Les compétitions électorales africaines deviennent de plus en plus des lieux d’influence, de résurgence et de manipulation des identités collectives, que celles-ci se définissent en terme de religion, de langue, de race ou de caste.
En Afrique du Sud, la population noire est un indicateur électoral important dans l’ordre politique. Dans des pays comme la Guinée, le Togo, la Mauritanie où la classe politique est ethnicisée ou régionalisée, les identités collectives conservent un fort pouvoir explicatif du comportement électoral.
De manière générale, l’expérience des élections en Afrique, comme sur les autres continents, montre que l’élection au suffrage universel ou censitaire constitue un mécanisme démocratique qui exerce un effet direct sur les identités collectives.
L’hypothèse qui sous-tend cette réflexion est que le caractère multiethnique d’un État peut être un atout pour le pluralisme politique – donc de la démocratie – pourvu que le sentiment national y soit bien enraciné. Comment faire du fait identitaire, c’est-à-dire la conscience d’appartenir à un groupe humain particulier, un mode légitime de participation politique et d’enracinement de la culture démocratique en Afrique ?
En effet, lors des compétitions électorales, l’on observe une multiplication des revendications ethniques par l’usage effréné du discours de l’autochtonie tel qu’il se pratique, par exemple, enCôte d’Ivoire. Les faits sont là. Le choix des dirigeants par la voie électorale conduit certains leaders politiques à activer des clivages identitaires dans le seul but de se former une base électorale constituée le plus souvent d’individus qui auraient plus ou moins des éléments culturels communs.
Pour y arriver, la stratégie est toute simple : l’idéologisation, le populisme et le clientélisme. Le nationalisme est un exemple de cette idéologisation. En se faisant passer pour le défenseur d’un peuple qui se définit comme une nation, le leader politique prétend représenter cette communauté nationale et il en fait ainsi sa base électorale. Lors des élections présidentielles enAfrique, l’usage dans les discours politiques des expressions « Père de la nation, Guide éclairé, Timonier national, etc., » signifie à la fois la continuité de la politique de ce dernier mais aussi et surtout la recherche du vote de ses sympathisants.
La stratégie populiste, quant à elle, provient de ce que ces leaders « s’attachent à valoriser certaines lignes de clivages culturelles extérieures au groupe qu’ils aspirent à représenter, tout en occultant ses divisions internes »1. Certains arrivent à minimiser les divisions communautaires dans leurs discours tout simplement parce qu’ils ont besoin du vote de toutes les couches sociales.
D’autres, par contre, vont au-delà des discours populistes et émotionnels en utilisant une stratégie « clientéliste ». Elle consiste à augmenter le nombre de la clientèle politique par l’octroi d’avantages justifiés ou non en échange d’un soutien électoral. Aussi l’instrumentalisation des symboles identitaires, de l’ethnicité exige-t-elle des avantages ou des mesures concrètes au bénéfice de la communauté ou de l’ethnie.
Cet usage identitaire montre clairement la possibilité d’orienter et de façonner le vote politique d’un groupe social donné. Cela veut dire que l’identité collective est, elle-même, changeante et sujette à bien des manipulations. Dans ce cas, elle ne peut suffire, à elle seule, à mobiliser un électorat exclusif étant donné qu’aucun groupe ethnique ne peut voter dans son entier pour un même parti. Il y a donc lieu de relativiser l’usage des identités collectives lors des compétitions électorales. Par exemple, le caractère inégalitaire de la société indienne n’empêche pas l’enracinement de la culture démocratique dans ce pays.
Certes, l’Afrique n’est pas l’Inde mais il est possible de promouvoir, au-delà du pluralisme (ethnique, culturel et religieux), des éléments significatifs communs, indispensables à la formation d’une identité collective. Cela n’est possible que grâce à l’éducation dont le but est de transformer le dogmatisme mono-culturel des partis uniques en une identité fondée sur le respect et la reconnaissance des différences et sur la richesse des consensus possibles.
C’est à travers les luttes pour l’accès à l’espace public, les débats critiques que l’éducation reconstruit le sens de la participation démocratique.
Tant que les clivages identitaires ne mettent pas en cause le droit de vote de tous les citoyens et ne traduisent pas l’exclusivisme, l’ostracisme idéologique, les identités collectives dans le processus électoral constituent un mode légitime de participation politique et d’accès à l’espace public pour des groupes ou des individus qui en sont exclus. En fait, se constituer une base électorale en utilisant une figure nationale, un symbole identitaire, une identité particulière, en soi, ne pose pas de problème. Cependant, il faut veiller à ce que l’ethnicité ne soit pas un frein à la promotion de la liberté des citoyens.
Hyacinthe Loua, sj
Débats Courrier d’Afrique
En Afrique du Sud, la population noire est un indicateur électoral important dans l’ordre politique. Dans des pays comme la Guinée, le Togo, la Mauritanie où la classe politique est ethnicisée ou régionalisée, les identités collectives conservent un fort pouvoir explicatif du comportement électoral.
De manière générale, l’expérience des élections en Afrique, comme sur les autres continents, montre que l’élection au suffrage universel ou censitaire constitue un mécanisme démocratique qui exerce un effet direct sur les identités collectives.
L’hypothèse qui sous-tend cette réflexion est que le caractère multiethnique d’un État peut être un atout pour le pluralisme politique – donc de la démocratie – pourvu que le sentiment national y soit bien enraciné. Comment faire du fait identitaire, c’est-à-dire la conscience d’appartenir à un groupe humain particulier, un mode légitime de participation politique et d’enracinement de la culture démocratique en Afrique ?
En effet, lors des compétitions électorales, l’on observe une multiplication des revendications ethniques par l’usage effréné du discours de l’autochtonie tel qu’il se pratique, par exemple, enCôte d’Ivoire. Les faits sont là. Le choix des dirigeants par la voie électorale conduit certains leaders politiques à activer des clivages identitaires dans le seul but de se former une base électorale constituée le plus souvent d’individus qui auraient plus ou moins des éléments culturels communs.
Pour y arriver, la stratégie est toute simple : l’idéologisation, le populisme et le clientélisme. Le nationalisme est un exemple de cette idéologisation. En se faisant passer pour le défenseur d’un peuple qui se définit comme une nation, le leader politique prétend représenter cette communauté nationale et il en fait ainsi sa base électorale. Lors des élections présidentielles enAfrique, l’usage dans les discours politiques des expressions « Père de la nation, Guide éclairé, Timonier national, etc., » signifie à la fois la continuité de la politique de ce dernier mais aussi et surtout la recherche du vote de ses sympathisants.
La stratégie populiste, quant à elle, provient de ce que ces leaders « s’attachent à valoriser certaines lignes de clivages culturelles extérieures au groupe qu’ils aspirent à représenter, tout en occultant ses divisions internes »1. Certains arrivent à minimiser les divisions communautaires dans leurs discours tout simplement parce qu’ils ont besoin du vote de toutes les couches sociales.
D’autres, par contre, vont au-delà des discours populistes et émotionnels en utilisant une stratégie « clientéliste ». Elle consiste à augmenter le nombre de la clientèle politique par l’octroi d’avantages justifiés ou non en échange d’un soutien électoral. Aussi l’instrumentalisation des symboles identitaires, de l’ethnicité exige-t-elle des avantages ou des mesures concrètes au bénéfice de la communauté ou de l’ethnie.
Cet usage identitaire montre clairement la possibilité d’orienter et de façonner le vote politique d’un groupe social donné. Cela veut dire que l’identité collective est, elle-même, changeante et sujette à bien des manipulations. Dans ce cas, elle ne peut suffire, à elle seule, à mobiliser un électorat exclusif étant donné qu’aucun groupe ethnique ne peut voter dans son entier pour un même parti. Il y a donc lieu de relativiser l’usage des identités collectives lors des compétitions électorales. Par exemple, le caractère inégalitaire de la société indienne n’empêche pas l’enracinement de la culture démocratique dans ce pays.
Certes, l’Afrique n’est pas l’Inde mais il est possible de promouvoir, au-delà du pluralisme (ethnique, culturel et religieux), des éléments significatifs communs, indispensables à la formation d’une identité collective. Cela n’est possible que grâce à l’éducation dont le but est de transformer le dogmatisme mono-culturel des partis uniques en une identité fondée sur le respect et la reconnaissance des différences et sur la richesse des consensus possibles.
C’est à travers les luttes pour l’accès à l’espace public, les débats critiques que l’éducation reconstruit le sens de la participation démocratique.
Tant que les clivages identitaires ne mettent pas en cause le droit de vote de tous les citoyens et ne traduisent pas l’exclusivisme, l’ostracisme idéologique, les identités collectives dans le processus électoral constituent un mode légitime de participation politique et d’accès à l’espace public pour des groupes ou des individus qui en sont exclus. En fait, se constituer une base électorale en utilisant une figure nationale, un symbole identitaire, une identité particulière, en soi, ne pose pas de problème. Cependant, il faut veiller à ce que l’ethnicité ne soit pas un frein à la promotion de la liberté des citoyens.
Hyacinthe Loua, sj
Débats Courrier d’Afrique
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire