lundi 16 mars 2015

Adieu Amar


15-03-2015 21:45 -

Adieu Amar وَلَنَبْلُوَنَّكُمْ بِشَيْءٍ مِّنَ الْخَوفْ وَالْجُوعِ وَنَقْصٍ مِّنَ الأَمَوَالِ وَالأنفُسِ وَالثَّمَرَاتِ وَبَشِّرِ الصَّابِرِينَ الَّذِينَ إِذَا أَصَابَتْهُم مُّصِيبَةٌ قَالُواْ إِنَّا لِلّهِ وَإِنَّـا إِلَيْهِ رَاجِعونَ أُولَـئِكَ عَلَيْهِمْ صَلَوَاتٌ مِّن رَّبِّهِمْ وَرَحْمَةٌ وَأُولَـئِكَ هُمُ الْمُهْتَدُونَ

Sourate Al Baqara Verset 155 à 157

Il y a une semaine, nous quittait Amar Fall. Ce triste événement n’a laissé personne indifférent à Nouakchott, particulièrement.

Pas parce que l’on imaginait Amar comme un immortel, mais parce que l’homme savait marquer ses interlocuteurs, par sa disponibilité, sa simplicité, sa correction et son sens élevé des relations humaines.

Amar Fall a en effet marqué tous ceux qui l’ont connu : ses amis d’enfance, ses promotionnaires de classes à Rosso, ses collègues professeurs, ses élèves à Nouakchott et Nouadhibou, sa génération de footballeurs, ses nombreux camarades, les militants politiques et ses confrères de la presse. Jeune sportif, Amar Fall reste une légende du football national.

Gardien de buts de son état, il fera les beaux jours du FC Trarza avant de s’imposer au sein de la légendaire équipe de l’ENS de Nouakchott puis de la sélection scolaire nationale des années 80. Considéré comme une valeur sûre du football mauritanien, et promu à un bel avenir du fait de ses extraordinaires dispositions sportives, Amar, « Elastique », pour ses coéquipiers, (tant il savait se détendre pour arrêter le ballon sur sa ligne de buts) était convoité par tous les clubs de la capitale.

Mais c’était sans compter avec la nature de l’homme qui ne vouait rien aux «choses» d’ici bas. A une carrière d’avance réussie de footballeur toute tracée, Amar préféra les études. Très attaché à la philosophie, alors élève au lycée de Rosso, c’est naturellement dans cette discipline qu’il excella, sortant major de la promotion des professeurs de philo en 1984 à l’ENS.

Il maitrisait les œuvres des philosophes majeurs et connaissait tout de Socrate, Platon, Aristote, Epicure, Zénon… mais aussi de Descartes, Pascal, Rousseau, Montesquieu, Kant, Hegel, Nietzsche, Bachelard, Sartre, entre autres. Homme de sciences, homme de lettres, et homme de culture, tout court, Amar Fall fut le professeur de philosophie par excellence, recherché par l’école mauritanienne.

Particulièrement attaché à sa fonction, ponctuel et pointilleux jusqu’au bout des ongles, ce bilingue entier qu’il fut, reste l’un des très rares professeurs qui ont accepté, à l’issue des réformes du système de l'éducation nationale, de dispenser des cours aussi bien en français qu’en arabe. L’homme aimait son métier, mais surtout en parfait patriote, ne ménageait rien pour enrichir ses élèves de ses vastes connaissances.

Quand Amar dispensait des cours au lycée de Nouakchott, et plus tard au lycée de Nouadhibou, quand il animait des cours au lycée arabe, au lycée d’El Mina ou dans l’un des établissements de l’enseignement privé, on se croirait dans un meeting avec des élèves qui accouraient de partout pour suivre ses cours, et faute de places, s’agglutinaient parfois aux portes, dans les couloirs, voire aux fenêtres des salles de classes !

A cette vie d’éducateur, cet intellectuel hors pair, a su allier celle du militant politique engagé. Lorsque les partis politiques furent légalisés en avril 1992, il avait déjà d’excellentes dispositions pour une brillante carrière politique, lui qui avait combattu le régime de l’époque, dans les rangs du FDUC, et plus tard d’APP et du RFD. Très vite, il se sentira à l’étroit dans la sphère politique nationale où la déloyauté, l’hypocrisie, la mauvaise foi et la malhonnêteté sont élevées au rang de vertu.

Et c’est certainement pour combattre cette situation mais aussi et surtout -comme il aimait à le souligner-, « pour apporter sa pierre à l’édifice national » qu’il s’essaya au journalisme. Chroniqueur à «Al Bayane» puis au « Calame », c’est avec la « Tribune » qu’il fit ses premiers véritables pas dans la presse. Avec Mohamed Vall Ould Oumeir et Oumar El Moctar, le voilà former le trio qui a lancé cet hebdomadaire.

C’était en 1997. Deux ans plus tard, il regagna son ami et frère Oumar El Moctar qui venait de créer « L’Authentique ». Analyste politique et fin observateur de la scène socio-économique nationale et internationale, Amar Fall qui maitrisait parfaitement bien la langue et le clavier, ne tarda pas à convaincre ses lecteurs. Mais son succès viendra surtout de sa rubrique « Visage de ville » particulièrement appréciée des générations nostalgiques de notre capitale, mais aussi des plus jeunes qui y retrouvaient, la vie de Nouakchott, dans toute sa plénitude, des années de l’indépendance aux années 80 !

« Une rubrique de L’Authentique qui a valeur d’archives pour une ville dont l’histoire a été effacée par les pouvoirs publics » n’ont cessé de relever ses lecteurs. Amar parti, nous gardons de lui, l’image d’un être exceptionnel qui n’a jamais levé le ton, égal à lui-même dans toutes les circonstances et qui a les mêmes considérations, les mêmes égards, l’égal respect à l’endroit de ses interlocuteurs.

Cet homme là, qui n’a jamais fait de mal à personne, ni même jamais chercher à gêner ses vis-à-vis, et encore moins à les déranger, s’en est allé, comme il a vécu. En silence ! De cette belle mort que beaucoup de croyants envient à ceux qu’Allah couvre de sa félicité. Le lundi fatidique, il venait en effet d’accomplir sa prière d’Al Asr dans la mosquée jouxtant son domicile. Une fois rentré chez lui, il quittait ce bas-monde.

A son épouse Fatimetou, à ses filles Mana et Coumba, à ses garçons Baba et Mohamed, à toute la famille Ehel Ely Lejraab de Rosso et de Boutilimitt, aux mauritaniens dans leur ensemble, les condoléances de la rédaction de L’Authentique les plus attristées. Qu’Allah l’accueille en son vaste Paradis et donne à sa famille, de la force de l’endurance et de la patience.

Inna Lillahi Wa inna Ileyhi Rajioûn

Oumar El Moctar



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