dimanche 17 juin 2012

Printemps arabe : révolutions trébuchantes et décevantes.


Le printemps arabe qui continue de secouer le monde arabe a déjà conduit au départ de quatre parmi les plus anciens présidents arabes, mis hors jeu les dynamites réelles du printemps dans leurs pays et fait ainsi émerger une lutte pour le pouvoir, particulièrement entre des islamistes et des militaires.

Concernant les islamistes, ils étaient là partout dans les pays arabes et constituaient des forces dormantes et potentiellement capables de rebondir à tout moment une fois l’occasion leur est donnée. Ceux-ci puisent dans les mêmes principes de la mouvance générale islamiste et leur tendance modérée jouit de certains appuis de la part de ceux qui veulent en faire d’éventuels partenaires.

Quant aux forces militaires et de sécurité, solidaires dans la plupart des cas, elles œuvrent encore discrètement en Tunisie, défient haut et fort toutes les forces en Egypte et manœuvrent en Libye à travers des milices qui semblent vouloir éloigner davantage ce pays même de sa configuration ancienne (Tripolitaine, Cyrénaïque et Marmarique) pour le diviser en petits Emirats.

A cause de leur pétrole, la Libye et l’Iraq peineront longtemps avant de se redresser et ressembler à des pays modernes. S’agissant du Yemen, il a constitué un cas exceptionnel à cause du lien entre le sort des pays du Golf et l’évolution des choses dans ce pays à multiples spécificités socioculturelles qui le gangrènent et dont la position géostratégique préoccupe aussi tant les voisins que la communauté internationale. S’inscrit dans le même contexte, l’approche adoptée avec la Syrie et le Bahrein où les chiites, majoritaires dans ce dernier pays, ont souvent bougé bien avant l’avènement du printemps arabe.

Les libéraux (laïques) qui espéraient se substituer aux dictateurs déchus, reconnaissent aujourd’hui que le fruit dudit printemps arabe qu’ils ont tenté d’exploiter en leur faveur, sera plutôt récolté soit par les islamistes, soit par les militaires ou partagé entre ces deux forces antagonistes qui jouissent le plus de l’appui extérieur. Dans le meilleur des cas, ces libéraux pourront être mis en avant par des militaires qui continueront à détenir les vrais leviers de la manipulation pour assurer la gestion des affaires de l’Etat à l’instar de la situation vécue par notre pays en 2007-2008 et qui risque de se répéter prochainement.

Pour leurs acteurs et les observateurs avertis, ces révolutions trébuchent encore et sont fort décevantes puisque le fruit des sacrifices consentis (martyrs tombés sur le champ, tortures, viols, etc.) est en train d’être habilement et/ou vulgairement consommé par des intrus dont le rôle s’est limité, tout au début, à accompagner les mouvements de contestations avant de les détourner de leurs objectifs.

En somme, ce cliché est, pour beaucoup d’observateurs, responsable du retard des soulèvements populaires dans le reste du monde arabe, notamment en Algérie et enMauritanie. En ce qui concerne particulièrement notre pays, le coup d’Etat est devenu la seule issue pour les politiques ambitieux ou avides du pouvoir et ce après l’avortement du mouvement de la jeunesse du 25 Février et l’échec de certains leaders politiques dans la mobilisation des populations pour se soulever contre le pouvoir en place.

C’est ainsi que depuis le mois de mars, on ne cesse de parler de la ‘’révolution du kaki’’. Chacun d’entre nous connait bien le kaki tissu même si beaucoup ne savent pas qu’il s’agit plutôt d’une nuance de couleur verte tirant sur le jaune, le brun ou le marron et qu’on utilise pour le camouflage des uniformes militaires (vêtements, tentes, matériels).

L’expérience de nos porteurs du kaki en matière de coups d’Etat et leur capacité de tirer les bonnes leçons de ce qui passe actuellement chez nous et dans la région, conduiront l’équipe en place à adopter l’approche la plus adéquate. On se rappelle tous que tout au début du jeu de force, les auteurs des putschs dans notre pays s’étaient souvent métamorphosés progressivement en civils en échangeant le kaki contre le boubou blanc et les galons contre les turbans pour s’ériger en hommes politiques dont les rapports avec leur corps d’origine se sont généralement limités à de vagues souvenirs.

A un autre moment, la stratégie des putschistes a consisté à confier, à travers des élections présidentielles transparentes et démocratiques, les rennes du pouvoir à un civil minutieusement choisi. Même si elle a vite montré ses limites du point de vue durabilité, cette manœuvre pourra être autrement clonée dans les mois ou années à venir.

En d’autres termes, la capitalisation de l’expérience acquise entre 1978 et 2012 et l’intégration des nouveaux facteurs endogènes et exogènes, pourront permettre à l’Initiative du Président de l’Assemblée Nationale d’entrainer la COD dans un piège ou un compris mutuellement avantageux.

Hors mis le risque de sa dislocation, la COD pourra (i) renoncer aux contestations actuelles visant le départ de Aziz et (ii) participer ou cautionner un gouvernement répondant à des exigences données et qui se chargera d’organiser les élections municipales et législatives prochaines. En contrepartie, elle pourra demander à Aziz de ne pas se présenter aux prochaines élections présidentielles.

Tout ceci signifierait de donner le temps nécessaire au Président de la République Mohamed Ould Abdel Aziz pour préparer son propre successeur : un technocrate connu en Europe et qui a déjà été premier ministre et président du parti au pouvoir (UPR).

Cette dernière fonction lui permettra, d’ici 2014 au plus tard, de côtoyer de prêt tous les porteurs des voix et de mieux connaitre la vraie configuration ethno-tribale et politique du pays afin de pouvoir les mobiliser. Seul un troisième larron, risquera de faire échouer ce scénario. En ce qui me concerne, je serais partant pour une révolution Kaki.

Mais celle visant la plantation de quelques unes des 2.800 variétés de plaqueminiers (Diospyros kaki) dont le délicieux fruit est la plaquemine ou le kaki ; ce dernier terme est emprunté au japonais kaki no ki qui signifie littéralement ‘’arbre du kaki’’.

Originaire de l’est de la Chine, et fruit national du Japon et de la Corée, on le cultive dans plusieurs pays d’Asie, en Amérique, en Europe et dans certains pays de l’Afrique du Nord où on l’appelle « Ain Al Bagra » ou « l’œil de vache ». C’est un fruit que j’ai découvert, pour la première fois, dans le jardin botanique de Bucarest lors d’une séance pratique sur la systématique des plantes en 1978.

Comme moi, les mauritaniens qui connaissent ce fruit kaki, choisiront certainement cette deuxième révolution à celle de l’autre Kaki qui rappelle le treillis et fait penser, pour le moins, à une autre révolution, celle de palais.

Indifféremment du type de révolutions que choisira le hasard, le pouvoir a grandement besoin d’un remaniement ministériel, d’une redynamisation des instances de l’UPR et d’une nouvelle stratégie de mobilisation autour du programme électoral du Président de la République, des acquis du premier dialogue avec l’opposition et enfin, des résultats auxquels aboutira l’initiative de Messoud Ould Boulkheir.

Dr Sidi El Moctar Ahmed Taleb


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