Deux ans, jour pour jour, après son élection à la tête du pays, l'ex-général Mohamed Ould Abdel Azizendosserait relativement mal ses habits d'homme d'état. La principale critique: son manque de vision et un positionnement flou sur certaines questions liées à la cohésion sociale. Décryptage d'un président encore engoncé dans des réflexes militaires.
Un avènement porteur d'espoir- Auteur du coup d'état de 2008, durant lequel il évince du pouvoir le premier président de la République de Mauritanie démocratiquement élu, Sidi Ould Cheikh Abdallahi, le général Mohamed Ould Abdel Aziz n'aura de cesse durant une année de préparation des élections, de chercher à développer une carrure d'homme d'état.
La mue est porteuse d'espoir. Dans toutes les communautés, après la digestion de sa «rectification», on se dit «peut-être. Enfin. Qui sait?»
La prière du pardon à Kaédi, en mars 2009 met en scène «l'homme de la réconciliation des cœurs», qui veut «panser les blessures encore béantes et tourner, ici, une page». En pré-campagne électorale, on découvre le «président des pauvres», un homme qui jure de faire la guerre à la gabegie, et de répartir équitablement les richesses du pays. Les espoirs sont grands.Un avènement porteur d'espoir- Auteur du coup d'état de 2008, durant lequel il évince du pouvoir le premier président de la République de Mauritanie démocratiquement élu, Sidi Ould Cheikh Abdallahi, le général Mohamed Ould Abdel Aziz n'aura de cesse durant une année de préparation des élections, de chercher à développer une carrure d'homme d'état.
La mue est porteuse d'espoir. Dans toutes les communautés, après la digestion de sa «rectification», on se dit «peut-être. Enfin. Qui sait?»
Et au-delà des achats de conscience dénoncés par l'opposition lors de sa victoire à l'élection présidentielle, il n'en demeure pas moins qu'Aziz a bénéficié de la confiance des mauritaniens, toutes communautés confondues. Dans la foulée de son élection, investi d'une nouvelle aura civile, le retour des réfugiés, impulsé sous Sidioca continue. L'état de grâce dure un peu moins d'un an.
Le réveil des vieux réflexes- A partir du premier trimestre 2010, les perspectives ouvertes par l'avènement de l'ancien général commencent à devenir floues. La première grande incompréhension viendra de son «silence approbateur», selon le titre d'un quotidien à l'époque, dans la description du premier ministre Mohamed Ould Laghdaf, de la Mauritanie comme terre arabe, et où cette langue «doit s'imposer». C'est le réveil des démons du passé.
«Cette polémique autour de l'arabité exclusive du pays, et de l'arabisation de l'administration mauritanienne, il y a un an, a été initiée par les nasséristes de son cercle, qui l'ont coupé de toute une génération de compétences, en moins d'un an de pouvoir. Toutes les fortes têtes remplies, et droites, ont été priées de dégager, ne caressant pas le raïs dans le sens du poil. Paradoxalement, ces mêmes dogmatiques au pouvoir envoient leurs enfants principalement au lycée français de Nouakchott, éventuellement au Petit Centre» évoque longuement un ancien cadre de l'administration qui a requis l'anonymat.
La politique étrangère d'Aziz marque aussi le décalage entre les promesses aperçues au départ, et la dure réalité des faits. Au début, cette politique est marquée par des rapports quasi-symbiotiques avec l'astre libyen, qui le soutient, et qu'Aziz lâche cette année, après la révolution libyenne que Khadafi tente de réprimer dans le sang de son propre peuple.
Aziz a reconnu il y a deux ans, qu’il fallait «panser les plaies encore béantes» du passif humanitaire, et s’est engagé à indemniser les familles. Mais il n’est pas dit que la compensation pécuniaire suffise. «On ne peut pas pardonner comme cela, prévient Ibrahima Sarr, président de l'AJD/MR. Il faut une investigation pour situer les responsabilités». Une exigence de justice difficile à satisfaire quand la hiérarchie militaire, dont le soutien est indispensable pour rester au pouvoir, a quelque chose à voir avec ces «années de braises».
Depuis le règlement du passif stagne. Les vagues de retour des réfugiés ont été stoppées de manière unilatérale par le gouvernement d'Aziz en décembre dernier, et la question délicate des terres subit un manque de traitement ferme.
Mister Général et docteur Aziz- «Il navigue à vue» lâche nonchalamment un analyste politique d'un hebdomadaire local. Depuis qu'il a endossé l'habit présidentiel, et qu'il a lâché ses oripeaux de général, Mohamed Ould Abdel Aziz ressemble à un alchimiste qui mélange mixtures et molécules, au hasard. «La pression liée à ses engagements pris en tant que président des pauvres, a fait de lui un populiste» continue l'analyste.
Du coup, la volonté manifeste lors de ses premiers mois à la Présidence, laisse espérer l'éclosion d'un potentiel unificateur en la personne de Aziz. Mais, «le rassembleur qu'il veut devenir se concilie mal à ces pans entiers de sa personnalité, et de son comportement, hérités d'une formation exclusivement militaire, longuement pratiquée à la tête du bataillon pour la sécurité du président (BASEP), qu'il a fondé» argumente l'analyste.
Ainsi, il fonctionnerait de manière «réactionnelle». «Confronté à un problème, plus ou moins important, il recherche immédiatement une solution, qui n'est pas forcément que matérielle, comme son expérience lui suggère, et c'est là que le masque du populiste se découvre, entre annonces à tout-va, et décisions spontanées, sans concertations avec d'éventuels spécialistes» juge l'analyste.
Sur le volet sécuritaire, qui est sensé être le domaine qu'il maîtriserait le mieux, Aziz a mené la guerre sur le terrain d'AQMI, comme lors de l'attaque de Wagadou il y a quelques semaines. Si certains l'ont accusé de «mener une guerre par procuration», le Président de la République reste ferme sur cette question: «La Mauritanie mène une guerre contre les bandes armées pour défendre ses citoyens, sa sécurité et ses intérêts et non ceux d’un autre pays».
Double-discours- «Le mur de sa crédibilité est complètement lézardé dans les communautés négro-africaines aujourd'hui. Après tant d'incohérences entre ses actes et ses mots, après s'être muré dans des silences qu'on ne comprend pas lors de chaque crise sociale, ces communautés le jugent sur ces actes qu'il laisse faire, qu'il ne commente pas, qu'il ne dénonce pas, et qui sont pléthore, et qui éventuellement viennent de son autorité: de l'actuel problème du recensement, à la question des réfugiés, à celle de la spoliation des terres, en passant par les accords de Dakar foulés au pied, à une certaine purge dans l'administration» s'étonne Baydi Lô, syndicaliste à la confédération générale des travailleurs de Mauritanie (CGTM). Du coup de plus en plus émerge le questionnement des réelles motivations du président Aziz. Les effets d'annonce ne sont pas suivis d'actes pour les étayer. et cela inquiète.
Mais on se souvient de sa critique publique sur le fonctionnement archaïque des médias publics, dans le traitement de l'information. Beaucoup s'étaient dits: «C'est la fin du grand n'importe quoi à l'AMI, à la TVM et à la Radio; de réels débats auront lieu, l'opposition aura une place dans ces institutions, et la qualité sera légèrement relevée» comme le présente ironiquement un journaliste de la place.
Plus d'un an et demi après cette déclaration fracassante, les médias publics sont toujours dans la platitude la plus totale, avec un mépris affiché des points de vue critiques, comme ceux de l'opposition, et même un mépris des autres langues nationales, qui ont vu sous Aziz, leur place diminuer dans ces institutions. Donc soit les instructions du raïs ne sont pas suivies, et les sanctions tardent à tomber, soit sa bénédiction est totale.
À deux ans de la fin de son mandat, Mohamed Ould Abdel Aziz s'escrime entre des discours unificateurs, et une volonté manifeste de changer profondèment les choses, mais dans les actes, sur le terrain, l'improvisation règne, et comme disait Emile de Girardin, «gouverner c'est prévoir».
Mamoudou Lamine Kane
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