dimanche 29 avril 2012
Birame Ould Dah Ould Abeid à La Tribune : « Dans ces livres l’esclave est une chose et non une personne. Il peut être vendu, gagé ou loué. L’esclave n’a pas le droit à la propreté ; il n’a pas le droit au mariage ; il n’a pas le droit d’avoir une tutelle sur sa progéniture. »
Quelques heures avant son arrestation, Birame expliquait dans une Interview à La Tribune les motifs de l’incinération des livres qu’il avait fait exécuter vendredi. « …j’assume toutes les conséquences de cet acte et je suis prêt à tous les sacrifices qui se rapporteront à cet acte… » Disait-il au cours de l’entretien.
La Tribune : Vous avez fait incinérer des livres que beaucoup de mauritaniens considèrent comme référence en Islam. Pourquoi ce geste extrême qui est le premier en son genre ?
Birame Ould Dah Ould Abeid : Ces livres ne sont aucunement une référence à l’Islam mais plutôt une référence à une littérature négrière à laquelle les groupes dominants ont imprimé un cachet islamique depuis les siècles passés. Or l’Islam n’est pour rien dans ces pratiques esclavagistes inhumaines et ignobles auxquelles les esclaves et les noirs ont été soumis dans le monde arabo-musulman. Depuis des siècles, la castration et le viol légalisés et sacralisés ; les châtiments corporels, les mutilations, la déshumanisation, les travaux sans repos et sans salaire, les ventes des esclaves, la séparation des familles, etc. sont des pratiques totalement étrangères au coran et à la sunna (paroles et faits) du prophète. Ce sont là des actes de barbarie antéislamique que beaucoup de groupes dominants dans la société musulmane ont voulu reconduire pour leur bien être personnel et pour assouvir leurs instincts personnels et leur vice. Et ce n’est pas en relation avec l’Islam. Au contraire, ils ont prétendu que c’est de l’Islam, c’est une instrumentalisation avec laquelle nous voulons rompre par cet acte fort. Nous persistons et signons. Et moi, personnellement, en tant que président d’IRA, j’assume toutes les conséquences de cet acte et je suis prêt à tous les sacrifices qui se rapporteront à cet acte. Et je sais que c’est un acte qui blanchit Il est temps qu’on mette fin aux transactions-ventes d’esclaves entre la Mauritanie et les pays du Golfe. Il est temps qu’on considère les harratines qui sont la majorité en Mauritanie comme de êtres humains.
La Tribune : Que reprochez-vous concrètement à ces livres ?
Birame Ould Dah Ould Abeid : Dans ces livres l’esclave est une chose et non une personne. Il peut être vendu, gagé ou loué. L’esclave n’a pas le droit à la propreté ; il n’a pas le droit au mariage ; il n’a pas le droit d’avoir une tutelle sur sa progéniture. L’esclave n’a pas d’intégrité physique : les fillettes et les femmes esclaves sont violées par tout le monde ; surtout les maitres, les parents et amis des maitres. Et cela est légalisé. Comme vous le savez, et à l’heure où je vous parle, nous avons de cas concrets de filles et de fillettes esclaves qui ont été violées depuis l’âge de dix, huit, sept ans qui ont eu des enfants issus de ces viols. Et vu que ce sont tous les maitres qui violent, que c’est l’étranger du maitre qui viole, c’est tout le monde qui viole, elles ne connaissent pas et ne peuvent déterminer la paternité de ces enfants. Ces enfants ne sont pas reconnus. Ce qui, dans notre société est source de traumatisme, de déchéance pour ces femmes et pour ces enfants et pour ces femmes. Donc dans ces livres, un esclave peut être la propriété de quatre ou cinq personnes, sachant que chaque personne a ¼ ou 1/5e puisqu’on divise l’année en quatre ou cinq périodes durant chacune desquelles l’esclave travaille pour une personne.
La Tribune : Tout ceci est contenu dans ces livres ?
Birame Ould dah Ould Abeid : Tout ceci est contenu dans ces livres ! Et je suis très étonné que des gens d’extraction esclavagiste, comme ceux des partis Tawasoul et Hatem, prennent fait et cause pour ces textes esclavagistes, ces textes négriers, ce code noir qui continue à être en vigueur en Mauritanie alors que les présidents de Tawassoul et Hatem sont des députés ayant voté la loi contre l’esclavage à l’Assemblée. Cela prouve que la loi est faite pour la consommation internationale. C’est une loi qui est votée pour narguer l droit international et la communauté internationale. Ce n’est pas une loi destinée à l’application. Si l’esclavage est prohibé par le parlement mauritanien, c’est que le parlement mauritanien mauritanien a prohibé ces livres qui font l’apologie de l’esclavage ; l’apologie de l’esclavage qui est condamnée, dans la loi que les députés ont votée. Mais ça c’est l’hypocrisie, la roublardise des gens qui ne sont pas sincères, des gens qui veulent rouler tout le monde dans la farine. Mais je leur dis ici, à travers cette tribune, qu’ils vont échouer car moi je me dresserais jusqu’au bout et je payerai le prix qu’il faut pour étaler à la face du monde le mensonge de ces députés, le mensonge de ces partis, le mensonge de cet état, le mensonge de ces ulémas, de ces érudits.
La Tribune : L’acte d’incinération des documents a eu leu un vendredi, jour sacré pour les musulmans. En plus c’est au lendemain de votre retour d’Europe. N’êtes vous pas en train de donner l’occasion de croire que cet acte vous a été dicté par des ennemis de l’Islam ?
Birame Ould Dah Ould Abeid : Non. Moi quand je fais un acte que me dictent ma conscience et mes principes qui sont basés sur la recherche de la dignité pour l’être humain, la recherche de la vérité, de la justice, je ne pense pas aux conséquences, je ne prête pas attention aux interprétations. Je m’en réfère à ma conscience. Le vendredi est un jour sacré pour les musulmans. Mais qui sont les musulmans et qui ne sont pas les musulmans ? Mais nous sommes des musulmans ! La seule différence avec ces pseudos musulmans qui sont nos détracteurs, c’est que nous sommes des éléments attachés à l’esprit de tolérance de l’islam, à l’esprit égalitaire de l’islam, à l’esprit humanitaire de l’Islam. Donc à l’essence d’un Islam originel et original ; à l’Islam qui est dans le Coran et dans les paroles et pratiques du prophète, qui est un islam antiesclavagiste, un Islam respecte l’intégrité physique et morale de la personne humaine. Donc, nous on a fait notre prière du vendredi correctement comme on l’a toujours fait. Et puis, nous avons incinéré cette littérature faite par des hommes qui sont coupables de faire des erreurs, des hommes qui ne sont pas au dessus de tout soupçon. Des livres qui ne sont pas le Coran, qui ne sont pas la sunna et qui ne sont pas faits par des hommes réputés dans l’islam par leur rectitude. On a incinéré des livres qui font tort à l’Islam et qui continent, par leur apologie et la sacralisation de l’esclavage, par le cachet de la religion, à tenir dans des conditions inhumains mon peuple, le grand peuple harratine et dans des formes de discrimination qui trouvent leur racine dans l’esclavage. Personne ne peut nous donner de leçon d’Islam et nous n’en accepterons de personne. C’est profitant de la sacralité du vendredi qu’on a choisi ce vendredi pour faire un acte sacré, un acte salvateur pour les mauritaniens car il va sonner le glas de l’aliénation dont sont victimes les esclaves et les maitres d’esclaves car ce sont ces textes inventés par des hommes et rattachés d’une manière fausse à l’Islam qui continuent à aliéner les esclaves et les propriétaire d’esclaves. C’est cela notre acte, ses buts et objectifs.
La Tribune : C’est donc à une déconstruction de la société mauritanienne dans tout ce qu’elle a comme valeurs et traditions auxquelles elle tient jalousement que vous vous livrez ?
Birame Ould Dah Ould Abeid : Absolument! Nous avons toujours dit que nous sommes un mouvement d’idées e que notre but est de déconstruire l système, d’abord dans ses fondements idéologiques et pseudos religieux qui ancrent et légitiment l’inégalité, l’injustice, les crimes de pratiques esclavagistes. La société ne tient pas à cela. Ce sont les groupes dominants esclavagistes qui y tiennent, à cette idéologie esclavagiste, ces livres négriers, cette interprétation fausse de l’Islam. Mais les victimes de l’esclavage, les populations et les segments, certes pas nombreux mais existants, de modernistes mauritaniens ne tiennent pas à cette littérature, à ses lois et codes esclavagistes….
Propos recueillis par Kissima
Source : La Tribune N°593 du 30 avril 2012
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