samedi 13 août 2011

Mohamed Kaber Hachem : Le défenseur résilient du multiculturalisme



Dans le hall du siège de l'union des auteurs et écrivains mauritaniens, son président,Kaber Hachem, vous accueille souriant. Un sexagénaire dont les traits du visage ont été tracé par les rêves et l'espoir. C’est un homme qui possède encore suffisamment d’énergie pour réaliser ‘’une révolution littéraire’’ à sa façon.

L’homme est considéré comme l’un des pionniers de la poésie mauritanienne moderne, de l’art narratif. Kaber Hachemfait partie des nostalgiques de la gloire perdue de la nation arabe et aime la tante mauritanienne.

....Crise culturelle

Pour Kaber Hachem, la première ossature culturelle de la société mauritanienne est fondée sur la Mahadhra de Chinghitty, mais l’investissement n’a pas suivi pour le développement de cette Mahadhra
Toujours est t-il que l’état a hérité de la société traditionnelle des cadres prêts et instruits qui ont constitué une source dans laquelle la magistrature, le journalisme, l’enseignement ont puisé leur personnel.

Mais ce mouvement n’a pas été suivi par une construction civile, les infrastructures comme les salles, les maisons culturelles, les théâtres, les centres de dialogues, n’ont pas été encouragés.

Ce qui est dommage dans tout ca, c’est que les gouvernements qui se sont succédé ne se sont jamais souciés de mettre des stratégies à long terme dans le domaine culturel. Chaque régime essayant d’émettre des ajustements sans vraiment poser une stratégie complète pour faire décoller le système.

L’homme a évolué au rythme des tentatives de création d’une union des écrivains mauritaniens. En 1975, il avait créé l’union mauritanienne des lettres et des arts avec El Khalil Ennahwi.Celle-ci est devenue par la suite ‘’union des écrivains sahraouis’’ qui a provoqué une grande polémique au moment du partage du Sahara occidental en 1975.

Mais cette époque a connu la création d’une union entre écrivains arabes et negro africains, ce qui pourrait constituer un modèle pour aujourd’hui. Elle regroupait des écrivains mauritaniens francophones dont Youssouf Guèye, le commissaire Sall Zakaria… aux côtés d’écrivains arabophones ; et cette orientation a été appuyée par le gouvernement de l’époque.

Mais à l’époque, l’environnement régional dans le monde arabe et africain était caractérisé par l’émergence de dirigeants révolutionnaires, arabes et africains, ce qui n’était pas tout négligeable.

Il y avait Gamal Abdel Nasser, Nkwamé Kruma, Patrice Lumumba, Seikou Touré, mêmeModibo Keita. Il y avait également Senghor au Sénégal, de l’autre côté. C’était une période excellente où les principes étaient respectés.

Cette symbiose culturelle et cette unité nationale ont poussé Kaber Hachem à défendre aujourd’hui la littérature des langues nationales.

Une fois, il fut fortement critiqué pour avoir donné lors d’un concours de poésie les mêmes prix aux poètes arabes et ceux des langues nationales.

Il a rétorqué que la créativité artistique est la même quelque soit la langue et que les langues nationales possèdent une force culturelle qui leur donne une créativité infinie.

…Reconnaissance de la littérature

L’Union des écrivains mauritaniens a été reconnue en 1976 et a été d’abord présidée par El Khalil Ennahwi, Kaber Hachem s’occupant du poste de secrétaire à l’information au sein de l’union. Les fondateurs étaient des jeunes sortant des Mahadra et à l’époque les non francisant n’avaient pas beaucoup de chances, ‘’nous avons été assiégés et éloignés sciemment’’.

En 1981, les poursuites judicaires ont commencé visant le bureau exécutif de l’union ; Kaber Hachem a connu la prison comme tous les intellectuels de l’époque qui avaient leur point de vue sur la situation politique du pays.

C’est à partir de 2005 que l’état a commencé à donner une subvention financière que l’union dépense dans ‘’le festival annuel de la littérature mauritanienne’’ qui s’intéresse à la poésie, la littérature narrative, ainsi que des langues nationales. Mais nous, génération des années 70, nous avons souffert du manque d’une maison d’édition. Mais à partir de 2007, nous avons commencé l’édition des livres de poètes, écrivains et critiques mauritaniens avec 15 livres en moyenne par an. Cela a constitué pour nous une grande force. Nous sommes fiers d’avoir pu sortir aujourd’hui plus de 40 livres.

Généralement les présidents des unions d’écrivains arables militent dans le cadre des partis au pouvoir, mais Kaber Hachem n’est pas ainsi. Il n’a jamais fléchi devant aucun des régimes qui se sont succédé, c‘est l’homme qui ne fléchit pas. C’est le poète qui a créé cette union de toutes pièces et a par la suite contribué à cette révolution de l’Edition en Mauritanie.

Pourquoi une seule génération a présidé aux destinées de l’union de sa création à nos jours ?

Kaber Hachem explique que c’est à cause du désintérêt par rapport à la chose culturelle. Pour les militaires qui se sont succédé au pouvoir, l’union des travailleurs mauritaniens n’est pas d’un grand intérêt ; c’est pour cette raison que l’attention qui lui est accordée est bien moindre de celle donnée à l’élection des délégués des étudiants, ou celle accordée aux chambres de commerce ou aux représentants de l’artisanat…

Pour kaber Hachem, depuis la nuit des temps (depuis Homère), la culture a toujours été une question de liberté, la vraie démocratie est le moteur de la création.

Au moins en Mauritanie, les pouvoirs qui se sont succédé n’ont pas confisqué les budgets alloués depuis 2005 à L’union des auteurs et écrivains mauritaniens.

Rabi Idoumou





Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire