...ou l’art de l’improvisation politique et juridictionnelle au détriment du droit.
La qualité d’une bonne justice, diront les chevronnés du droit judiciaire, est tributaire de sa prévisibilité, sa célérité, sa stabilité, sa constance ; en gros, de la confiance et de la sécurité qu’elle inspire aux justiciables. En résumé, cela signifie que les justiciables doivent savoir à l’avance les règles qui déterminent son fonctionnement, orientent ses décisions et consacrent son accessibilité par tous.
Aussi la justice, pilier de la démocratie et de son corollaire l’Etat de droit, ne peut avoir ses lettres de noblesse si elle ne jouit pas pleinement de son indépendance par rapport aux autres pouvoirs, tel qu’il a été préconisé par le père (Montesquieu) de la théorie de la séparation des pouvoirs, à savoir le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire.
Cette théorie qui semble n’être qu’un rêve, parmi les plus chimériques des mauritaniens, eu égard aux vicissitudes (pour ne pas dire une succession d’événements malheureux) que connait notre système judiciaire et juridictionnel.
Pour illustrer cet état de fait, il n’est pas nécessaire de revenir sur les détentions illégales des personnes, malgré les vices de formes affectant leurs dossiers, dont les plus célèbres sont désormais connus de tous les mauritaniens. Il n’est pas non plus nécessaire de revenir sur le cas récent de démission forcée du président de la cour suprême et les multiples immixtions de la chose politique dans le système judiciaire.
Il n’est enfin pas nécessaire de faire mention de ceux qui échappent à la justice parce ils ne sont pas faits pour la prison, ou leurs méfaits touchent à une frange marginalisée de la société. La justice souffre, les textes en pâtissent, le juriste est désemparé et le citoyen lambda, parent pauvre de cette situation fait vœu d’impuissance.
La dernière grande illustration en date est la mise un place du Haut Conseil de la Fatwa et des Recours gracieux. Selon le communiqué du conseil des ministres, il s’agit « d’un organe scientifique chargé d'émettre des fatwas et recevoir tout recours gracieux, afin de participer aux règlements de tous les contentieux qui surviendraient entre toute entité de droit public ou privé dans leurs rapports directs ainsi que dans leurs rapports avec les citoyens . Cette procédure intervient conformément au préambule de la Constitution et en vertu des dispositions de ses deux articles 5 et 23 ».
Il est vrai que dans une République Islamique, où l’Islam est à la religion de l’Etat, du peuple et source principale du droit, une telle décision relève du naturel et de la banalité. La Fatwa n’étant, stricto sensu, autre chose qu’un avis juridique donné par un spécialiste du droit musulman sur les diverses questions qui se posent dans les sociétés musulmanes, ce conseil n’a pas à priori de quoi à inquiéter.
Il doit au contraire mettre le citoyen en confiance dans un pays où, la religion est l’ultime refuge de ceux qui sont à la merci de toutes les formes d’injustice. Cependant, sur le plan purement juridique, la création de cette institution est un pavé dans la marre juridictionnelle.
Ainsi, au-delà de des griefs qu’on peut faire à ce conseil, notamment sa composition quasi monocolore (qui ne représente pas la diversité de la Mauritanie), le rôle politique qu’il assigne aux oulémas et ses corrélations notoires avec l’affaire Biram, il constitue un nouveau pas dans l’art de l’improvisation auquel les mauritaniens sont désormais habitués.
Partant de ce point de vue, il faut dire que cette instance vient brouiller les frontières déjà illisibles entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire, au détriment de ce dernier. Il faut préciser à ce niveau que ce conseil est sous la tutelle directe de la présidence de la République.
Pour une instance qui doit participer aux règlements de tous les contentieux qui surviendraient entre toute entité de droit public ou privé dans leurs rapports directs ainsi que dans leurs rapports avec les citoyens, prenant par là une forme juridictionnelle (malgré la confusion qu’il sème dans l’ordre juridictionnel), elle doit disposer pleinement et entièrement de son autonomie. Pour un conseil créé par décret, ce pouvoir juridictionnel est de trop et n’est pas conforme aux dispositions fondamentales régissant l’institution étatique.
En effet, si le communiqué du conseil des ministres renvoie aux dispositions de la constitution (le préambule et les articles 5 et 23) qui consacrent l’Islam comme religion du peuple, de l’Etat et du Chef de l’Etat, il ne précise pas que la même constitution réserve à la loi la création et l’organisation des juridictions, de la même manière qu’elle réserve la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables à la loi. Par voie de conséquence, ce conseil ne doit avoir aucun pouvoir décisionnel.
Son rôle doit rester purement consultatif. Par exemple si le conseil donne un avis allant dans le sens de l’interdiction de l’excision, il ne doit pas s’imposer immédiatement aux justiciables. Cet avis doit être traduit dans un texte législatif, selon les formes prévues par la loi, pour avoir effet de règle générale qui s’impose à tous.
Par ailleurs, le Haut Conseil de la Fatwa et des Recours Gracieux risque d’empiéter dans le domaine du Haut Conseil Islamique qui un organe consultatif prévu par la constitution. En attendant d’avoir plus de visibilité, cette instance vient gonfler le rang des institutions fantômes de la République.
Souleimane Coulibaly
Il n’est enfin pas nécessaire de faire mention de ceux qui échappent à la justice parce ils ne sont pas faits pour la prison, ou leurs méfaits touchent à une frange marginalisée de la société. La justice souffre, les textes en pâtissent, le juriste est désemparé et le citoyen lambda, parent pauvre de cette situation fait vœu d’impuissance.
La dernière grande illustration en date est la mise un place du Haut Conseil de la Fatwa et des Recours gracieux. Selon le communiqué du conseil des ministres, il s’agit « d’un organe scientifique chargé d'émettre des fatwas et recevoir tout recours gracieux, afin de participer aux règlements de tous les contentieux qui surviendraient entre toute entité de droit public ou privé dans leurs rapports directs ainsi que dans leurs rapports avec les citoyens . Cette procédure intervient conformément au préambule de la Constitution et en vertu des dispositions de ses deux articles 5 et 23 ».
Il est vrai que dans une République Islamique, où l’Islam est à la religion de l’Etat, du peuple et source principale du droit, une telle décision relève du naturel et de la banalité. La Fatwa n’étant, stricto sensu, autre chose qu’un avis juridique donné par un spécialiste du droit musulman sur les diverses questions qui se posent dans les sociétés musulmanes, ce conseil n’a pas à priori de quoi à inquiéter.
Il doit au contraire mettre le citoyen en confiance dans un pays où, la religion est l’ultime refuge de ceux qui sont à la merci de toutes les formes d’injustice. Cependant, sur le plan purement juridique, la création de cette institution est un pavé dans la marre juridictionnelle.
Ainsi, au-delà de des griefs qu’on peut faire à ce conseil, notamment sa composition quasi monocolore (qui ne représente pas la diversité de la Mauritanie), le rôle politique qu’il assigne aux oulémas et ses corrélations notoires avec l’affaire Biram, il constitue un nouveau pas dans l’art de l’improvisation auquel les mauritaniens sont désormais habitués.
Partant de ce point de vue, il faut dire que cette instance vient brouiller les frontières déjà illisibles entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire, au détriment de ce dernier. Il faut préciser à ce niveau que ce conseil est sous la tutelle directe de la présidence de la République.
Pour une instance qui doit participer aux règlements de tous les contentieux qui surviendraient entre toute entité de droit public ou privé dans leurs rapports directs ainsi que dans leurs rapports avec les citoyens, prenant par là une forme juridictionnelle (malgré la confusion qu’il sème dans l’ordre juridictionnel), elle doit disposer pleinement et entièrement de son autonomie. Pour un conseil créé par décret, ce pouvoir juridictionnel est de trop et n’est pas conforme aux dispositions fondamentales régissant l’institution étatique.
En effet, si le communiqué du conseil des ministres renvoie aux dispositions de la constitution (le préambule et les articles 5 et 23) qui consacrent l’Islam comme religion du peuple, de l’Etat et du Chef de l’Etat, il ne précise pas que la même constitution réserve à la loi la création et l’organisation des juridictions, de la même manière qu’elle réserve la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables à la loi. Par voie de conséquence, ce conseil ne doit avoir aucun pouvoir décisionnel.
Son rôle doit rester purement consultatif. Par exemple si le conseil donne un avis allant dans le sens de l’interdiction de l’excision, il ne doit pas s’imposer immédiatement aux justiciables. Cet avis doit être traduit dans un texte législatif, selon les formes prévues par la loi, pour avoir effet de règle générale qui s’impose à tous.
Par ailleurs, le Haut Conseil de la Fatwa et des Recours Gracieux risque d’empiéter dans le domaine du Haut Conseil Islamique qui un organe consultatif prévu par la constitution. En attendant d’avoir plus de visibilité, cette instance vient gonfler le rang des institutions fantômes de la République.
Souleimane Coulibaly
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