ! ». Quel Mauritanien peut-il se permettre de toucher au statut de l’autre ? En fait, ce slogan en cacherait un autre : il s’agirait plutôt de dire « Touche pas à mon candidat à l’immigration » Celle-ci n’est pas elle même interdite et ne saurait l’être. Mais il y a des règles qu’il faut respecter et des conditions à remplir. N’oublions pas que, pendant une décennie, ce fut le règne de la carte d’identité jaune dont on pouvait tirer des exemplaires à tour de bras chez l’imprimeur du coin. La France regorge d’immigrés, venus de tous les pays, brandissant ce parchemin jaune comme gage de leur (soi-disant) mauritanité. L’immunité patriotique

On ne doit pas chasser un humain, après qu’il eût prouvé pendant un bail son engagement pour l’édification d’un Etat et pour la naissance d’une nation. Le patriotisme ne se calcule pas suivant l’ordre d’arrivée dans un territoire. Non plus à l’aune des postes occupés au sommet de l’Etat

Au cas contraire, les Oulad Bousba’ sera la première tribu du pays, ayant donné à laMauritanie deux chefs d’Etat. Le patriotisme se calculera mieux au volume de sang versé pour la nation. Alors, des tribus à vocation pacifique tiendront, fatalement, les dernières loges du palmarès- bien qu’arrivées très tôt… Toute cette critériologie serait vaine.

On rentre dans un pays comme on rentre en religion. La profession de foi serait, par exemple : « je veux vivre en Mauritanie ; j’aurais les droits et les devoirs dus à un citoyen ; l’intérêt du pays passe avant tout et ne se confondra jamais avec celui d’un autre ». Et on passe aux formalités d’usage…. Fini, les petits soupçons !

Ceux qui ont bonne mémoire, se rappelle que Sow Amadou dit Chaperon et janvier Fabomi, un douanier d’origine béninoise, furent les fondateurs de notre Onze national. Je détiens une photo ou Chaperon pose, en 1964, à Nouakchott, avec mes deux grands frères alors enfants, tenant la coupe nationale de Foot- Ball. Aurait-il fallu attendre 1989, pour se rendre compte que Sow Amadou était d’origine sénégalaise ? Expulsé manu militari, il va abandonner l’imprimerie qu’il tenait pour les P .T.T …. C’est quoi ça ? Avec le ‘’Tesfir’’ (l’expulsion) de Chaperon, j’avais perdu l’affection et l’attention quasi -paternelle de celui qui nous achetait, à volonté, Miki, Rodéo, Mustang, Zembla, Akim ; tant de BD qui meublaient notre petit univers puéril.

Qui pourrait aujourd’hui mettre en cause la Mauritanité de Raymond Najjar d’origine libanaise ? Docteur de son Etat, il n’a cesse de porter aux nues que sa mère, Emilie, qui fut secrétaire à la Justice, avait réalisé la traduction en Arabe de la première constitution de notre République naissante. L’amour et l’attachement réels à un pays attribuent, à mon sens, une ‘’immunité patriotique’’.

Le nouveau concept de la nationalité

Si quelqu’un requiert la nationalité et se naturalise, il devient citoyen à part entière ; l’expulser relève d’une gageure et est une forte tentative d’entorse aux droits de l’Homme ; lui rappeler d’où il est venu est une vanité. D’habitude peu enclin à la généalogie, AJA, s’est adonné à «l’archéologie » d’un marathon virtuel épandu sur un vaste territoire et étendu du sur quelques siècles.

Si le critère de la nationalité était lié à la date d’arrivée, Barack Hussein Obama, serait le ‘’dernier ‘’ des citoyens américains, et Nicholas Sarkozy de Nagy Boksa, le ‘’dernier ‘’ des citoyens français. Or, s’ils ont été élus à la tête de deux des pays les plus puissants de la planète, c’est qu’ils ont prouvé leur américanité ou leur francité, plus que d’autres dont les ascendants n’ont jamais quitté le sol américain ou français. Georges Washington et Barack Obama, quelle différence pour l’Amérique ?

Nous ne saurons pousser la xénophobie à léser nos concitoyens. L’apport positif de l’immigration et du métissage biologique et culturel des peuples n’est plus à démontrer. La civilisation arabo-musulmane fut le mieux fécondée par les prosélytes musulmans non arabes.Al Bukhari , Sibeouihi, Ibnu Jinnine, Al Farabi, Ibn Sinna, régnèrent en maitre sur l’exégèse ,la littérature arabe, la philosophie, la musique et la médicine. Bref, pour ne pas tomber dans les travers de l’’anthropologie culturelle après ceux de l’histoire.

En voulant consoler ceux qui ont été dérangés, peut être par inadvertance, AJA a dû interloquer tout le monde ; y compris ses proches. Faisant preuve d’argutie dans son argumentation par trop fastidieuse, il a remis en cause la Mauritanité de beaucoup de bonnes familles. A leur grand dam. Généraliser, une bévue, une insulte ou un lapsus ne consolerait pas celui qui en est déjà choqué. Disons qu’AJA a donné libre cours à sa passion pour une plume trempée dans le vitriol, tout en se plantant avec enthousiasme à plusieurs endroits.

Pour sa gouverne …

Il gagnerait à revoir ses références. Mohamed b.Moktar b. Mohamed Saïd dit Mohamed Al yedaly, un grand érudit Tochomcha , ne traite pas d’histoire dans Chiyam Zawaya. Son opuscule de 6 feuillets (soit douze pages), Les caractères des Zawaya, est un exposé de l’organisation sociale idéale et l’orthodoxie religieuse des Tochomcha. C’est le rappel des Karama et des pouvoirs cabalistiques des marabouts, censés faire le contrepoids à l’hégémonie armée des guerriers.

Cette phrase assez insultante «… Sont venus en Mauritanie au début du XVII° des vagues successives d’Arabes…soit pour piller, leur objectif étant les communautés les plus faibles … » ne se passe pas de commentaire, tel que le voudrait AJA. Elle est tout simplement apocryphe, d’autant plus qu’elle ne correspond pas aux caractères des guerriers. S’attaquer aux faibles était répréhensible au vu des coutumes et de la morale des guerriers ; c’est le vilain paradigme de « T’hentit », diffèrent des guerres symétriques opposant deux entités «porteuses d’armes ».

Le contexte antérieur au XVII° est marqué par la recherche de l’espace vital et des bons pâturages. Tout le monde, y compris les zawaya, ont fait usage de la force militaire, un atavisme probablement dû aux Almoravides, lorsque ceux-là pouvaient chasser, au XI siècle, les souverains de Grenade, de Malaga et de Séville, sans oublier de croiser le fer avecRodrigue de Bivar, qui leur ravît Vallence.

Mais avec la domination définitive des Beni Hassan- venus à partir du XV° et non du « XVII° siècle »- et l’instauration des Emirats, un nouvel ordre, marqué par la justice, a vu la jour. En effet, tous les Emirats et toutes les tribus indépendantes se sont doté d’un pouvoir judiciaire assuré par des cadis et des jurisconsultes, bien sûr de souche maraboutique, chargés de dire la loi de Dieu, sans interférence des guerriers. Tout chef de guerre avait son ‘’démiurge ‘’ qu’il consultait.

Le Sultan Khattry Ould Amar Ould Ely des Oulad M’barek de se rendre chez Cheikh Brahim des Tenouajiw pour se protéger de sa baraka contre son rival de frère Henoune .AJA, un allié traditionnel des Oulad Mbarek, a plus qu’un autre entendu le poème laudatif Marhabti bissultan dédié à Khattry, par Derdelli Oud Sid’Ahmed Oud Aoulil, où il lui rappelle que son campement émiral est le refuge des tenants du Coran, et du livre du très grand exégète Cheikh Khalil ( Marhabt Ehel Al ghurân, Marhabt Ahl Khlil).

Dans l’Emirat de Yahya Min Ethmane, la Paix de l’Emir Ahmed Ould M’hammed (Avit Ahmed Oud M’hamemed, se passe véritablement de commentaire. A moins de vouloir se délecter de la poésie de Mohamed Al Moubarak Oud Yamine.

Au Trarza, c’est Mohamed Al Yedaly qui relate dans ses textes la protection des tribus maraboutiques de l’Iguidi par Ahmed Ben Demane contre les razzia de Sidi Brahim La’russi, un chérif puissant venu du Nord. Ahmed, tenant à détourner la puissance deLa’russi lui conseilla d’orienter en priorité sa force vers les Lekteïbat. Ce fut le stratagème «Commençons par l’autruche, nous nous en prendrons ensuite à ses œufs », et la bataille deTitam (1040/1630), à l’issue de laquelle La’russi n’a plus eu de quoi assujettir les zawayatrarza.

Enfin, il faudrait faire remarquer à AJA que Tachidbit est bien une grande tribu, mais elle n’est pas citée comme un des grands ensembles ancêtres des Sanhaja . Et que dans la page 331 du livre de Desirée Vuillemin,ed. Khartalla, 1997, il n’est point question de l’immigration duSouss de tribus sanhaja. Un quart de cette page, au trois quarts vierge, traite d’autres choses, et il n y a pas de « pages suiv.» ; du moins, il suit une page vierge avant un grand chapitre intitulé les « Français au Sénégal du XVII° au milieu du XIX. Soyons pointilleux dans nos ‘’recherches !’

Brahim Ould Bakar Ould Sneïba 






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